par Zhor Baki
Moi, je m’oppose radicalement à cette campagne lancée sous le slogan « je ne m’appelle pas Azzi »… Qu’allez-vous faire alors, me taxer de raciste ?… Si on devait qualifier cette action, alors on l’intégrerait dans le cadre du superficiel, du BCBG… on l’inscrirait sous le signe de « regardez comme nous sommes civilisés et tolérants ». C’est là une forme de militantisme aristo et bourgeois, aussi putréfié que populiste et absolument artificiel, un militantisme qui semble dire : « Puisqu’il n’y a rien à faire, alors allons-y, faisons n’importe quoi »… Et le plus beau est que ces gens-là qui mènent ladite campagne, il leur arrive bien souvent d’appeler un(e) noir(e) en le hélant « négro », avec un petit clin d’œil bien graveleux pour indiquer qu’ils s’apprêtent à raconter une blague osée.
La lutte contre le racisme a pris fin avec Nelson Mandela, avec Martin Luther King, Toni Morrison, Doris Lessing, Malcolm X, et bien d’autres encore, quand la lutte contre le racisme menait toujours en prison, coûtait souvent la vie, exposait les gens à l’exil, les asservissait ou les réduisait en esclavage… Et puis les Noirs ont obtenu leurs droits et on est passé à autre chose, tournant la page avec les nouvelles lois, les constitutions avancées et les institutions qui veillent sur l’ensemble… Tout autre action ne peut être qu’individuelle et non contrôlable, tant il est vrai que l’être humain est tout sauf un ange… Ah, dernière remarque : tout cela se produit dans les pays qui se respectent et qui sont dirigés par un président noir, comme chez les Yankees… un véritable Etat de droit, un pays vraiment démocratique.
Mais dans d’autres contrées, comme le Maroc qui a le *** entre deux chaises, celle de la civilisation et celle du sous-développement, qui ont un pied en Europe et l’autre en Afrique… dans ces pays-là, le seul et unique combat à mener, avant toute autre chose, est que leurs habitants s’acceptent tels qu’ils sont… un Noir s’accepte, le Blanc aussi, même si ses cheveux sont crépus, le chauve, l’obèse, le chétif, le malingre… Tous ces mots ne sont que des épithètes, des mots et expressions simplement descriptifs. Si j’appelle un Noir en lui disant « eh le Noir », cela ne fait pour autant de moi une raciste… car, pour sa part, il pourrait m’appeler la Blanche, et cela ne le rangerait pas non plus parmi les personnes ségrégationnistes.
Etre raciste, c’est refuser, par exemple de lui serrer la main, de m’asseoir près de lui, de refuser de travailler avec lui ou d’étudier en sa compagnie, de marcher à ses côtés dans la rue, de le regarder, de lui causer…
Et ça, ce comportement, je ne l’ai encore jamais vu au Maroc, et si un jour cela devait arriver, je serais la première à me révolter et à ruer dans les brancards. Si un gars est noir, et que je l’appelle le Noir, où est le problème et pourquoi s’en offusquerait-il ? Mais si cela devait arriver, et qu’il s’énerve, alors c’est lui qui a un problème, pas moi, cela voudra dire qu’il se rejette lui-même avant que je ne le rejette, moi- … voici des années que j’entends « noir », « négro », « peau sombre », et jamais au grand jamais, il n’y a eu une telle campagne que l’actuelle… ne serait-ce pas une entourloupe, tout cela, histoire de dire aux étrangers : « Regardez comme nous sommes civilisés ! Vous avez vu ce qu’on fait ? »…
Si on appelle quelqu’un « le Noir » ou « négro » (azzi), on me qualifiera de raciste… Alors on a opté pour Africain, mais là aussi, vous nous avez rétorqués que nous sommes hautains parce que nous sommes du même continent. On a dit alors « Sénégalais », et vous avez râle en nous accusant d’avoir mis tous les Noirs dans le même sac national ; on a changé pour « mon ami », mais vous avez considéré que c’était là de la condescendance. On a offert du chocolat, et voilà qu’on nous accuse de sarcasme rabaissant…
Moi, personnellement, je fais preuve d’hypocrisie avec moi-même en employant les mots « brun » ou « bronzé », quand les gens auxquels je m’adresse soient noirs… car les mots sont devenus des insultes… Et pourtant, « noir » ou « négro » sont des adjectifs qui indiquent des gens de Côte d’Ivoire, du Sénégal, du Cameroun, du Ghana, de la Guinée, d’Ouganda… de même que « chinois » fait référence aux personnes aux yeux bridés comme des Japonais, des Coréens, des Indonésiens, des Malaysiens, des Mongoliens… ou encore « Gaouri » s’applique aux gens venus d’Europe ou des Etats-Unis, des gens blonds aux yeux verts ou bleus, ou même jaunes…
Voilà quelques mois de cela, toute une polémique était née du fait qu’un propriétaire d’appartements à louer avait placardé une affiche clamant : « La maison ne loue pas aux étudiants africains ». Tollé général… Mais moi, j’avais estimé que le proprio était en droit de louer son bien à qui il voulait… peut-être avait-il eu de mauvaises expériences auparavant, louant son appartement à un étudiant avant qu’il ne se retrouve avec 10 gars chez lui, comme cela se produit partout ailleurs, chez nous, du fait même de gens supposés civilisés et absolument pas racistes pour un sou… Et alors quoi, le gars pense que le mode de vie des étudiants africains ne lui sied guère, c’est tout.
