Parfois, dans l’histoire, le pire se répète. Huit ans après l’infamie de Daesh, une vidéo de décapitation donne la nausée aux quatre coins du globe. Depuis quelques semaines, les réseaux sociaux montrent un militaire en train de décapiter au couteau un soldat ukrainien. Des gestes d’une violence insoutenable. Les images, qui laissent penser que le soldat décapité était vivant, n’ont pas été authentifiées, et à l’heure des manipulations numériques et autres deep fakes, un mince « espoir » demeure : et si cette atrocité n’avait pas réellement eu lieu ?
Les condamnations affluent malgré tout ce mercredi. « Comme ces monstres tuent facilement. Cette vidéo de l’exécution d’un prisonnier de guerre ukrainien, le monde doit le voir. C’est une vidéo de la Russie comme elle est », a lancé le président ukrainien Volodymyr Zelensky sur Instagram, sans se prononcer sur l’authenticité. Une enquête du service de sécurité ukrainien est en cours. La mission de l’ONU pour les droits humains en Ukraine s’est dite « horrifiée » et l’Union européenne demandera « des comptes à tous les auteurs et complices de crimes de guerre », a indiqué une porte-parole du chef de la diplomatie européenne.
Plus étonnant, même Moscou se désolidarise de cette horreur suprême. Carole Grimaud, chercheuse en sciences de l’information et la communication et analyste sur la Russie, rappelle que la Russie « nie généralement que ses soldats aient pu pratiquer des exactions » comme à Boutcha, comme les accusations de viols, de torture. Habituellement prompte à hurler à la propagande ukrainienne, à la mise en scène, la présidence russe dénonce ici des images « horribles », selon les termes de son porte-parole Dimitri Peskov. « C’est surprenant », analyse la chercheuse française. Le porte-parole russe laisse cependant la place au doute : « Dans le monde de fakes dans lequel nous vivons, il faut s’assurer de l’authenticité de cette vidéo. »
Wagner nie
Les regards se sont bien vite tournés vers le groupe Wagner, accusé des pires atrocités sur le théâtre ukrainien. Selon l’Institut for the study of war, dans son analyse du 10 avril, « les forces Wagner continueraient à commettre des crimes de guerre en décapitant des militaires ukrainiens à Bakhmout. Des utilisateurs russes de médias sociaux ont publié des images censées montrer les restes d’une tête appartenant à un militaire ukrainien sur un pieu dans une zone non précisée de Bakhmout. Des utilisateurs de médias sociaux ont rappelé des cas similaires de crânes montés sur des pics à Popasna, dans l’oblast de Louhansk, où les troupes de Wagner ont opéré au cours du printemps et de l’été 2022 ».Mais dans la foulée de Dimitri Peskov, le patron de la milice Evgueni Prigojine a rejeté ces accusations en bloc. Sur les médias russes, il a juré que ses combattants n’avaient rien à voir avec ces images, lui que la violence la plus crue ne rebute pourtant pas. Fin 2022, une vidéo montrait un de ses combattants massacrant un milicien déserteur à coups de masse sur le crâne. « Il n’a pas trouvé le bonheur en Ukraine et a fini par rencontrer des gens durs mais justes », avait réagi Prigojine à l’époque. « Excellente réalisation qui se regarde d’un souffle. Aucun animal n’a souffert durant le tournage. » Visiblement, la décapitation dépasse son seuil de tolérance.
Face à ces dénégations en série, Carole Grimaud regarde vers les soldats tchétchènes, notoirement impliqués en Ukraine. A l’époque de l’Etat islamique, la Tchétchénie était un important vivier de djihadistes pour le groupe terroriste installé en Syrie et en Irak. Le dirigeant tchétchène « Ramzan Kadyrov présente la guerre en Ukraine comme une guerre sainte. Lui qui défend une ligne extrémiste de l’islam a besoin de cette justification pour l’invasion. Cela pourrait expliquer l’embarras de Peskov. » Il ne reste plus qu’à espérer que cette vidéo est un faux…