Je ne me remarierai jamais

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NOJOUD, 10 ans, plus jeune divorcée du monde en visite à Paris

ELLE EST LOVÉE dans un Esweat-shirt à capuche,menue et mutine dans ses baskets rayées rose. Ce pourrait être une copine de CM 2 de votre fille, une petite voisine qui aime le cheval et rêve de son premier amour… Sauf que Nojoud ne croit pas en l’amour. Le mot la laisse perplexe, fait flotter quelque chose de grave sur son joli minois enfantin. Elle n’a guère plus de 10 ans et porte sur ses frêles épaules le titre ahurissant de « plus jeune divorcée du monde ». L’histoire de cette petite Yéménite a fait le tour de la planète. Elle en témoigne dans un livre, «Moi, Nojoud, 10 ans, divorcée »*, qui paraît vendredi et l’a amenée hier à Paris, à des milliers de kilomètres de sa terre natale. Assommée par le voyage, rhabillée de pied en cap, étourdie par le luxe d’un hôtel rue du Faubourg-Saint-Honoré, ce petit bout de femme assume avec un grand sérieux la promotion d’une histoire qu’elle a bien du mal à raconter. « C’est douloureux », avoue-t-elle en plantant son regard intense dans le vôtre.

On comprend soudain pourquoi, dans ce pays où la moitié des filles est mariée avant l’âge de 15 ans, ce regard farouche et déterminé a convaincu le président d’un tribunal de la sauver.

Devenue un symbole.

Parce qu’elle était une bouche en trop à nourrir, Nojoud a été mariée de force par son père à un trentenaire « brutal et qui sentait mauvais ». Elle s’est retrouvée violée et battue à l’âge où, sous nos latitudes, les fillettes dessinent joyeusement de gros coeurs dans leurs cahiers. Elle n’a pas supporté. Courageux ? Elle esquisse un sourire tout en fossettes qui la rajeunit encore. « Je suis rentrée dans le tribunal en pensant que j’allais en ressortir divorcée, discrètement, une heure plus tard. Je ne me serais jamais attendue à un tel… » Elle s’interrompt, hausse les épaules, et visualise visiblement l’année qui vient de s’écouler. Pour elle qui jouait encore à la marelle avec ses petites soeurs il y a un an, c’est irréel. L’émotion suscitée par son cas, les femmes du monde entier qui ont fait d’elle un symbole. New York, où elle a reçu un prix, et croisé Nicole Kidman et Hillary Clinton… Et puis maintenant Paris, ces nouvelles baskets et tous ces rendez-vous…

Ce matin, Nojoud sera reçue par Rama Yade, la secrétaire d’Etat aux Droits de l’homme. Demain, ce sont Fadela Amara, Nadine Morano et Valérie Létard qui l’accueilleront au
ministère des Affaires sociales. Entre-temps, elle ira rencontrer des collégiennes en banlieue. « Moi, je rêve d’aller voir les ours au jardin d’Acclimatation », ose-t-elle à peine
confier. Nojoud espère surtout réussir à l’école, faire des études, devenir avocate pour s’occuper des enfants maltraités. « Je veux être la dernière petite fille victime de mariage
forcé… Je veux grandir, oublier… » Elle hésite une seconde. « Mais je ne me remarierai jamais. » C’est dit. Et on se dit qu’elle a 10 ans, heureusement…

source: Le Parisien
 
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