Mais il y a une autre histoire… Il y trois ans, j’étais en quête d’un appartement à el Kamra, à Rabat, et je n’ai pu en dénicher un qu’après de longues et laborieuses recherches. La raison ? Les gens là-bas ne voulaient louer qu’aux « Africains » parce qu’avec eux, ils se faisaient de l’oseille, même en louant à un seul qui ramenait ses nombreux amis avec lui… L’affaire se résume à des calculs et des états d’esprit, mais en aucun cas, il ne s’agit de racisme… comme il arrive bien souvent qu’on ne veuille pas louer à des célibataires, hommes ou femmes, ou à des femmes divorcées… mais là est sans doute une autre force de racisme…
Et si maintenant nous comparons la situation des Noirs chez nous avec celle des Marocains en Europe, exposés au racisme, il nous faudra quand même reconnaître que nous sommes des sauvages, arriérés, sous-développés, bordéliques… Nous faisons du n’importe quoi, ne respectant rien ni personne chez les autres, et s’ils sont racistes envers nous, il nous faut alors nous en prendre à nous-mêmes et pas à eux, car ils sont chez eux, dans leurs murs, et ils font ce qu’ils veulent dans leurs contrées, surtout s’ils veulent se prémunir contre les brutes épaisses que nous sommes, ou pouvons être…
reconnaissons-le, nous sommes des sous-développées, en retard d’une, ou plusieurs, générations, sur les autres, et c’est cela le point de départ pour une possible rémission et un véritable élancement vers l’avenir… Un peu de réalisme ne saurait faire de mal à quiconque.
Le racisme, c’est la distinction en fonction de la couleur, de la race, du sexe, de la langue ou de la religion…
Militer, en vrai, c’est lutter contre le racisme dont nous faisons preuve à l’égard de nous-mêmes : commençons d’abord par nous libérer de ce complexe du colonisé… Lutter contre le racisme, c’est refuser de voir qu’un « Gaouri » vienne bosser chez nous et soit payé trois, quatre, cinq fois plus qu’un Marocain… Lutter, c’est refuser d’aller quérir un sélectionneur étranger qui percevra beaucoup d’argent du contribuable (racisme par la nationalité).
La lutte vraie est de combattre les mauvais comportements… les pratiques de ceux qui possèdent des endroits de luxe, et qui ne prêtent attention qu’à ceux qui causent en français ou en anglais, méprisant ces minus qui ne parlent qu’arabe… les pratiques voulant que quand on appelle un hôtel ou une administration, on me réponde « Allo, bonjour », avant de changer immédiatement de ton s’ils entendent dans leur combiné « Salamou alaikoum », troquant leur enthousiasme initial par un dégoût à peine dissimulé (racisme de la langue).
La lutte vraie et sérieuse est celle qui est menée contre l’appartenance raciale, et qui s’élève contre tous ces instituts qui ne reçoivent que les Lahlou, Bennis, Benchekroun, Bennani… parce que ces jeunes sont fassis, et donc forcément meilleurs (racisme par la race et la famille).
Lutter contre les inégalités est de se dresser contre toutes ces cartes et passe-droits distribués aux Iddrissi, Bakkali, Alaoui… sur lesquels sont frappés ces mots : « Témoigner du respect au porteur de cette carte »… (Racisme par la religion).
Moi, savez-vous, je ne suis pas aroubi, ni amazigh, ni montagnard ni soussi… Ah oui, et qui es-tu donc, pour qui te prends-tu ?
Moi, dans ce pays, je ne suis qu’un « être humain avec sursis ».
