A deux jours près, la fête du trône au Maroc aurait pu coïncider avec la fête nationale suisse, le 1er aout.
Ironie et cruauté du calendrier qui fait se télescoper deux célébrations antinomiques.
Une première, à la gloire d'un seul homme. Puis le surlendemain, la célébration, jusqu'aux plus profondes vallées de la Suisse, du citoyen.
Salah Elayoubi
Et il en va de la fête nationale de ces deux pays, comme de leur constitution. Alors que le diable se cache au détour de chacune des pages de la nôtre, faisant le lit de la dictature, la constitution helvétique donne le ton, dès son préambule, en plaçant le peuple, au premier rang de ses décisionnaires et les plus faibles de ses citoyens, au centre de toutes les préoccupations, bien avant la Nation elle-même.
Extraits :
« Au nom de Dieu Tout-Puissant !
Le peuple et les cantons suisses,
sachant que seul est libre qui use de sa liberté et que la force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres. »
Une pure leçon de démocratie, dans ce petit pays de moins de sept millions d'habitants, où près de soixante pour cent de la population ignore jusqu'au nom du président en exercice.
Humiliation, le maître mot
Du citoyen, la monarchie alaouite n'en a cure et le prouve. A peine sorti du « Danielgate » dans lequel il s'était lui-même embourbé, Mohammed VI n'a pas eu la moindre considération pour sa garde royale qui a perdu, selon un bilan tout provisoire, dix-sept (17) de ses membres, dans la chute de leur camion, précipité dans le vide, d'une hauteur de deux cent (200) mètres, samedi 10 août, entre Chefchaouen et Tétouan. Quarante et un (41) soldats ayant, par ailleurs, été blessés dans le même accident.
Naturellement, tout comme lorsqu'un avion cargo C130, de l'armée de l'air marocaine s'était écrasé, le 26 juillet 2011, près de Goulmim, faisant plus d'une trentaine de victimes, les préparatifs de la fête de l'allégeance se sont poursuivies, alors que les deux tragédies auraient du susciter l'annulation de toutes les festivités et une période de deuil national.
C'est que trop heureux d'humilier ceux de ses compatriotes qui broutent autour du piquet de la monarchie et comme bien des dictateurs qui l'ont précédé, dans l'exercice du pouvoir, le roi a préféré succomber à la tentation de la mégalomanie et au culte de la personnalité plutôt qu'à partager le deuil des familles de sa propre garde.
Pire, la cérémonie en question qui aura coûté une vingtaine de millions de dirhams au contribuable marocain, a subi un tel lifting et ses moindres détails à ce point codifiés, que le spectacle des élites du pays alignées au cordeau, fait irrémédiablement penser, toutes proportions gardées aux pires moments de l'humanité, lorsque le fascisme rêvait de faire revivre les légions de l'empire romain et orchestrait de gigantesques rassemblements de ses membres en formations carrées.
Un vague air de « Roi soleil » et de poulets en batterie
La comparaison s’arrête là, car sur l’esplanade du Palais, chauffée à blanc par le soleil de ce mois d’août 2013, c’est le ridicule qui est à l’ordre du jour.
Point de chemises brunes, ni de vociférations ou de bras tendus, mais un alignement de burnous blancs qui donnent à la cérémonie, des allures d’élevage de poulets en batteries, ou de colonie de manchots. Le pire étant à venir, lorsque les processionnaires doivent se prosterner à plusieurs reprises, face au roi béat, à cheval, et qui, pour mieux marquer sa différence, s’est travesti en jaune, couleur du soleil. Bien piètre imitation de Louis XIV, le « Roi Soleil », qui fut autrement plus charismatique et dont la force de caractère avait fait de lui, l’un des plus grands monarques de son époque.
Une fois prononcée la fameuse formule, « Allah ibarek fi 3oumr sidi ! », (Dieu prête longue vie à mon seigneur) les représentants du peuple, ceux de la société civile ainsi que les cadres de l’administration territoriale, sont poussés, sans aucun ménagement, et au pas de gymnastique, par une cohorte d’esclaves du Palais, pendant que le roi avance de quelques pas sur sa monture, en direction du prochain groupe. Au cours de ce sprint au goût de ridicule, il n’est pas rare de voir l’un des participants perdre une, voire les deux babouches, dans la confusion générale et se retrouver en chaussettes. Plus tard, la cérémonie achevée, les nettoyeurs les récupéreront comme autant de trophées hilarants que personne, par décence, ne s’abaissera jamais, à venir réclamer.
