Plusieurs perquisitions ont eu lieu, vendredi 19 décembre, au domicile du député socialiste de l'Essonne Julien Dray, un proche de Ségolène Royal, mais aussi au siège de deux associations, Les parrains de SOS-Racisme et la Fédération indépendante et démocratique lycéenne (FIDL). Les enquêteurs de la brigade financière agissent dans le cadre d'une enquête préliminaire pour des faits présumés d'abus de confiance, ordonnée, le 10 décembre, par le parquet de Paris.
L'organisme antiblanchiment du ministère des finances, Tracfin, avait fait parvenir au procureur de Paris un signalement, le 28 novembre, révélant des mouvements de fonds suspects entre les comptes de ces associations loi 1901 et celui de M. Dray. Les policiers s'interrogent également sur des versements suspects de fonds, provenant d'industriels, sur le compte du député.
En plein conflit lycéen, l'affaire devrait faire grand bruit. D'autant que les sommes censées avoir été détournées sont importantes. D'après les enquêteurs, les flux suspects au préjudice de la FIDL, mais aussi des Parrains de SOS-Racisme, se montent à 351 027 euros. Deux membres de ces associations semblent avoir joué le rôle d'intermédiaires, d'après les relevés de Tracfin.
Nathalie Fortis, chargée de relations presse de M. Dray et de SOS-Racisme, et Thomas Persuy, directeur administratif et financier de l'association, dont les domiciles ont aussi fait l'objet de perquisitions, auraient encaissé, entre janvier 2006 et septembre 2008, plusieurs chèques tirés exclusivement sur les comptes de ces associations, pour un montant de 127 377 euros. Tous deux étaient mandataires de la FIDL sur le compte ouvert au Crédit coopératif.
MOUVEMENT DE FONDS CURIEUX
C'est le 24 septembre que l'organisme antiblanchiment dénote des mouvements de fonds curieux. Il est ainsi relevé que Mme Fortis encaisse sur son compte personnel un chèque de 10 500 euros tiré sur l'association Les parrains de SOS-Racisme, ainsi que 26 chèques pour un montant total de 11 301 euros, "manifestement surchargés" selon les enquêteurs. Dans le même temps, elle débite deux chèques pour un montant de 12 300 euros au profit de Julien Dray. Au total, donc, 127 377 euros sont prélevés sur les deniers des associations. Et quelques jours plus tard, Mme Fortis et M. Persuy auraient déposé 102 985 euros sur les comptes de l'ancien porte-parole de Mme Royal.
Par ailleurs, il semble que la somme de 94 350 euros ait été retirée, en liquide, des comptes de l'association Les parrains de SOS-Racisme alors que, durant la même période, aucun retrait d'espèces n'a été constaté sur les comptes personnels de Mme Fortis et de M. Dray. Les enquêteurs les soupçonnent donc d'avoir utilisé l'argent de l'association pour leurs besoins propres. En outre, des chèques, pour un montant total de 15 410 euros les policiers estiment qu'il pourrait s'agir de cotisations et dons , auraient été déposés sur les comptes de M. Dray et de Mme Fortis.
La justice suspecte aussi clairement le député d'avoir bénéficié de financements indus. Ainsi, le compte de M. Dray aurait été crédité de 113 890 euros, provenant de particuliers membres de la sphère économique. Parmi les généreux donateurs, des entrepreneurs ayant leur siège social dans l'Essonne, l'un d'eux ayant même obtenu un marché public auprès du conseil régional d'Ile-de-France, dont M. Dray est vice-président. Enfin, M. Dray aurait procédé, à cette même époque, à des achats massifs de produits de luxe.
Huit ans plus tôt, le député de l'Essonne, dont le nom avait été cité dans le scandale de la MNEF, avait déjà fait l'objet d'une enquête diligentée par le parquet de Paris. Il était alors question d'une montre, objet dont M. Dray est friand, qui avait coûté 350 000 francs, versés pour partie en liquide. L'affaire avait été classée sans suite, les explications du député ayant satisfait les enquêteurs.
Reste que la brigade financière va devoir, désormais, se pencher sur les relations, personnelles et financières, entre M. Dray et SOS-Racisme et la FIDL. Il fut le cofondateur de SOS-Racisme, avant de participer à la création de la FIDL, qui revendique 6 000 adhérents lycéens.
Il continue de veiller aux intérêts de ses protégés, tels la députée socialiste des Deux-Sèvres, Delphine Batho, et le secrétaire national du PS Malek Boutih, issus de cette matrice. Léa Filoche, ancienne présidente de la FIDL, avait d'ailleurs déclaré à l'Express, en 2005 : "C'est Julien Dray qui, tous les deux ans, nomme les permanents de l'organisation." Contactés par téléphone et SMS, tant le député de l'Essonne que Mme Fortis n'ont pu être joints.