Lire la chronique, en arabe, sur goud.ma
Moi, je m’oppose radicalement à cette campagne lancée sous le slogan « je ne m’appelle pas Azzi »… Qu’allez-vous faire alors, me taxer de raciste ?… Si on devait qualifier cette action, alors on l’intégrerait dans le cadre du superficiel, du BCBG… on l’inscrirait sous le signe de « regardez comme nous sommes civilisés et tolérants ». C’est là une forme de militantisme aristo et bourgeois, aussi putréfié que populiste et absolument artificiel, un militantisme qui semble dire : « Puisqu’il n’y a rien à faire, alors allons-y, faisons n’importe quoi »… Et le plus beau est que ces gens-là qui mènent ladite campagne, il leur arrive bien souvent d’appeler un(e) noir(e) en le hélant « négro », avec un petit clin d’œil bien graveleux pour indiquer qu’ils s’apprêtent à raconter une blague osée.
La lutte contre le racisme a pris fin avec Nelson Mandela, avec Martin Luther King, Toni Morrison, Doris Lessing, Malcolm X, et bien d’autres encore, quand la lutte contre le racisme menait toujours en prison, coûtait souvent la vie, exposait les gens à l’exil, les asservissait ou les réduisait en esclavage… Et puis les Noirs ont obtenu leurs droits et on est passé à autre chose, tournant la page avec les nouvelles lois, les constitutions avancées et les institutions qui veillent sur l’ensemble… Tout autre action ne peut être qu’individuelle et non contrôlable, tant il est vrai que l’être humain est tout sauf un ange… Ah, dernière remarque : tout cela se produit dans les pays qui se respectent et qui sont dirigés par un président noir, comme chez les Yankees… un véritable Etat de droit, un pays vraiment démocratique.
Mais dans d’autres contrées, comme le Maroc qui a le *** entre deux chaises, celle de la civilisation et celle du sous-développement, qui ont un pied en Europe et l’autre en Afrique… dans ces pays-là, le seul et unique combat à mener, avant toute autre chose, est que leurs habitants s’acceptent tels qu’ils sont… un Noir s’accepte, le Blanc aussi, même si ses cheveux sont crépus, le chauve, l’obèse, le chétif, le malingre… Tous ces mots ne sont que des épithètes, des mots et expressions simplement descriptifs. Si j’appelle un Noir en lui disant « eh le Noir », cela ne fait pour autant de moi une raciste… car, pour sa part, il pourrait m’appeler la Blanche, et cela ne le rangerait pas non plus parmi les personnes ségrégationnistes.
Etre raciste, c’est refuser, par exemple de lui serrer la main, de m’asseoir près de lui, de refuser de travailler avec lui ou d’étudier en sa compagnie, de marcher à ses côtés dans la rue, de le regarder, de lui causer…
Et ça, ce comportement, je ne l’ai encore jamais vu au Maroc, et si un jour cela devait arriver, je serais la première à me révolter et à ruer dans les brancards. Si un gars est noir, et que je l’appelle le Noir, où est le problème et pourquoi s’en offusquerait-il ? Mais si cela devait arriver, et qu’il s’énerve, alors c’est lui qui a un problème, pas moi, cela voudra dire qu’il se rejette lui-même avant que je ne le rejette, moi- … voici des années que j’entends « noir », « négro », « peau sombre », et jamais au grand jamais, il n’y a eu une telle campagne que l’actuelle… ne serait-ce pas une entourloupe, tout cela, histoire de dire aux étrangers : « Regardez comme nous sommes civilisés ! Vous avez vu ce qu’on fait ? »…
Si on appelle quelqu’un « le Noir » ou « négro » (azzi), on me qualifiera de raciste… Alors on a opté pour Africain, mais là aussi, vous nous avez rétorqués que nous sommes hautains parce que nous sommes du même continent. On a dit alors « Sénégalais », et vous avez râle en nous accusant d’avoir mis tous les Noirs dans le même sac national ; on a changé pour « mon ami », mais vous avez considéré que c’était là de la condescendance. On a offert du chocolat, et voilà qu’on nous accuse de sarcasme rabaissant…
Moi, personnellement, je fais preuve d’hypocrisie avec moi-même en employant les mots « brun » ou « bronzé », quand les gens auxquels je m’adresse soient noirs… car les mots sont devenus des insultes… Et pourtant, « noir » ou « négro » sont des adjectifs qui indiquent des gens de Côte d’Ivoire, du Sénégal, du Cameroun, du Ghana, de la Guinée, d’Ouganda… de même que « chinois » fait référence aux personnes aux yeux bridés comme des Japonais, des Coréens, des Indonésiens, des Malaysiens, des Mongoliens… ou encore « Gaouri » s’applique aux gens venus d’Europe ou des Etats-Unis, des gens blonds aux yeux verts ou bleus, ou même jaunes…
Voilà quelques mois de cela, toute une polémique était née du fait qu’un propriétaire d’appartements à louer avait placardé une affiche clamant : « La maison ne loue pas aux étudiants africains ». Tollé général… Mais moi, j’avais estimé que le proprio était en droit de louer son bien à qui il voulait… peut-être avait-il eu de mauvaises expériences auparavant, louant son appartement à un étudiant avant qu’il ne se retrouve avec 10 gars chez lui, comme cela se produit partout ailleurs, chez nous, du fait même de gens supposés civilisés et absolument pas racistes pour un sou… Et alors quoi, le gars pense que le mode de vie des étudiants africains ne lui sied guère, c’est tout.
