"Nulle contrainte en religion !" (Le Coran, 2-256)
L'importance actuelle des mouvements politiques radicaux se réclamant de l'islam, ainsi que la "visibilité" croissante des musulmans dans les pays européens, placent l'islam au centre de nombreux débats politiques, au sein de certains pays et sur la scène internationale (où règne le poids écrasant du discours axiologique américain). Or, l'exposition médiatique et politique de la religion musulmane en donne une vision réductrice et simplificatrice : cette vision est celle d'une religion fondamentalement politique, à l'emprise absolue sur les individus qui la pratiquent, et animée d'une prétention de prise en charge religieuse des sociétés et des Etats. Le récent exemple français du "débat" autour du port du voile islamique à l'école en témoigne : que toute femme portant le voile soit indubitablement considérée par certains comme une victime de l'oppression masculine ou comme un agent de prosélytisme dangereux, une certitude émerge : l'islam est une religion suspecte. Suspecte car les pires régimes politiques actuels s'en réclament (Arabie Saoudite, Iran, Soudan, etc.), tout comme des mouvements extrémistes porteurs de chaos (Al-Qaida, Hamas) ; suspecte aussi, et bien évidemment, pour des raisons propres aux sociétés occidentales, traversées par des vents racistes en réaction au multiculturalisme et par une mauvaise digestion des passés coloniaux.
Mais peut-on, parce que des groupes ou individus se réclamant de l'islam en font un instrument politique, se faire aussi affirmatif sur une soi-disant essence de l'islam, qui en ferait une religion fondamentalement différente des autres ? Doit-on considérer le Coran, qui fournit les arguments les plus efficaces aux extrémistes religieux (autour des notions de shari'a, de jihad, etc.), comme un livre générateur en lui-même d'une doctrine politique, d'un système institutionnel de domination autoritaire et anti-démocratique, sur les individus comme sur les sociétés ? Surtout, n'est-ce pas une grave erreur que de parler de l'islam comme d'une entité désincarnée et existant au-delà des individus, en rayant sa diversité spatiale et temporelle ?
Ces questions montrent à quel point une réflexion sur l'islam a besoin d'histoire. Non pas qu'une connaissance précise de l'histoire de l'islam permette de tout expliquer, de changer les regards ou d'enrayer le radicalisme religieux. Mais elle peut s'avérer nécessaire pour désamorcer l'aura mystique qui entoure toutes les religions et notamment leur naissance, comme si elles n'étaient pas avant tout des faits terrestres, ancrés dans des contextes politiques, économiques et sociaux, et vécus par les hommes. Une sérénité face aux religions ne peut qu'être bénéfique pour les appréhender, en évitant les écueils généralisateurs habituels, naïfs ("les religions sont responsables de tous les maux", "l'islam est une religion tolérante et pacifique") et dangereux ("l'islam est incompatible avec la modernité, la démocratie, la laïcité").
Ainsi, le parcours historique que nous proposons permettra d'abord de contester l'idée d'une essence politique de l'islam, en contextualisant les premiers temps de la religion et en analysant quelques éléments essentiels du Coran (à partir d'une synthèse d'éléments repris notamment dans l'ouvrage récent de Mohamed-Chérif Ferjani, Le politique et le religieux dans le champ islamique). Puis nous suivrons les évolutions historiques des instrumentalisations politiques de la religion musulmane (en distinguant les époques, les lieux, les obédiences) qui ont conduit jusqu'aux mouvements contemporains d'islam politique (l'islam politique, c'est-à-dire l'utilisation de l'islam à des fins politiques, étant ce qu'il convient proprement de nommer islamisme). Avec en tête une évidence : rien ne naît de rien.
La suite : http://www.acontresens.com/contrepoints/histoire/25.html
L'importance actuelle des mouvements politiques radicaux se réclamant de l'islam, ainsi que la "visibilité" croissante des musulmans dans les pays européens, placent l'islam au centre de nombreux débats politiques, au sein de certains pays et sur la scène internationale (où règne le poids écrasant du discours axiologique américain). Or, l'exposition médiatique et politique de la religion musulmane en donne une vision réductrice et simplificatrice : cette vision est celle d'une religion fondamentalement politique, à l'emprise absolue sur les individus qui la pratiquent, et animée d'une prétention de prise en charge religieuse des sociétés et des Etats. Le récent exemple français du "débat" autour du port du voile islamique à l'école en témoigne : que toute femme portant le voile soit indubitablement considérée par certains comme une victime de l'oppression masculine ou comme un agent de prosélytisme dangereux, une certitude émerge : l'islam est une religion suspecte. Suspecte car les pires régimes politiques actuels s'en réclament (Arabie Saoudite, Iran, Soudan, etc.), tout comme des mouvements extrémistes porteurs de chaos (Al-Qaida, Hamas) ; suspecte aussi, et bien évidemment, pour des raisons propres aux sociétés occidentales, traversées par des vents racistes en réaction au multiculturalisme et par une mauvaise digestion des passés coloniaux.
Mais peut-on, parce que des groupes ou individus se réclamant de l'islam en font un instrument politique, se faire aussi affirmatif sur une soi-disant essence de l'islam, qui en ferait une religion fondamentalement différente des autres ? Doit-on considérer le Coran, qui fournit les arguments les plus efficaces aux extrémistes religieux (autour des notions de shari'a, de jihad, etc.), comme un livre générateur en lui-même d'une doctrine politique, d'un système institutionnel de domination autoritaire et anti-démocratique, sur les individus comme sur les sociétés ? Surtout, n'est-ce pas une grave erreur que de parler de l'islam comme d'une entité désincarnée et existant au-delà des individus, en rayant sa diversité spatiale et temporelle ?
Ces questions montrent à quel point une réflexion sur l'islam a besoin d'histoire. Non pas qu'une connaissance précise de l'histoire de l'islam permette de tout expliquer, de changer les regards ou d'enrayer le radicalisme religieux. Mais elle peut s'avérer nécessaire pour désamorcer l'aura mystique qui entoure toutes les religions et notamment leur naissance, comme si elles n'étaient pas avant tout des faits terrestres, ancrés dans des contextes politiques, économiques et sociaux, et vécus par les hommes. Une sérénité face aux religions ne peut qu'être bénéfique pour les appréhender, en évitant les écueils généralisateurs habituels, naïfs ("les religions sont responsables de tous les maux", "l'islam est une religion tolérante et pacifique") et dangereux ("l'islam est incompatible avec la modernité, la démocratie, la laïcité").
Ainsi, le parcours historique que nous proposons permettra d'abord de contester l'idée d'une essence politique de l'islam, en contextualisant les premiers temps de la religion et en analysant quelques éléments essentiels du Coran (à partir d'une synthèse d'éléments repris notamment dans l'ouvrage récent de Mohamed-Chérif Ferjani, Le politique et le religieux dans le champ islamique). Puis nous suivrons les évolutions historiques des instrumentalisations politiques de la religion musulmane (en distinguant les époques, les lieux, les obédiences) qui ont conduit jusqu'aux mouvements contemporains d'islam politique (l'islam politique, c'est-à-dire l'utilisation de l'islam à des fins politiques, étant ce qu'il convient proprement de nommer islamisme). Avec en tête une évidence : rien ne naît de rien.
La suite : http://www.acontresens.com/contrepoints/histoire/25.html