L’histoire réelle d’Israël-Palestine se passe en Cisjordanie

Par Ben White

Si on les regarde dans leur ensemble, ces événements en Cisjordanie sont bien plus significatifs que les questions qui accaparent l’attention actuellement, comme les pourparlers de trêve avec le Hamas, ou les discussions sur un éventuel accord d’échange de prisonniers.

Il est plus que vraisemblable que vous n’ayez pas entendu parler des développements extrêmement graves de cette semaine dans le conflit israélo-palestinien. En Cisjordanie, alors que ce fut “l’occupation normale”, quelques événements sont survenus qui, mis ensemble, éclipseraient Gaza, Gilad Shalit et Avigdor Lieberman.

D’abord, il y a eu un très grand nombre de raids israéliens sur des villages palestiniens, et des dizaines de Palestiniens enlevés. Ces sortes de raids sont, bien sûr, habituels pour la Cisjordanie occupée, mais il semble que ces derniers jours, l’armée israélienne ait ciblé des endroits où la résistance civile palestinienne contre le mur de séparation est particulièrement vigoureuse.

Pendant trois jours d’affilée la semaine dernière, les forces israéliennes ont envahi Jayyous, village qui lutte pour sa survie puisque le mur et la colonie israélienne voisine volent ses terres agricoles. Les soldats ont occupé les maisons, détenu les habitants, bloqué les routes d’accès, saccagé les biens, battu les protestataires et installé des drapeaux israéliens sur les toits de plusieurs bâtiments.

Jayyous est un des villages palestiniens de Cisjordanie qui résistent de façon non violente au mur depuis plusieurs années maintenant. Pour les villageois, il ne fait pas de doute que la dernière attaque est une tentative d’intimidation du mouvement de protestation.

Au début de cette même dernière semaine, Israël a resserré encore davantage la mobilité palestinienne et les droits à la résidence à Jérusalem Est, fermant le passage qui restait dans le mur à Al-Ram, banlieue de la ville. Ce qui signifie que des dizaines de milliers de Palestiniens sont maintenant coupés de la ville et ceux qui ont l’autorisation devront maintenant entrer dans la ville par le nord, en passant par le checkpoint de Qalandiya.

Enfin, et cette fois il y a une couverte médiatique modeste, on a appris que la colonie d’Efrat près de Bethléem va être agrandie par l’appropriation d’environ 420 acres de terre déclarée “terre d’Etat”. Selon le maire d’Efrat, le projet est de tripler le nombre de résidents de la colonie.

Si on les regarde dans leur ensemble, ces événements en Cisjordanie sont bien plus significatifs que les questions qui accaparent l’attention actuellement, comme les pourparlers de trêve avec le Hamas, ou les discussions sur un éventuel accord d’échange de prisonniers.

Le Hamas lui-même est devenu un tel sujet de focalisation, que ce soit par ceux qui poussent à des discussions et la cooptation ou ceux qui plaident pour la destruction totale du groupe, qu’on en oublie le contexte plus large.

Hamas n’est pas le début ni la fin de ce conflit, un mouvement qui n’existe que seulement depuis les trente dernières années des soixante d’Israël. La Charte du Hamas n’est pas un manifeste palestinien, et elle n’est même pas particulièrement centrale pour l’organisation aujourd’hui. Avant que le Hamas n’existe, Israël colonisait les territoires occupés et maintenait un régime exclusivement ethnique. Si le Hamas disparaît demain, la colonisation israélienne ne disparaîtra certainement pas.

Reconnaître ce qui se passe en Cisjordanie contextualise également la discussion sur la politique intérieure d’Israël, et la question en cours sur la formation de la coalition au pouvoir. Pour les Palestiniens, cela ne fait pas beaucoup de différence, qui sera finalement assis autour de la table du cabinet israélien, puisqu’un consensus existe parmi les différents partis sur une seule chose : une position de rejet ferme vis-à-vis de l’auto-détermination et de la souveraineté palestiniennes.

Pendant la couverture des élections israéliennes, alors qu’il était clair que la plupart des Palestiniens ne se souciaient guère de savoir quel candidat gagnerait, la raison de ce désintérêt n’a pas été expliquée. Que ce soit le Parti travailliste, le Likoud ou Kadima, les gouvernements israéliens ont sans faillir continué ou intensifié la colonisation des territoires occupés, soutenu la règle “séparés et inégaux” d’Israël, une réalité masquée par la fausse dichotomie “colombes contre faucons”.

Ce qui nous amène à la troisième raison expliquant pourquoi les nouvelles venant de Cisjordanie ont plus de sens que les pourparlers de trêve à Gaza ou la rivalité Netanyahu-Livni – qui est un rappel supplémentaire que la solution à Deux Etats est passée d’un but louable (et souvent peu sincère) à un slogan vide de sens, masquant l’absorption d’Israël de toute la Palestine/Israël et le confinement des Palestiniens dans des enclaves.

Le fait que la réalité de la Cisjordanie signifie la fin du paradigme de Deux Etats a commencé à être repris par des commentateurs libéraux et du courant dominant aux USA, au lendemain des élections israéliennes. Juan Cole, professeur d’histoire et bloggeur, a récemment souligné que ne restent actuellement que trois options pour Palestine/Israël : l’apartheid, l’expulsion ou Un Etat.

Le tracé du mur, et le nombre de Palestiniens qu’il affecte directement et indirectement, continue de ridiculiser tout projet d’un Etat palestinien. Jayyous est l’exemple que les “morceaux d’Etat” palestiniens entourés de grilles projetés par Israël sont aux antipodes de l’intention affirmée du Quartet et de bien d’autres, de deux Etats viables “côte à côte”. Comme l’a souligné la Banque Mondiale, la colonisation de la terre ne conduit pas à la prospérité économique, ni à l’indépendance fondamentale.

Entre temps, à Jérusalem Est occupée, Israël continue son processus de judaïsation, par la force de la bureaucratie et des bulldozers. Le dernier resserrement du nœud coulant à Ar-Ram est un exemple du risque que courent les Jérusalémites palestiniens de perdre leur statut de résident, victimes de ce qu’on appelle poliment “la bataille démographique”.

Il est impossible d’imaginer que les Palestiniens acceptent un jour un “Etat” dessiné par les contours du mur d’Israël, déconnecté non seulement de Jérusalem Est mais même d’autres parties de lui-même. C’est pourtant l’essence de la “solution” avancée par les dirigeants israéliens, au-delà des programmes des partis.

Pour voir la direction réelle prise par le conflit, regardez ce qui se passe en Cisjordanie, pas seulement à Gaza.


Source : The Guardian
Traduction : MR pour ISM

http://www.ism-france.org/news/article.php?id=11294&type=analyse&lesujet=Le Mur
 
Merci pour l'info !
C'est incroyable comment on arrive a detourner notre attention (enfin c'est peut etre un cas personnel je sais pas ... :rolleyes:) !!
Et c'est pas seulement le cas dans ce conflit ...
 
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