Mais il y a une autre histoire… Il y trois ans, j’étais en quête d’un appartement à el Kamra, à Rabat, et je n’ai pu en dénicher un qu’après de longues et laborieuses recherches. La raison ? Les gens là-bas ne voulaient louer qu’aux « Africains » parce qu’avec eux, ils se faisaient de l’oseille, même en louant à un seul qui ramenait ses nombreux amis avec lui… L’affaire se résume à des calculs et des états d’esprit, mais en aucun cas, il ne s’agit de racisme… comme il arrive bien souvent qu’on ne veuille pas louer à des célibataires, hommes ou femmes, ou à des femmes divorcées… mais là est sans doute une autre force de racisme…
Et si maintenant nous comparons la situation des Noirs chez nous avec celle des Marocains en Europe, exposés au racisme, il nous faudra quand même reconnaître que nous sommes des sauvages, arriérés, sous-développés, bordéliques… Nous faisons du n’importe quoi, ne respectant rien ni personne chez les autres, et s’ils sont racistes envers nous, il nous faut alors nous en prendre à nous-mêmes et pas à eux, car ils sont chez eux, dans leurs murs, et ils font ce qu’ils veulent dans leurs contrées, surtout s’ils veulent se prémunir contre les brutes épaisses que nous sommes, ou pouvons être…
reconnaissons-le, nous sommes des sous-développées, en retard d’une, ou plusieurs, générations, sur les autres, et c’est cela le point de départ pour une possible rémission et un véritable élancement vers l’avenir… Un peu de réalisme ne saurait faire de mal à quiconque.
Le racisme, c’est la distinction en fonction de la couleur, de la race, du sexe, de la langue ou de la religion…
Militer, en vrai, c’est lutter contre le racisme dont nous faisons preuve à l’égard de nous-mêmes : commençons d’abord par nous libérer de ce complexe du colonisé… Lutter contre le racisme, c’est refuser de voir qu’un « Gaouri » vienne bosser chez nous et soit payé trois, quatre, cinq fois plus qu’un Marocain… Lutter, c’est refuser d’aller quérir un sélectionneur étranger qui percevra beaucoup d’argent du contribuable (racisme par la nationalité).
La lutte vraie est de combattre les mauvais comportements… les pratiques de ceux qui possèdent des endroits de luxe, et qui ne prêtent attention qu’à ceux qui causent en français ou en anglais, méprisant ces minus qui ne parlent qu’arabe… les pratiques voulant que quand on appelle un hôtel ou une administration, on me réponde « Allo, bonjour », avant de changer immédiatement de ton s’ils entendent dans leur combiné « Salamou alaikoum », troquant leur enthousiasme initial par un dégoût à peine dissimulé (racisme de la langue).
La lutte vraie et sérieuse est celle qui est menée contre l’appartenance raciale, et qui s’élève contre tous ces instituts qui ne reçoivent que les Lahlou, Bennis, Benchekroun, Bennani… parce que ces jeunes sont fassis, et donc forcément meilleurs (racisme par la race et la famille).
Lutter contre les inégalités est de se dresser contre toutes ces cartes et passe-droits distribués aux Iddrissi, Bakkali, Alaoui… sur lesquels sont frappés ces mots : « Témoigner du respect au porteur de cette carte »… (Racisme par la religion).
Moi, savez-vous, je ne suis pas aroubi, ni amazigh, ni montagnard ni soussi… Ah oui, et qui es-tu donc, pour qui te prends-tu ?
Moi, dans ce pays, je ne suis qu’un « être humain avec sursis ».
Lire la chronique, en arabe, sur goud.ma