Je viens de quitter le dîner organisé par le plus grand groupe privé du Maroc – anciennement public – entre les murs d'une bâtisse aux allures de palais : danseuses traditionnelles, guerriers à cheval, repas sans alcool, le Maroc pittoresque et folklorique offert aux invités.
Je plonge dans un autre Marrakech, celui des boîtes de nuit, des restos branchés aux tarifs élevés. Sur les tables du premier lieu, deux bimbos se déhanchent, des feux de Bengale à la main ; en face, un groupe de musique se met en place (guitare, batterie, basse, chœurs, congas et synthétiseur). Reprises de standards des trente dernières années : Aïcha par Khaled enflamme la discothèque. Un vieux chauve avec un cigare, à la table près de la scène, arrose deux filles avec lui (champagne, repas, etc.), sont-elles seulement majeures ? Trois jeunes femmes passent de manière ostentatoire. La moins farouche dit travailler dans un fonds d'investissement à Singapour - mais son anglais laisse pantois.
Autre lieu, ambiance similaire, si ce n'est la taille. Me voilà au Théatro, l'une des plus grosses boîtes de Marrakech, sise contre le casino de la ville. Quinze euros l'entrée avec une boisson. Accoudée au bar, une armée de guerrières fusillent du regard ; en hauteur, sur la gauche, deux femmes occidentales d'une quarantaine d'années, moins sexy que les amazones mais plus argentées, se dandinent sur la musique techno qui finit d'achever mes tympans. Une bassine métallique remplie de bouteilles de champagne, de feux de Bengale (encore), de coupes et de glace pilée, traverse la salle sur la tête d'un serveur gaulé comme une statue grecque, et sous les « hourras! » d'Américains, Mastercard à la main. Assez pour mes oreilles, et pour mes yeux : je négocie 20 dirhams avec un petit taxi jaune qui attend dehors, assailli par une bande de mômes en haillons. Le chauffeur s'engueule avec un autre taximan : il lui a soufflé une autre cliente, juste sous le nez. Rien de bien nouveau finalement : voici des contradictions universellement rencontrées, peut-être sont-elles seulement plus frappantes dans un pays qui fait de son identité culturelle et de ses convictions une marque déposée, fixée sur des affiches placardées dans le monde entier.
Michael Pauron - Jeune Afrique
http://redaction.blog.jeuneafrique.com/index.php/2010/05/04/122-djalil-et-la-contradiction-marocaine
Je plonge dans un autre Marrakech, celui des boîtes de nuit, des restos branchés aux tarifs élevés. Sur les tables du premier lieu, deux bimbos se déhanchent, des feux de Bengale à la main ; en face, un groupe de musique se met en place (guitare, batterie, basse, chœurs, congas et synthétiseur). Reprises de standards des trente dernières années : Aïcha par Khaled enflamme la discothèque. Un vieux chauve avec un cigare, à la table près de la scène, arrose deux filles avec lui (champagne, repas, etc.), sont-elles seulement majeures ? Trois jeunes femmes passent de manière ostentatoire. La moins farouche dit travailler dans un fonds d'investissement à Singapour - mais son anglais laisse pantois.
Autre lieu, ambiance similaire, si ce n'est la taille. Me voilà au Théatro, l'une des plus grosses boîtes de Marrakech, sise contre le casino de la ville. Quinze euros l'entrée avec une boisson. Accoudée au bar, une armée de guerrières fusillent du regard ; en hauteur, sur la gauche, deux femmes occidentales d'une quarantaine d'années, moins sexy que les amazones mais plus argentées, se dandinent sur la musique techno qui finit d'achever mes tympans. Une bassine métallique remplie de bouteilles de champagne, de feux de Bengale (encore), de coupes et de glace pilée, traverse la salle sur la tête d'un serveur gaulé comme une statue grecque, et sous les « hourras! » d'Américains, Mastercard à la main. Assez pour mes oreilles, et pour mes yeux : je négocie 20 dirhams avec un petit taxi jaune qui attend dehors, assailli par une bande de mômes en haillons. Le chauffeur s'engueule avec un autre taximan : il lui a soufflé une autre cliente, juste sous le nez. Rien de bien nouveau finalement : voici des contradictions universellement rencontrées, peut-être sont-elles seulement plus frappantes dans un pays qui fait de son identité culturelle et de ses convictions une marque déposée, fixée sur des affiches placardées dans le monde entier.
Michael Pauron - Jeune Afrique
http://redaction.blog.jeuneafrique.com/index.php/2010/05/04/122-djalil-et-la-contradiction-marocaine