Japon: Secret de famille

  • Initiateur de la discussion Initiateur de la discussion Pirouettete
  • Date de début Date de début

Pirouettete

杜妮娅
Quoi de plus anodin a priori que des vieilles cartes ? En publiant des plans historiques de Tokyo et d'Osaka datant de l'époque des shoguns Tokugawa (1606-1868), Google Earth ne savait pas qu'il allait enfreindre un tabou. Le moteur de recherche est l'objet depuis des semaines d'une enquête du ministère de la justice en raison des préjudices causés par la localisation sur ces cartes de quartiers habités par des franges de la société autrefois discriminées, où vivent à présent certains de leurs descendants.

La discrimination a été abolie en 1871, mais les préjudices à l'encontre de ces catégories sociales - que rien ne distingue des autres Japonais sinon leur lieu de naissance ou de résidence - sont ancrés dans les mentalités. Grâce à Google, il est désormais aisé de situer les quartiers des "burakumin" ("habitants des hameaux"). Officiellement, ils sont 1,5 million - sans doute le double. Une partie vit encore sur 4 000 sites à travers l'archipel, dont les noms ont été souvent changés, mais qui restent dépositaires d'une obscure différence.

Les "eta" ("êtres souillés"), en raison des métiers qu'ils exerçaient (tanneur, boucher, équarrisseur) condamnés par le bouddhisme, et les "hinin" ("non-humains"), frange interlope des basses classes (prostituées, mendiants, déchus, saltimbanques), étaient cantonnés dans des quartiers spéciaux. Lorsque la discrimination fut abolie, ils y demeurèrent, bientôt rejoints par la masse des indigents émigrant des campagnes vers les villes. Et les préjudices ancestraux s'étendirent à cette pauvreté indifférenciée.

On ne peut "repérer" un "habitant des hameaux" que par son lieu de naissance. Des listes de localisation des anciens "ghettos" circulent clandestinement dans les services des ressources humaines des entreprises, témoignant de tenaces préjugés. Il suffit désormais d'un clic pour voir que tel quartier était autrefois un ghetto et de superposer un nouveau plan à l'ancien pour le localiser.

La reproduction d'anciennes cartes n'est pas interdite au Japon, mais elle est en général accompagnée d'explications historiques. Précaution qu'a ignorée Google en mettant en ligne des cartes appartenant à un collectionneur de Californie. La Ligue de défense des burakumin, la plus importante organisation contre la discrimination, a réagi. Deux semaines plus tard, Google supprimait des cartes toute référence discriminatoire telle que la mention "eta". Mais la Ligue n'est pas satisfaite, car "cela revient à rayer du monde les gens qui vivaient là". Epineuse, la question des anciens hors-castes est maniée avec circonspection ici. Des "secrets de familles" dont Google n'a cure.
 
Quoi de plus anodin a priori que des vieilles cartes ? En publiant des plans historiques de Tokyo et d'Osaka datant de l'époque des shoguns Tokugawa (1606-1868), Google Earth ne savait pas qu'il allait enfreindre un tabou. Le moteur de recherche est l'objet depuis des semaines d'une enquête du ministère de la justice en raison des préjudices causés par la localisation sur ces cartes de quartiers habités par des franges de la société autrefois discriminées, où vivent à présent certains de leurs descendants.

La discrimination a été abolie en 1871, mais les préjudices à l'encontre de ces catégories sociales - que rien ne distingue des autres Japonais sinon leur lieu de naissance ou de résidence - sont ancrés dans les mentalités. Grâce à Google, il est désormais aisé de situer les quartiers des "burakumin" ("habitants des hameaux"). Officiellement, ils sont 1,5 million - sans doute le double. Une partie vit encore sur 4 000 sites à travers l'archipel, dont les noms ont été souvent changés, mais qui restent dépositaires d'une obscure différence.

Les "eta" ("êtres souillés"), en raison des métiers qu'ils exerçaient (tanneur, boucher, équarrisseur) condamnés par le bouddhisme, et les "hinin" ("non-humains"), frange interlope des basses classes (prostituées, mendiants, déchus, saltimbanques), étaient cantonnés dans des quartiers spéciaux. Lorsque la discrimination fut abolie, ils y demeurèrent, bientôt rejoints par la masse des indigents émigrant des campagnes vers les villes. Et les préjudices ancestraux s'étendirent à cette pauvreté indifférenciée.

On ne peut "repérer" un "habitant des hameaux" que par son lieu de naissance. Des listes de localisation des anciens "ghettos" circulent clandestinement dans les services des ressources humaines des entreprises, témoignant de tenaces préjugés. Il suffit désormais d'un clic pour voir que tel quartier était autrefois un ghetto et de superposer un nouveau plan à l'ancien pour le localiser.

La reproduction d'anciennes cartes n'est pas interdite au Japon, mais elle est en général accompagnée d'explications historiques. Précaution qu'a ignorée Google en mettant en ligne des cartes appartenant à un collectionneur de Californie. La Ligue de défense des burakumin, la plus importante organisation contre la discrimination, a réagi. Deux semaines plus tard, Google supprimait des cartes toute référence discriminatoire telle que la mention "eta". Mais la Ligue n'est pas satisfaite, car "cela revient à rayer du monde les gens qui vivaient là". Epineuse, la question des anciens hors-castes est maniée avec circonspection ici. Des "secrets de familles" dont Google n'a cure.


Toute comparaison est douteuse, mais je ne peux pas m’empêcher de dire ce qui me vient à l’esprit au sujet de la France en lisant cet article.
On comprend pourquoi les notables, en France, sont contre la publication de statistiques ethniques : on verrait qu’en fait de communautarisme, c’est plutôt le communautarisme "blanc" qui pose problème.
 
Retour
Haut