Guerre en Ukraine: pour remonter le moral des troupes, Moscou envoie des chanteurs et musiciens au front
Le Kremlin dépêche une « Brigade créative ». « Dans leurs mains, pas des mitraillettes, mais des microphones ! », commente son communiqué, avec enthousiasme.
Allez @Yancine , allez @morjani , on recrute dans les chorales russes
De la musique pour les oreilles de Zelensky. Le moral des troupes russes est si bas que le Kremlin envoie des chanteurs lyriques, des guitaristes folks, des pianistes, des acteurs et autres saltimbanques en Ukraine pour tenter de remonter le moral des soldats au front. Ainsi, à la veille du 300e jour de la guerre des Trois Jours (le temps que les stratèges de Moscou considéraient comme suffisant pour conquérir Kiev et mettre en place un gouvernement fantoche), le ministère de la Défense de la Fédération de Russie publie un communiqué qui semble avoir été rédigé par un pacifiste hippie. « Dans leurs mains, pas des mitraillettes, mais des microphones ! », commence le communiqué avec enthousiasme. « Une première Brigade créative a été dépêchée sur la ligne de front. Son objectif : soutenir nos militaires dans la zone des opérations spéciales. » Même lorsqu’il s’agit de musique, le Kremlin ne parvient pas à appeler la guerre par son nom. « La Brigade comprend des artistes mobilisés et bénévoles : ils sont chanteurs, musiciens ou possèdent même des talents plus originaux. »
Le message a été diffusé sur le canal Telegram officiel de la Défense et circule sur internet, avec une vidéo jointe. Dans la vidéo, on peut voir et entendre des extraits des mini-concerts que certains artistes, tous des hommes en uniforme, ont donnés devant les troupes. Des troupes plutôt perplexes, à en juger par l’expression de leurs visages. La première représentation de la Brigade créative a eu lieu le 19 novembre à Marioupol, dans la région occupée de Donetsk. « Les artistes interprètent leurs chansons préférées », explique la légende rédigée par les fonctionnaires du ministère. « Comme Itinéraire de la ligne de front, Des héros d’autrefois et un vrai succès de la ligne de front : Sébastopol. »
L’expédient consistant à envoyer des artistes plus ou moins célèbres au front, surtout lorsque les choses ne se passent pas comme prévu ou annoncé, n’a rien de nouveau. Ainsi, au Vietnam, Johnny Cash a donné un concert pour les soldats américains. Par une étonnante série de coïncidences, quatre jeunes filles originaires de Piombino, qui venaient de former le groupe Stars, se sont également retrouvées à faire une tournée surréaliste à Saigon. Et quelques années plus tôt, en Corée, c’est Marilyn Monroe qui se produisait devant 100.000 soldats dans le spectacle historique Anything goes.
Un signe supplémentaire de vulnérabilité
Les services de renseignement occidentaux ont interprété le communiqué de Moscou comme un signe supplémentaire de la vulnérabilité des forces armées de Poutine, qui ont d’ailleurs reçu une visite particulière ce dimanche : le ministre de la Défense, Sergueï Choïgou, a survolé les zones de déploiement et s’est entretenu avec les troupes au front et « dans l’un des postes de commandement ». L’armée ne parvient pas à percer sur le front est de Bakhmout, dans le Donbass, et recule lentement sur le front sud où, d’après les photos de barrières antichars dans les rues de Melitopol circulant sur le web, elle se prépare à une éventuelle contre-offensive. Une enquête du New York Times a mis en évidence leur manque d’équipement, l’utilisation de cartes datant des années 1960 ou encore leur méconnaissance des armes et des précautions tactiques, comme celle qui consiste à ne pas allumer son téléphone portable sur la ligne de front en raison du risque d’être repérés et bombardés. « Craignant un affrontement américano-russe, des officiers américains ont même tenté d’empêcher les Ukrainiens de monter une attaque pour tuer le général Guerassimov », a révélé le journal.« La musique militaire et les divertissements organisés pour les troupes déployées constituent une tradition de longue date dans de nombreuses armées, mais en Russie, ils sont fortement liés au concept d’éducation politique idéologique de l’ère soviétique » : telle est l’analyse du renseignement britannique. « Les préoccupations des soldats se concentrent sur le nombre très élevé de victimes, le manque de leadership, les problèmes de salaire, le manque d’équipement, de munitions et de clarté des objectifs. »
Une chanson, ça fait toujours plaisir, mais une fois le morceau terminé, le froid revient. Tout comme la peur de mourir par la faute des autres.
