Il y a 33 ans nous quittait Marguerite Taos Amrouche
Il y a 33 ans nous quittait Marguerite Taos Amrouche En 1969 j'étais au collège. En cours de musique le professeur, un français, nous fit écouter Taos. Il n'en revenait pas de découvrir qu'aucun d'entre nous ne la connaissait, même pas de nom. Quarante ans après je crois que rien n'a changé.
« J'ai dit ma peine », cet Achoueq ( style chants du foyer, berceuse et chants d'exil ) résume à lui seule la vie de Taos. De son vrai nom Marie Louise Taos, elle est née le 4 mars 1913 en Tunisie, d'un couple d'exilés, Antoine-Belkacem Amrouche d'Ighil Ali ( Petite Kabylie ) et de Fadhma Aït Mansour Amrouche ( Grande Kabylie ). La famille a connu une vie très mouvementée. Veuve avec deux enfants, la grand-mère de Taos et un homme de son voisinage tombèrent amoureux l'un de l'autre. Elle tomba enceinte mais l'homme, déjà fiancé, refusa de reconnaître la paternité. Exclu de la communauté, elle se réfugia dans sa maison de Tizi Hibel (Grande Kabylie ) pour mettre au monde Fadhma. Celle ci se mariera à 16 ans avec un autre kabyle converti, Antoine Belkacem Amrouche 18ans, qui a bravé l'interdit familial car il était fiancé. Le couple était mal vu, Fadhma était considérée par la société comme « une enfant de la honte ». Ils s'exilèrent alors en Tunisie. Le couple a déménagé au moins une dizaine de fois en quelques années.
De cette union naquirent huit enfants. Seuls trois ont survécu, Henri Achour, Jean El Mouhoub et Marguerite Taos. Celle ci fit ses études secondaires à Tunis et commença même l'école normale à Sèvres (Paris ) sans terminer, là n'était pas sa vocation. Sa fille Laurence rapporta qu'à 20 ans, alors qu'elle faisait une sieste un après midi, pendant que son frère Jean donnait un cours dans la chambre à côté, Taos entendit une vois chanter en elle. Sans être consciente, elle se mit à chanter en même temps que la voix. Son frère l'ayant entendu, se mit à chanter avec elle le même chant. Trois voix à l'unisson chantaient le même chant Taos, Jean et l'être invisible. En se réveillant elle confia qu'elle se sentait investi d'une mission: sauver les chants kabyles de l'oubli. C'est des lèvres de la maman, qu'elle et son frère ont tiré, ce vaste répertoire de chants traditionnels et rituels berbères. Son frère contribua en les traduisant en 1939, pour en faire un recueil « Chants berbères de Kabylie ». Marguerite compléta la collection et se mit à l'interpréter avec une voix exceptionnelle, allant du grave au très aigu, ample et riche de timbre.
Taos chantait seule sur scène en a capella comme une tragédienne mêlant rires et larmes, selon la nature du chant. A travers ces chants, elle a su magnifiquement transmettre et restitués avec passion, une poésie, un patrimoine grandiose et une civilisation, ceux du monde kabyle. Ces incantations faisaient le tour du quotidien et des espoirs d'un peuple. Philippe Maillard disait « Taos chante sa terre lointaine, les gauleurs d'olives, les femmes à la meule, la bien-aimée au teint blanc comme neige, les pèlerinages près d'un cheikh vénéré, la mort qui attend, l'exil ». Très vite elle fut reconnue en France comme l'icône des chants berbères, et devint ainsi l'ambassadrice de la culture berbère. Sa fille racontait, « Lorsque maman chantait, la chatte se mettait à miauler à mort et la voisine du rez-de-chaussée faisait des crises d'hystéries ». Pour dire que sa voix ne laissait nul indifférent.
Vers 1942, après un passage au Maroc pour chanter, elle rejoignit en Espagne l'école de musique « La casa Velasquez » et rencontra le peintre français André Bourdil qu'elle épousa. Ayant trouvé une similitude entre les chants berbères et ceux de Cante Joncho, elle s'est mise à apprendre l'Espagnol pour les chanter. Elle enregistra d'ailleurs en 1972 un album « Chants espagnols archaïques de la Alberca ». En 1945 elle revint à Alger avec son mari, et s'engagea à Radio Algérie, mais très vite elle repartit en l'exil. En France elle anima à Radio France Culture une émission en kabyle, puis à la RTF-ORTF.
En 1950 elle donna une série de concert à Paris, qui resta émerveillée et subjuguée par cette voix. Les poètes, les musicologues etc, ont reconnu ces chants comme faisant parti des messages les plus authentiques et les plus vénérables. Aimé César disait «... chants magnifiques qui atteignent en plein cur, montés du fond des âges ». Malek Haddad disait quant à lui, « Par la voix de Taos, l'Algérie présente ses lettres de créances aux ministres de Dieu et des Hommes ». De son côté Mohamed Dib avertissait, « Que les gens attentifs à ces choses veuillent bien noter cette poignée de chant :Ce sont des semailles pour l'avenir ».
