aladin60
VIB
C'est passé (presque) inaperçu la semaine dernière: lécrivain israélien Yoram Kaniuk a obtenu de figurer «sans religion» dans les registres administratifs. Lévénement est pourtant dune portée considérable, dans un pays où la séparation du culte et de lEtat est plus facile à réclamer quà institue
Yoram Kaniuk, 81 ans, est un vieil emmerdeur. En 2010, cet écrivain résidant à Tel-Aviv faisait parvenir un courrier au Ministère de lIntérieur. Il demandait à ne plus figurer sur les registres détat civil comme citoyen de religion juive, et réclamait le qualificatif de «sans religion».
Ladministration lui opposa une fin de non-recevoir: la loi israélienne réclame, pour tout changement dappartenance religieuse, la production dun document établissant façon officielle la conversion à une autre religion. Il nest pas encore possible de se convertir à labsence de religion: Yoram Kaniuk dut faire appel. «Jai 81 ans, je suis en mauvaise santé et japprécierais quune décision soit prise rapidement, expliqua-t-il au tribunal. Cette requête est très importante pour moi.»
Le jugement fut rendu le 2 octobre et lécrivain obtint gain de cause. Une première. Depuis, tout ce quIsraël compte comme bouffeur de rabbins crie victoire. A linitiative du poète Oded Carmeli, deux cent personnes se sont rassemblées dimanche sur le toit dun immeuble désaffecté du boulevard Rothschild à Tel-Aviv et ont signé des requêtes similaires à celle de Yoram Kaniuk, espérant que la décision du tribunal fera jurisprudence.
Lavocat de Kaniuk était présent, rédigeant à la file ces demandes de désaffiliation identitaire. «Ce ne sont pas des jeunes gens qui agissent sur un coup de tête, indiquait-il à Reuters, mais des personnes plus âgées qui y ont réfléchi, après des années passées à se sentir étouffées par lestablishment religieux.»
Irit Rozenblum, directrice dune association qui milite pour la généralisation du mariage civil, encore peu répandu, estime que «cette décision montre à quel point le monopole des Orthodoxes sur les services religieux et le recensement de la population est ridicule en Israël.» Elle ajoute que «le tribunal a fait un pas de géant vers la séparation de léglise et de lEtat.»
Le «précédent Kaniuk» ouvre indéniablement une brèche dans la philosophie constitutionnelle israélienne. Cette affaire est vécue comme un séisme symbolique, dans un pays où les rapports entre la citoyenneté, la religion et lidentité sont régis par un entrelacs dimpératifs contradictoires que les observateurs étrangers peinent parfois à comprendre. Est-on dabord juif ou Israélien, sachant que la nationalité se fonde en droit sur la loi du Retour, ouvertes aux seules personnes d'ascendance juive? Israël peut-il laïciser sa législation sans perdre sa spécificité dEtat juif? Sur quel autre fondement lidentité israélienne peut-elle se baser, vu le morcellement communautaire du pays?
Yoram Kaniuk, 81 ans, est un vieil emmerdeur. En 2010, cet écrivain résidant à Tel-Aviv faisait parvenir un courrier au Ministère de lIntérieur. Il demandait à ne plus figurer sur les registres détat civil comme citoyen de religion juive, et réclamait le qualificatif de «sans religion».
Ladministration lui opposa une fin de non-recevoir: la loi israélienne réclame, pour tout changement dappartenance religieuse, la production dun document établissant façon officielle la conversion à une autre religion. Il nest pas encore possible de se convertir à labsence de religion: Yoram Kaniuk dut faire appel. «Jai 81 ans, je suis en mauvaise santé et japprécierais quune décision soit prise rapidement, expliqua-t-il au tribunal. Cette requête est très importante pour moi.»
Le jugement fut rendu le 2 octobre et lécrivain obtint gain de cause. Une première. Depuis, tout ce quIsraël compte comme bouffeur de rabbins crie victoire. A linitiative du poète Oded Carmeli, deux cent personnes se sont rassemblées dimanche sur le toit dun immeuble désaffecté du boulevard Rothschild à Tel-Aviv et ont signé des requêtes similaires à celle de Yoram Kaniuk, espérant que la décision du tribunal fera jurisprudence.
Lavocat de Kaniuk était présent, rédigeant à la file ces demandes de désaffiliation identitaire. «Ce ne sont pas des jeunes gens qui agissent sur un coup de tête, indiquait-il à Reuters, mais des personnes plus âgées qui y ont réfléchi, après des années passées à se sentir étouffées par lestablishment religieux.»
Irit Rozenblum, directrice dune association qui milite pour la généralisation du mariage civil, encore peu répandu, estime que «cette décision montre à quel point le monopole des Orthodoxes sur les services religieux et le recensement de la population est ridicule en Israël.» Elle ajoute que «le tribunal a fait un pas de géant vers la séparation de léglise et de lEtat.»
Le «précédent Kaniuk» ouvre indéniablement une brèche dans la philosophie constitutionnelle israélienne. Cette affaire est vécue comme un séisme symbolique, dans un pays où les rapports entre la citoyenneté, la religion et lidentité sont régis par un entrelacs dimpératifs contradictoires que les observateurs étrangers peinent parfois à comprendre. Est-on dabord juif ou Israélien, sachant que la nationalité se fonde en droit sur la loi du Retour, ouvertes aux seules personnes d'ascendance juive? Israël peut-il laïciser sa législation sans perdre sa spécificité dEtat juif? Sur quel autre fondement lidentité israélienne peut-elle se baser, vu le morcellement communautaire du pays?