Yaël Hadar est inquiète. Elle a des raisons de l'être. Son boyfriend a été tué le dernier jour de la seconde guerre du Liban au cours de l'été 2006. Ses deux frères, 20 et 24 ans, ont pris part aux combats de la guerre de Gaza. Pendant trois semaines, Yaël a vécu dans la peur qu'ils soient eux aussi tués. "On ne peut pas avoir la guerre tous les deux ou trois ans. Je ne peux pas vivre comme cela. Je pense que l'on doit parler à n'importe quelle organisation. Je préfère cela à faire la guerre."
Elevée dans un kibboutz, cette jeune chercheuse de 29 ans de l'Israel Democracy Institute ne cache pas sa peur de l'avenir à la veille des élections législatives israéliennes du 10 février 2009. Elle constate que son pays est de plus en plus divisé. Que le fossé se creuse "entre les religieux et les séculiers, entre les ashkénazes et les séfarades, entre les Juifs et les Arabes". Elle est tourmentée par la montée de l'intolérance, par l'ascension d'Avigdor Lieberman, le nouvel homme fort du pays, ce russophone qui est écouté "parce qu'il dit ce que les gens veulent entendre et qu'il promet de mettre de l'ordre" et qui incarne la droitisation du pays avec son parti ultranationaliste Israël Beiteinou. "Les Israéliens sont de plus en plus effrayés car ils se sentent menacés", dit-elle.
La menace vient de partout : du nord avec le Hezbollah, du sud avec le Hamas, de l'est avec le nucléaire iranien, de l'intérieur avec la montée du mécontentement des Arabes israéliens, ces 1,5 million de Palestiniens. Israël se raidit. Israël se crispe. "Nous vivons dans un bunker, une sorte de villa au milieu de la jungle, cernée par les barbares. Et si vous m'attaquez, je deviens fou. Je vais utiliser la force massive, la brutalité pour me défendre. Entre tous les dirigeants en compétition électorale, c'est à celui qui tiendra le langage le plus martial", constate Menahem Klein, professeur de sciences politiques.
Retranchés derrière la barrière de sécurité, confiants dans un appareil militaro-sécuritaire de plus en plus puissant et de plus en plus omniprésent, les Israéliens ont développé la mentalité du Miklat, cette pièce sécurisée, un abri qui existe dans pratiquement chaque immeuble.
"C'est très commode, reconnaît l'écrivain Zeev Sternhel, classé à gauche. Nous refoulons les problèmes politiques pour les placer sur un plan sécuritaire. Nous vivons de plus en plus dans une atmosphère exacerbée de nationalisme et de chauvinisme. La dérive vers la droite extrême est évidente. Désormais, nous ne faisons confiance qu'aux gros bras."
Le repli sécuritaire est confortable. Cela permet de ne pas trop se poser de questions, de renvoyer à plus tard les difficultés. Le conflit est maîtrisé. Il est contenu par les forces de sécurité. Il est géré par un bouclier protecteur. L'Israélien est devenu fataliste. Il a appris à vivre avec ses craintes et à faire confiance à son armée sans poser aucune question sur son mode opératoire.
"Nous pouvons gérer sans difficultés cette situation au cours des dix prochaines années", affirme le professeur Efraïm Inbar, proche de la droite. Dans un sondage publié au mois de décembre 2008, seulement 36 % des Israéliens se disaient en faveur de l'initiative de paix saoudienne adoptée par le sommet de la Ligue en mars 2002 à Beyrouth, qui offre la paix et la reconnaissance à Israël en échange de la création d'un Etat palestinien dans les frontières de 1967.
Le repli sécuritaire s'accompagne d'un repli identitaire de plus en plus marqué, de la certitude d'avoir le droit pour soi. "Nous nous considérons toujours comme des victimes, constate Zeev Sternhel. Nous nous regardons comme ceux à qui l'on refuse la main tendue. Nous ne faisons que nous défendre. Alors, nous avons la conscience tranquille. C'est pourquoi beaucoup de choses nous sont permises. Nous sommes toujours le David face au Goliath."
