Importations de gaz russe : « Si l’on bannit le GNL russe, les prix du gaz en Europe vont repartir à la hausse », avertit le PDG de TotalEnergies

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Les sanctions prononcées par l’Union européenne contre la Russie n’ont pas mis un terme à l’ensemble des liens économiques qui unissent le Kremlin et les 27, du moins pas complètement. Auditionné ce lundi 29 avril par la commission d’enquête sénatoriale sur les activités de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, le PDG du groupe pétrolier, a eu à s’expliquer sur les importations de gaz naturel liquéfié assurées par l’entreprise depuis la Russie vers l’Europe.

Devant les sénateurs, Patrick Pouyanné a invoqué des raisons économiques et un moindre coût pour les Européens, après une année inflationniste. « Il y a une importation de GNL russe en Europe : 14 millions de tonnes en 2022 et en 2023. On importe actuellement en Europe entre 105 et 110 millions de tonnes, c’est donc 12 à 13 % des importations », a reconnu le dirigeant. TotalEnergies, pour sa part, vend au Vieux continent environ 4 millions de tonnes de GNL russe chaque année. « Si nous décidons de bannir le GNL russe, il faudra aller les chercher ailleurs ces 14 millions de tonnes, en payant plus cher. Car il n’y a pas, actuellement, sur le marché mondial, 14 millions de tonnes de GNL disponibles », a-t-il assuré.

« On est en train de construire les capacités de production aux Etats-Unis et au Qatar. Mais si l’on bannit le GNL russe, les prix du gaz en Europe vont repartir à la hausse », prédit le PDG de TotalEnergies. En conséquence, Patrick Pouyanné « ne recommande pas » aux dirigeants européens d’ordonner la fin des importations dans un moment de stabilisation des prix. D’autant que la suspension du contrat pourrait contraindre l’entreprise à payer des pénalités : « Tant qu’à payer les Russes, je préfère avoir du GNL en échange », lâche-t-il.


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« On était tous engagés dans cette idée d’ancrer la Russise à l’Europe en développant les relations économiques »

 
Le sénateur socialiste de Loire-Atlantique, Jean-Claude Tissot, s’est étonné des partenariats liés par TotalEnergies en Russie après 2014 et l’annexion de la Crimée, premier temps fort de la crise ukrainienne avant le déclenchement de la guerre en février 2022. « Très concrètement, pourquoi avoir poursuivi vos investissements, alors que la Russise était déjà internationalement condamnée ? »

« Pourquoi avons-nous continué en Russie en 2014 ? Parce qu’il n’y avait pas de sanctions [françaises, ndlr] contre la Russie. Beaucoup d’entreprises ont continué à investir en Russise », balaye Patrick Pouyanné. « Parce que, profondément, je poursuivais la politique de Christophe de Margerie [ancien directeur général de TotalEnergies, disparu dans un accident d’avion à Moscou en 2014, ndlr], qui considérait que les entreprises constituent des ponts entre les nations », explique le PDG. « On était tous engagés dans cette idée – pas seulement TotalEnergies -, que l’on pouvait ancrer la Russise à l’Europe en développant les relations économiques. »

« On avait tort, on a mal évalué ce que Vladimir Poutine avait dans la tête », concède patron le de TotalEnergies. « Mais j’aurais aimé entendre plus de voix nous dire que l’on avait tort en 2014-2015, j’ai plutôt entendu des voix me poussant à continuer à investir et à continuer à faire du gaz naturel liquéfié en Russie », ajoute-t-il.

Il a toutefois tenu à minimiser l’importance de ces partenariats : « La politique que je suis – j’ai hérité cela de mes prédécesseurs –, c’est qu’aucun pays ne doit représenter plus de 10 % du portefeuille de l’entreprise, ce qui fait que nous avons pu débrancher la Russie : 15 milliards que nous avons fait disparaître de notre bilan sans en voir profondément l’impact », se félicite-t-il

Pourquoi TotalEnergies reste actionnaire de l’entreprise russe Novatek ?

Aujourd’hui, TotalEnergies reste encore actionnaire de Novatek, l’un des géants du gaz russe, pratiquement à hauteur de 20 %. « Mais nous sommes sortis de la gouvernance, il n’y a plus d’actifs Novatek dans mon bilan », assure Patrick Pouyanné.

Le principal actionnaire de Novatek, l’oligarque russe Guennadi Timtchenko, qui détient 23 % de la société gazière – est désormais visé par des sanctions occidentales. « Il y a une difficulté pratique, c’est que le pacte d’actionnaires que nous avons, m’obligerait à vendre à Monsieur Timtchenko les parts de TotalEnergies, or je n’ai pas le droit de vendre et de faire une quelconque transaction financière avec quelqu’un sous sanctions », explique le dirigeant du groupe tricolore. « Et lui abandonner mes actions pour zéro…, il n’en est pas question ! Pour d’autres raisons que vous comprendrez », conclut Patrick Pouyanné.
 
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