jeudi 30 avril 2009 - 06h:16
Alain Gresh - Le Monde Diplomatique
Le quotidien israélien Haaretz a publié le 18 avril, sous le titre « Israel could have made peace with Hamas under Yassin », un entretien de Kobi Ben-Simhon avec le Dr Zvi Sela, un responsable de la police israélienne et psychologue. Du milieu des années 1970 à la fin des années 1990, le Dr Sela a occupé différents postes dans la police, le dernier étant, entre 1995 et 1998, celui de chef du renseignement dans les prisons israéliennes. Durant cette période de trois ans, il a eu des conversations hebdomadaires avec le cheikh Ahmad Yassine, le fondateur du Hamas.
« Cétait fascinant. Il ny avait pas dattentat terroriste ou denlèvement durant ces années-là qui nétait pas planifié, organisé, décidé de lintérieur des prisons. Cétait là que lon trouvait les principaux responsables du Hamas, y compris Yassine. Il avait les jambes et les bras paralysés et nétait capable que de bouger la tête, mais cétait une personnalité très forte. Il exerçait un contrôle total sur ce qui se passait à lintérieur et à lextérieur de la prison. »
Chargé de récolter des informations sur les cellules clandestines palestiniennes, le Dr Sela se rappelle que le cheikh Yassine était emprisonné à Hadarim, près de Natanya, et quil vivait dans des conditions très difficiles. « Nous lui rendions les choses difficiles. Il navait pas le droit de recevoir des visites (...) Nous le gardions dans une petite cellule où la température dépassait 45° en été et où il gelait en hiver. Ses couvertures étaient sales et sentaient mauvais. Cest ainsi quil vivait. Je lai trouvé très intelligent et aussi convenable (decent). Nous nous sommes engagés dans une guerre des esprits et nous savions quaprès chaque bataille quelquun mourrait, soit dans mon camp, soit dans le sien. » (...)
« Je lui disais toujours : Arrêtez de faire sauter des bus, arrêtez de tuer des femmes et des enfants. Il me répondait : Tzvika, écoute, nous avons eu de bons professeurs : vous avez créé votre Etat grâce à votre force militaire. Les morts que je vous cause sont pour créer un Etat, mais vous vous tuez des femmes et des enfants pour défendre loccupation. Vous avez déjà un Etat. Vous êtes sales et hypocrites. Je nai aucune volonté de vous détruire, tout ce que je veux est un Etat. »
Etonné, le journaliste demande au Dr Sela si le cheikh lui avait dit quil reconnaîtrait Israël ?
« Oui. Cétait un homme intelligent et courageux. Cruel, mais crédible. Il a donné sa vie pour la liberté de son peuple. Jai tendance à penser que si nous avions essayé de faire la paix avec lui, nous aurions réussi. Il pensait que la raison pour laquelle les Israéliens négociaient avec Arafat était que nous étions très intelligents, parce que nous savions que cela naboutirait pas. Selon lui, Arafat était profondément corrompu. »
Le Dr Sela raconte ensuite un épisode. Il est chargé de demander à Yassine lemplacement du corps du soldat Ilan Saadon. En échange, Israël serait prêt à libérer le cheikh. Le cheikh lui répond que cela serait déshonorant pour lui déchanger sa liberté contre un cadavre. « Je vous donnerai le corps parce que vous me le demandez. Je comprends la douleur de la famille, mais promettez-moi de ne pas me libérer en échange. Et promettez-moi de dire à ma famille, si je meurs en prison, combien je les ai aimés, combien jai rêvé de respirer leur parfum. »
Le Dr Sela revient sur un autre épisode, celui de léchange de prisonniers entre le gouvernement israélien et le Hezbollah, en juin 2008, qui a abouti à la libération de Samir Qantar, accusé davoir tué, trente ans auparavant, les membres dune famille dun kibboutz, dont une fillette de cinq ans.
« Nous avons fait de Samir Qantar je ne sais quoi, le meurtrier de Danny Haran et de sa fille Einat, lhomme qui avait fait éclater la tête de la fillette. Ceci est absurde, cest une affabulation. Il ma dit quil ne lavait pas fait et je le crois. Jai fait une enquête sur lévénement dans le cadre dun livre que je prépare sur les prises dotage. »
« Il ma dit : Si javais voulu tuer Danny et sa fille, je les aurais tués dans la maison. Je les ai emmenés au bateau parce que je voulais des otages. Je navais aucun intérêt à leur faire du mal. Après que je les ai emmenés au bateau, des coups de feu ont éclaté et je suis revenu en arrière pour aider mon commando sur la plage. Danny, le père, narrêtait pas de crier, arrêtez de tirer, bande didiots. Lui et sa fille ont été trouvés morts dans le bateau. Jétais sur une petite colline, tirant sur vos soldats, et le bateau était à 20 mètres, avec Danny et la fille. »
Alain Gresh - Le Monde Diplomatique
Le quotidien israélien Haaretz a publié le 18 avril, sous le titre « Israel could have made peace with Hamas under Yassin », un entretien de Kobi Ben-Simhon avec le Dr Zvi Sela, un responsable de la police israélienne et psychologue. Du milieu des années 1970 à la fin des années 1990, le Dr Sela a occupé différents postes dans la police, le dernier étant, entre 1995 et 1998, celui de chef du renseignement dans les prisons israéliennes. Durant cette période de trois ans, il a eu des conversations hebdomadaires avec le cheikh Ahmad Yassine, le fondateur du Hamas.