Le monde entier peut protester, les Israéliens sont convaincus qu'ils ont raison. "La guerre de Gaza n'a fait que renforcer cette tendance. Elle a amplifié un patriotisme exagéré", regrette Colette Avital. Pour cette députée travailliste, "il y a un aveuglement" et "le peuple juif est devenu indifférent à la souffrance des autres". "Nous ne voyons plus que nous-mêmes, déplore-t-elle. Nous nous sommes fermés aux autres, à la souffrance des Palestiniens. Il y a désormais une droite excessive, fasciste, qui prend racine dans le pays et ce qui est inquiétant est que cette tendance se manifeste surtout chez les jeunes."
Mme Avital se déclare "effarée, consternée" par les attaques, les interruptions, les interjections agressives lancées à son endroit lors d'un meeting politique. Elle prônait le dialogue politique, la recherche de solutions alors que les participants vitupéraient : "Comment un peuple de 5,5 millions de personnes ne peut pas liquider 15 000 terroristes du Hamas ?" "Il n'y a pas que les solutions militaires", a-t-elle répliqué. "Nous avons réglé la question en Cisjordanie, pourquoi ne pas le faire à Gaza ?", ont rétorqué les intervenants. "Comment peut-on dire que nous allons les liquider et que nous serons les seigneurs de ce pays ?", s'inquiète Colette Avital.
Plus de quinze ans après les accords d'Oslo, plus personne n'y accorde aucun crédit. "Cela a été une erreur colossale", admet aujourd'hui Dan Meridor, politicien modéré qui a repris du service avec l'équipe musclée de Benyamin Nétanyahou. Cet ancien ministre de la justice constate lui aussi que "le fossé s'est creusé avec les Palestiniens".
56 % des Israéliens estiment toujours que, lors du sommet de Camp David, en juillet 2000, "Ehoud Barak a offert un accord de paix généreux à Yasser Arafat et que ce dernier l'a refusé parce qu'il ne voulait pas la paix", souligne une récente étude conduite par Daniel Bar-Tal, professeur de l'université de Tel-Aviv. "La conscience du juif israélien est caractérisée par un sentiment de victimisation, une mentalité de siège, un patriotisme aveugle, la belligérance, la satisfaction de soi et la déshumanisation des Palestiniens", note Akiva Eldar, du quotidien Haaretz.
Elevée dans un kibboutz, cette jeune chercheuse de 29 ans de l'Israel Democracy Institute ne cache pas sa peur de l'avenir à la veille des élections législatives israéliennes du 10 février 2009. Elle constate que son pays est de plus en plus divisé. Que le fossé se creuse "entre les religieux et les séculiers, entre les ashkénazes et les séfarades, entre les Juifs et les Arabes". Elle est tourmentée par la montée de l'intolérance, par l'ascension d'Avigdor Lieberman, le nouvel homme fort du pays, ce russophone qui est écouté "parce qu'il dit ce que les gens veulent entendre et qu'il promet de mettre de l'ordre" et qui incarne la droitisation du pays avec son parti ultranationaliste Israël Beiteinou. "Les Israéliens sont de plus en plus effrayés car ils se sentent menacés", dit-elle.
La menace vient de partout : du nord avec le Hezbollah, du sud avec le Hamas, de l'est avec le nucléaire iranien, de l'intérieur avec la montée du mécontentement des Arabes israéliens, ces 1,5 million de Palestiniens. Israël se raidit. Israël se crispe. "Nous vivons dans un bunker, une sorte de villa au milieu de la jungle, cernée par les barbares. Et si vous m'attaquez, je deviens fou. Je vais utiliser la force massive, la brutalité pour me défendre. Entre tous les dirigeants en compétition électorale, c'est à celui qui tiendra le langage le plus martial", constate Menahem Klein, professeur de sciences politiques.
Retranchés derrière la barrière de sécurité, confiants dans un appareil militaro-sécuritaire de plus en plus puissant et de plus en plus omniprésent, les Israéliens ont développé la mentalité du Miklat, cette pièce sécurisée, un abri qui existe dans pratiquement chaque immeuble.