Ironie et cruauté du calendrier qui fait se télescoper deux célébrations antinomiques.
Une première, à la gloire d'un seul homme. Puis le surlendemain, la célébration, jusqu'aux plus profondes vallées de la Suisse, du citoyen.
Salah Elayoubi
Et il en va de la fête nationale de ces deux pays, comme de leur constitution. Alors que le diable se cache au détour de chacune des pages de la nôtre, faisant le lit de la dictature, la constitution helvétique donne le ton, dès son préambule, en plaçant le peuple, au premier rang de ses décisionnaires et les plus faibles de ses citoyens, au centre de toutes les préoccupations, bien avant la Nation elle-même.
Extraits :
« Au nom de Dieu Tout-Puissant !
Le peuple et les cantons suisses,
sachant que seul est libre qui use de sa liberté et que la force de la communauté se mesure au bien-être du plus faible de ses membres. »
Une pure leçon de démocratie, dans ce petit pays de moins de sept millions d'habitants, où près de soixante pour cent de la population ignore jusqu'au nom du président en exercice.
Humiliation, le maître mot
Du citoyen, la monarchie alaouite n'en a cure et le prouve. A peine sorti du « Danielgate » dans lequel il s'était lui-même embourbé, Mohammed VI n'a pas eu la moindre considération pour sa garde royale qui a perdu, selon un bilan tout provisoire, dix-sept (17) de ses membres, dans la chute de leur camion, précipité dans le vide, d'une hauteur de deux cent (200) mètres, samedi 10 août, entre Chefchaouen et Tétouan. Quarante et un (41) soldats ayant, par ailleurs, été blessés dans le même accident.
Naturellement, tout comme lorsqu'un avion cargo C130, de l'armée de l'air marocaine s'était écrasé, le 26 juillet 2011, près de Goulmim, faisant plus d'une trentaine de victimes, les préparatifs de la fête de l'allégeance se sont poursuivies, alors que les deux tragédies auraient du susciter l'annulation de toutes les festivités et une période de deuil national.
C'est que trop heureux d'humilier ceux de ses compatriotes qui broutent autour du piquet de la monarchie et comme bien des dictateurs qui l'ont précédé, dans l'exercice du pouvoir, le roi a préféré succomber à la tentation de la mégalomanie et au culte de la personnalité plutôt qu'à partager le deuil des familles de sa propre garde.
Pire, la cérémonie en question qui aura coûté une vingtaine de millions de dirhams au contribuable marocain, a subi un tel lifting et ses moindres détails à ce point codifiés, que le spectacle des élites du pays alignées au cordeau, fait irrémédiablement penser, toutes proportions gardées aux pires moments de l'humanité, lorsque le fascisme rêvait de faire revivre les légions de l'empire romain et orchestrait de gigantesques rassemblements de ses membres en formations carrées.
Un vague air de « Roi soleil » et de poulets en batterie
La comparaison s’arrête là, car sur l’esplanade du Palais, chauffée à blanc par le soleil de ce mois d’août 2013, c’est le ridicule qui est à l’ordre du jour.
Point de chemises brunes, ni de vociférations ou de bras tendus, mais un alignement de burnous blancs qui donnent à la cérémonie, des allures d’élevage de poulets en batteries, ou de colonie de manchots. Le pire étant à venir, lorsque les processionnaires doivent se prosterner à plusieurs reprises, face au roi béat, à cheval, et qui, pour mieux marquer sa différence, s’est travesti en jaune, couleur du soleil. Bien piètre imitation de Louis XIV, le « Roi Soleil », qui fut autrement plus charismatique et dont la force de caractère avait fait de lui, l’un des plus grands monarques de son époque.
Une fois prononcée la fameuse formule, « Allah ibarek fi 3oumr sidi ! », (Dieu prête longue vie à mon seigneur) les représentants du peuple, ceux de la société civile ainsi que les cadres de l’administration territoriale, sont poussés, sans aucun ménagement, et au pas de gymnastique, par une cohorte d’esclaves du Palais, pendant que le roi avance de quelques pas sur sa monture, en direction du prochain groupe. Au cours de ce sprint au goût de ridicule, il n’est pas rare de voir l’un des participants perdre une, voire les deux babouches, dans la confusion générale et se retrouver en chaussettes. Plus tard, la cérémonie achevée, les nettoyeurs les récupéreront comme autant de trophées hilarants que personne, par décence, ne s’abaissera jamais, à venir réclamer.