« Cétait fascinant. Il ny avait pas dattentat terroriste ou denlèvement durant ces années-là qui nétait pas planifié, organisé, décidé de lintérieur des prisons. Cétait là que lon trouvait les principaux responsables du Hamas, y compris Yassine. Il avait les jambes et les bras paralysés et nétait capable que de bouger la tête, mais cétait une personnalité très forte. Il exerçait un contrôle total sur ce qui se passait à lintérieur et à lextérieur de la prison. »
Chargé de récolter des informations sur les cellules clandestines palestiniennes, le Dr Sela se rappelle que le cheikh Yassine était emprisonné à Hadarim, près de Natanya, et quil vivait dans des conditions très difficiles. « Nous lui rendions les choses difficiles. Il navait pas le droit de recevoir des visites (...) Nous le gardions dans une petite cellule où la température dépassait 45° en été et où il gelait en hiver. Ses couvertures étaient sales et sentaient mauvais. Cest ainsi quil vivait. Je lai trouvé très intelligent et aussi convenable (decent). Nous nous sommes engagés dans une guerre des esprits et nous savions quaprès chaque bataille quelquun mourrait, soit dans mon camp, soit dans le sien. » (...)
« Je lui disais toujours : Arrêtez de faire sauter des bus, arrêtez de tuer des femmes et des enfants. Il me répondait : Tzvika, écoute, nous avons eu de bons professeurs : vous avez créé votre Etat grâce à votre force militaire. Les morts que je vous cause sont pour créer un Etat, mais vous vous tuez des femmes et des enfants pour défendre loccupation. Vous avez déjà un Etat. Vous êtes sales et hypocrites. Je nai aucune volonté de vous détruire, tout ce que je veux est un Etat. »
Etonné, le journaliste demande au Dr Sela si le cheikh lui avait dit quil reconnaîtrait Israël ?
« Oui. Cétait un homme intelligent et courageux. Cruel, mais crédible. Il a donné sa vie pour la liberté de son peuple. Jai tendance à penser que si nous avions essayé de faire la paix avec lui, nous aurions réussi. Il pensait que la raison pour laquelle les Israéliens négociaient avec Arafat était que nous étions très intelligents, parce que nous savions que cela naboutirait pas. Selon lui, Arafat était profondément corrompu. »
Le Dr Sela raconte ensuite un épisode. Il est chargé de demander à Yassine lemplacement du corps du soldat Ilan Saadon. En échange, Israël serait prêt à libérer le cheikh. Le cheikh lui répond que cela serait déshonorant pour lui déchanger sa liberté contre un cadavre. « Je vous donnerai le corps parce que vous me le demandez. Je comprends la douleur de la famille, mais promettez-moi de ne pas me libérer en échange. Et promettez-moi de dire à ma famille, si je meurs en prison, combien je les ai aimés, combien jai rêvé de respirer leur parfum. »
Le Dr Sela revient sur un autre épisode, celui de léchange de prisonniers entre le gouvernement israélien et le Hezbollah, en juin 2008, qui a abouti à la libération de Samir Qantar, accusé davoir tué, trente ans auparavant, les membres dune famille dun kibboutz, dont une fillette de cinq ans.
« Nous avons fait de Samir Qantar je ne sais quoi, le meurtrier de Danny Haran et de sa fille Einat, lhomme qui avait fait éclater la tête de la fillette. Ceci est absurde, cest une affabulation. Il ma dit quil ne lavait pas fait et je le crois. Jai fait une enquête sur lévénement dans le cadre dun livre que je prépare sur les prises dotage. »
« Il ma dit : Si javais voulu tuer Danny et sa fille, je les aurais tués dans la maison. Je les ai emmenés au bateau parce que je voulais des otages. Je navais aucun intérêt à leur faire du mal. Après que je les ai emmenés au bateau, des coups de feu ont éclaté et je suis revenu en arrière pour aider mon commando sur la plage. Danny, le père, narrêtait pas de crier, arrêtez de tirer, bande didiots. Lui et sa fille ont été trouvés morts dans le bateau. Jétais sur une petite colline, tirant sur vos soldats, et le bateau était à 20 mètres, avec Danny et la fille. »