Suite et fin : http://www.la-kabylie.com/article-334-Il-y-a-ans-nous-quittait-Marguerite-Taos-Amrouche.html
Il y a 33 ans nous quittait Marguerite Taos Amrouche En 1969 j'étais au collège. En cours de musique le professeur, un français, nous fit écouter Taos. Il n'en revenait pas de découvrir qu'aucun d'entre nous ne la connaissait, même pas de nom. Quarante ans après je crois que rien n'a changé.
« J'ai dit ma peine », cet Achoueq ( style chants du foyer, berceuse et chants d'exil ) résume à lui seule la vie de Taos. De son vrai nom Marie Louise Taos, elle est née le 4 mars 1913 en Tunisie, d'un couple d'exilés, Antoine-Belkacem Amrouche d'Ighil Ali ( Petite Kabylie ) et de Fadhma Aït Mansour Amrouche ( Grande Kabylie ). La famille a connu une vie très mouvementée. Veuve avec deux enfants, la grand-mère de Taos et un homme de son voisinage tombèrent amoureux l'un de l'autre. Elle tomba enceinte mais l'homme, déjà fiancé, refusa de reconnaître la paternité. Exclu de la communauté, elle se réfugia dans sa maison de Tizi Hibel (Grande Kabylie ) pour mettre au monde Fadhma. Celle ci se mariera à 16 ans avec un autre kabyle converti, Antoine Belkacem Amrouche 18ans, qui a bravé l'interdit familial car il était fiancé. Le couple était mal vu, Fadhma était considérée par la société comme « une enfant de la honte ». Ils s'exilèrent alors en Tunisie. Le couple a déménagé au moins une dizaine de fois en quelques années.
De cette union naquirent huit enfants. Seuls trois ont survécu, Henri Achour, Jean El Mouhoub et Marguerite Taos. Celle ci fit ses études secondaires à Tunis et commença même l'école normale à Sèvres (Paris ) sans terminer, là n'était pas sa vocation. Sa fille Laurence rapporta qu'à 20 ans, alors qu'elle faisait une sieste un après midi, pendant que son frère Jean donnait un cours dans la chambre à côté, Taos entendit une vois chanter en elle. Sans être consciente, elle se mit à chanter en même temps que la voix. Son frère l'ayant entendu, se mit à chanter avec elle le même chant. Trois voix à l'unisson chantaient le même chant Taos, Jean et l'être invisible. En se réveillant elle confia qu'elle se sentait investi d'une mission: sauver les chants kabyles de l'oubli. C'est des lèvres de la maman, qu'elle et son frère ont tiré, ce vaste répertoire de chants traditionnels et rituels berbères. Son frère contribua en les traduisant en 1939, pour en faire un recueil « Chants berbères de Kabylie ». Marguerite compléta la collection et se mit à l'interpréter avec une voix exceptionnelle, allant du grave au très aigu, ample et riche de timbre.
Taos chantait seule sur scène en a capella comme une tragédienne mêlant rires et larmes, selon la nature du chant. A travers ces chants, elle a su magnifiquement transmettre et restitués avec passion, une poésie, un patrimoine grandiose et une civilisation, ceux du monde kabyle. Ces incantations faisaient le tour du quotidien et des espoirs d'un peuple. Philippe Maillard disait « Taos chante sa terre lointaine, les gauleurs d'olives, les femmes à la meule, la bien-aimée au teint blanc comme neige, les pèlerinages près d'un cheikh vénéré, la mort qui attend, l'exil ». Très vite elle fut reconnue en France comme l'icône des chants berbères, et devint ainsi l'ambassadrice de la culture berbère. Sa fille racontait, « Lorsque maman chantait, la chatte se mettait à miauler à mort et la voisine du rez-de-chaussée faisait des crises d'hystéries ». Pour dire que sa voix ne laissait nul indifférent.
Vers 1942, après un passage au Maroc pour chanter, elle rejoignit en Espagne l'école de musique « La casa Velasquez » et rencontra le peintre français André Bourdil qu'elle épousa. Ayant trouvé une similitude entre les chants berbères et ceux de Cante Joncho, elle s'est mise à apprendre l'Espagnol pour les chanter. Elle enregistra d'ailleurs en 1972 un album « Chants espagnols archaïques de la Alberca ». En 1945 elle revint à Alger avec son mari, et s'engagea à Radio Algérie, mais très vite elle repartit en l'exil. En France elle anima à Radio France Culture une émission en kabyle, puis à la RTF-ORTF.
En 1950 elle donna une série de concert à Paris, qui resta émerveillée et subjuguée par cette voix. Les poètes, les musicologues etc, ont reconnu ces chants comme faisant parti des messages les plus authentiques et les plus vénérables. Aimé César disait «... chants magnifiques qui atteignent en plein cur, montés du fond des âges ». Malek Haddad disait quant à lui, « Par la voix de Taos, l'Algérie présente ses lettres de créances aux ministres de Dieu et des Hommes ». De son côté Mohamed Dib avertissait, « Que les gens attentifs à ces choses veuillent bien noter cette poignée de chant :Ce sont des semailles pour l'avenir ».
Suite et fin : http://www.la-kabylie.com/article-334-Il-y-a-ans-nous-quittait-Marguerite-Taos-Amrouche.html