"C'est très commode, reconnaît l'écrivain Zeev Sternhel, classé à gauche. Nous refoulons les problèmes politiques pour les placer sur un plan sécuritaire. Nous vivons de plus en plus dans une atmosphère exacerbée de nationalisme et de chauvinisme. La dérive vers la droite extrême est évidente. Désormais, nous ne faisons confiance qu'aux gros bras."
Le repli sécuritaire est confortable. Cela permet de ne pas trop se poser de questions, de renvoyer à plus tard les difficultés. Le conflit est maîtrisé. Il est contenu par les forces de sécurité. Il est géré par un bouclier protecteur. L'Israélien est devenu fataliste. Il a appris à vivre avec ses craintes et à faire confiance à son armée sans poser aucune question sur son mode opératoire.
"Nous pouvons gérer sans difficultés cette situation au cours des dix prochaines années", affirme le professeur Efraïm Inbar, proche de la droite. Dans un sondage publié au mois de décembre 2008, seulement 36 % des Israéliens se disaient en faveur de l'initiative de paix saoudienne adoptée par le sommet de la Ligue en mars 2002 à Beyrouth, qui offre la paix et la reconnaissance à Israël en échange de la création d'un Etat palestinien dans les frontières de 1967.
Le repli sécuritaire s'accompagne d'un repli identitaire de plus en plus marqué, de la certitude d'avoir le droit pour soi. "Nous nous considérons toujours comme des victimes, constate Zeev Sternhel. Nous nous regardons comme ceux à qui l'on refuse la main tendue. Nous ne faisons que nous défendre. Alors, nous avons la conscience tranquille. C'est pourquoi beaucoup de choses nous sont permises. Nous sommes toujours le David face au Goliath."
Le monde entier peut protester, les Israéliens sont convaincus qu'ils ont raison. "La guerre de Gaza n'a fait que renforcer cette tendance. Elle a amplifié un patriotisme exagéré", regrette Colette Avital. Pour cette députée travailliste, "il y a un aveuglement" et "le peuple juif est devenu indifférent à la souffrance des autres". "Nous ne voyons plus que nous-mêmes, déplore-t-elle. Nous nous sommes fermés aux autres, à la souffrance des Palestiniens. Il y a désormais une droite excessive, fasciste, qui prend racine dans le pays et ce qui est inquiétant est que cette tendance se manifeste surtout chez les jeunes."
Mme Avital se déclare "effarée, consternée" par les attaques, les interruptions, les interjections agressives lancées à son endroit lors d'un meeting politique. Elle prônait le dialogue politique, la recherche de solutions alors que les participants vitupéraient : "Comment un peuple de 5,5 millions de personnes ne peut pas liquider 15 000 terroristes du Hamas ?" "Il n'y a pas que les solutions militaires", a-t-elle répliqué. "Nous avons réglé la question en Cisjordanie, pourquoi ne pas le faire à Gaza ?", ont rétorqué les intervenants. "Comment peut-on dire que nous allons les liquider et que nous serons les seigneurs de ce pays ?", s'inquiète Colette Avital.
Plus de quinze ans après les accords d'Oslo, plus personne n'y accorde aucun crédit. "Cela a été une erreur colossale", admet aujourd'hui Dan Meridor, politicien modéré qui a repris du service avec l'équipe musclée de Benyamin Nétanyahou. Cet ancien ministre de la justice constate lui aussi que "le fossé s'est creusé avec les Palestiniens".
56 % des Israéliens estiment toujours que, lors du sommet de Camp David, en juillet 2000, "Ehoud Barak a offert un accord de paix généreux à Yasser Arafat et que ce dernier l'a refusé parce qu'il ne voulait pas la paix", souligne une récente étude conduite par Daniel Bar-Tal, professeur de l'université de Tel-Aviv. "La conscience du juif israélien est caractérisée par un sentiment de victimisation, une mentalité de siège, un patriotisme aveugle, la belligérance, la satisfaction de soi et la déshumanisation des Palestiniens", note Akiva Eldar, du quotidien Haaretz.