kamomille
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LEMONDE.FR | 05.06.09 | 11h50 • Mis à jour le 05.06.09 | 12h03
Pedro : Qu'avez-vous retenu du discours du Caire de Barack Obama ?
Gilles Kepel : C'est un discours de relations publiques fait par un expert en communication qui marque d'abord et avant tout la rupture symbolique et rhétorique avec l'ère Bush. Et qui veut lever les malentendus avec le monde musulman, car le président américain estime que le tort causé à l'image de l'Amérique par les huit années de présidence Bush, par la guerre en Irak, par Guantanamo, est considérable et qu'il lui a fallu s'engager pour la redresser.
Par ailleurs, ce discours a fait d'une certaine manière de l'islam une religion américaine. Obama, fils d'immigré d'origine musulmane, a insisté pour inscrire l'islam dans le melting-pot religieux américain. Ce qui peut surprendre une oreille européenne, habituée à ce qu'on parle beaucoup moins de religion dans l'espace public.
Aux Etats-Unis, où les références bibliques et évangéliques, juives et chrétiennes sont très fréquentes dans le discours politique, Obama a désormais adjoint, sur un pied d'égalité, l'islam, dont il a souligné le message de paix, etc. C'est un facteur important.
L'autre facteur important, c'est que jamais un président américain n'était allé aussi loin dans la pression, sur Israël notamment pour ce qui concerne le gel de la colonisation et la nécessité de reconnaître la souveraineté d'un Etat palestinien, et l'insistance sur la souffrance palestinienne. Ce qui crée, bien sûr, un froid dans la relation israélo-américaine et met une pression considérable sur le gouvernement Nétanyahou.
Dernier point, qui n'est pas contenu dans son discours mais qui appartient au contexte : le discours a été fait au Caire, pays arabe sunnite allié des Etats-Unis, après une escale en Arabie saoudite. Obama a voulu à la fois rassurer les pays arabes alliés des Etats-Unis, qui s'inquiètent de son ouverture à l'Iran, et aussi renforcer la position de ces gouvernements face à une opinion publique qui les trouve trop peu allants sur le dossier palestinien.
dadou : Ce discours était aussi adressé, dans le contexte égyptien, aux Frères musulmans, qu'en dites-vous?
Gilles Kepel : D'une certaine manière, Obama a tendu la main à ce qu'il appelle l'islamisme modéré. Et on voit bien aujourd'hui qu'en Turquie, par exemple, l'AKP au pouvoir est bien vu par l'administration américaine. Reste à savoir quel type de réaction les islamistes auront à ce discours.
En Egypte, bien sûr, mais aussi, et c'est plus important, en Palestine où Hamas est dans une logique de participation éventuelle à un gouvernement d'union nationale palestinienne, sous conditions.
agnes : En quoi pensez-vous que Barak Obama peut changer les choses au Moyen-Orient et peut améliorer la situation bien que les Etats-Unis n'y soient pas toujours bien perçus ?
Gilles Kepel : Son discours avait pour objectif, d'abord et précisément, de changer la perception des Etats-Unis. Et ce qui le montre, ce sont les réactions hostiles à la fois d'Al-Qaida à travers Zawahiri et Ben Laden, et celles de l'ayatollay Khamenei en Iran. Tous trois craignent qu'une Amérique qui présente un visage plus aimable et plus attractif ne diminue la capacité de mobilisation anti-occidentale des discours radicaux dont ils sont porteurs.
Mais le discours du Caire ne contenait aucune avancée concrète, aucun plan précis à mettre en oeuvre dans l'immédiat, et c'est là sans doute qu'on attend les Etats-Unis, confrontés très vite au défi que représentent les talibans en Afghanistan et au Pakistan, et pour lequel la rhétorique ne suffit pas.
Pedro : Qu'avez-vous retenu du discours du Caire de Barack Obama ?
Gilles Kepel : C'est un discours de relations publiques fait par un expert en communication qui marque d'abord et avant tout la rupture symbolique et rhétorique avec l'ère Bush. Et qui veut lever les malentendus avec le monde musulman, car le président américain estime que le tort causé à l'image de l'Amérique par les huit années de présidence Bush, par la guerre en Irak, par Guantanamo, est considérable et qu'il lui a fallu s'engager pour la redresser.
Par ailleurs, ce discours a fait d'une certaine manière de l'islam une religion américaine. Obama, fils d'immigré d'origine musulmane, a insisté pour inscrire l'islam dans le melting-pot religieux américain. Ce qui peut surprendre une oreille européenne, habituée à ce qu'on parle beaucoup moins de religion dans l'espace public.
Aux Etats-Unis, où les références bibliques et évangéliques, juives et chrétiennes sont très fréquentes dans le discours politique, Obama a désormais adjoint, sur un pied d'égalité, l'islam, dont il a souligné le message de paix, etc. C'est un facteur important.
L'autre facteur important, c'est que jamais un président américain n'était allé aussi loin dans la pression, sur Israël notamment pour ce qui concerne le gel de la colonisation et la nécessité de reconnaître la souveraineté d'un Etat palestinien, et l'insistance sur la souffrance palestinienne. Ce qui crée, bien sûr, un froid dans la relation israélo-américaine et met une pression considérable sur le gouvernement Nétanyahou.
Dernier point, qui n'est pas contenu dans son discours mais qui appartient au contexte : le discours a été fait au Caire, pays arabe sunnite allié des Etats-Unis, après une escale en Arabie saoudite. Obama a voulu à la fois rassurer les pays arabes alliés des Etats-Unis, qui s'inquiètent de son ouverture à l'Iran, et aussi renforcer la position de ces gouvernements face à une opinion publique qui les trouve trop peu allants sur le dossier palestinien.
dadou : Ce discours était aussi adressé, dans le contexte égyptien, aux Frères musulmans, qu'en dites-vous?
Gilles Kepel : D'une certaine manière, Obama a tendu la main à ce qu'il appelle l'islamisme modéré. Et on voit bien aujourd'hui qu'en Turquie, par exemple, l'AKP au pouvoir est bien vu par l'administration américaine. Reste à savoir quel type de réaction les islamistes auront à ce discours.
En Egypte, bien sûr, mais aussi, et c'est plus important, en Palestine où Hamas est dans une logique de participation éventuelle à un gouvernement d'union nationale palestinienne, sous conditions.
agnes : En quoi pensez-vous que Barak Obama peut changer les choses au Moyen-Orient et peut améliorer la situation bien que les Etats-Unis n'y soient pas toujours bien perçus ?
Gilles Kepel : Son discours avait pour objectif, d'abord et précisément, de changer la perception des Etats-Unis. Et ce qui le montre, ce sont les réactions hostiles à la fois d'Al-Qaida à travers Zawahiri et Ben Laden, et celles de l'ayatollay Khamenei en Iran. Tous trois craignent qu'une Amérique qui présente un visage plus aimable et plus attractif ne diminue la capacité de mobilisation anti-occidentale des discours radicaux dont ils sont porteurs.
Mais le discours du Caire ne contenait aucune avancée concrète, aucun plan précis à mettre en oeuvre dans l'immédiat, et c'est là sans doute qu'on attend les Etats-Unis, confrontés très vite au défi que représentent les talibans en Afghanistan et au Pakistan, et pour lequel la rhétorique ne suffit pas.