La croix gammée et le turban: la tentation sioniste d'Arte?
Arte diffusait le film dHeinrich Billstein, La croix gammée et le turban, la tentation nazie du Grand mufti. Le documentaire revient sur les liens quentretenait Amin al-Husseini, le mufti de Jérusalem, avec lAllemagne dHitler. Il s'agit d'un thème souvent instrumentalisé par la propagande pro-israélienne.
L'émission d'Arte était-elle objective?
La sympathie dAmin al-Husseini pour le régime nazi nest pourtant pas un secret. Cest dailleurs un thème fréquent de la propagande pro-israélienne visant à légitimer loccupation des territoires Palestiniens.
« Pas un mot non plus sur la personne qui a nommé al-Husseini au poste de Grand mufti, poursuit Achcar. Et pour cause, cétait Herbert Samuel, le très sioniste Haut Commissaire britannique, un artisan de la déclaration Balfour de 1917 qui donna le feu vert à la colonisation sioniste. » Pourquoi un défenseur de limmigration juive tel que Samuel a-t-il nommé al-Husseini qui était connu pour son opposition farouche à la colonisation sioniste ? Le film ne nous le dit pas. « Il passe sous silence le rôle réel de limpérialisme britannique, qui a tablé sur les divisions Arabes-juifs autant quen Inde sur les divisions entre Hindous et Musulmans » nous a confirmé lhistorienne Annie Lacroix-Riz.
Diviser pour régner. Telle était la stratégie habituelle que les Britanniques appliquèrent en Palestine en conférant à al-Husseini tout son pouvoir politique. Et lidée savéra payante. Dans son ouvrage Les Arabes et la Shoah (3), Gilbert Achcar explique comment le parcours du mufti fut entaché de décisions désastreuses menant le mouvement national palestinien de défaite en défaite.
Aussi, au fil des années, lautorité dal-Husseini trouvera de moins en moins déchos en Palestine dune part, et dans le monde arabe de lautre. « Cest lune des grandes erreurs de lémission dArte : on évoque le mufti comme représentant du mouvement national palestinien et arabe, alors quil nen figure quune faction » remarque Dominique Vidal du Monde Diplomatique. Gilbert Achcar explique ainsi dans son ouvrage comment lappel au Jihad dal-Husseini, alors grand collaborateur de lAllemagne et de lItalie, ne sera pas suivi dans les mondes arabe et musulman : « En mai 1942, à un moment où le Reich pouvait encore apparaître comme vainqueur probable de la guerre, lunité arabe de la Wehrmacht ne comptait que 130 hommes ». Achcar évoque également le cas de ces 250 prisonniers palestiniens servant dans les troupes britanniques et envoyés à Rome pour combattre auprès de Mussolini : dix-huit seulement acceptèrent de servir dans la Légion. Il sagissait pourtant de combattre la Grande-Bretagne, oppresseur colonial de la Palestine. Mais laversion des soldats palestiniens pour lItalie fasciste était encore plus grande.
Lautre grande erreur du film de Billstein porte sur limplication directe du mufti dans le génocide juif. Le documentaire nous dit : « Début 1942, la solution de la question juive en Europe adoptée par les nazis est révélée au mufti par Adolf Eichmann en personne ». Le film raconte également qu'al-Husseini, impressionné, décida denvoyer une délégation au camp de Sachsenhausen. Enfin, lémission conclut sa démonstration de limplication du mufti en citant un passage dune de ses lettres. La missive recommandait de ne pas déporter les Juifs, y compris les enfants, vers la Palestine mais de les envoyer dans des régions comme la Pologne « où ils pourraient être mieux surveillés ». Billstein laisse ainsi sous-entendre que le mufti préconisait lextermination en Pologne, plutôt que la déportation en Palestine. La démonstration est cependant erronée.
Pourquoi dès lors chercher, au prix d'une mauvaise foi évidente, à prouver limplication du mufti dans le génocide ? Pourquoi magnifier son autorité politique et religieuse, alors que ses appels trouvaient peu déchos ? Lémission diffusée sur Arte sinscrit bien dans le registre de la propagande pro-israélienne visant à imputer aux Palestiniens et au monde arabe une part de responsabilité dans le génocide juif. « La manipulation de lHistoire devient aussi systématique queffrayante, conclut Annie Lacroix-Riz. On imagine quels effets elle risque dentraîner si lenseignement de lhistoire disparaît, projet annoncé en France par sa suppression de fait pour tous les bacheliers scientifiques. »
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http://www.michelcollon.info/index.php?view=article&catid=7&id=2445&option=com_content&Itemid=12
Arte diffusait le film dHeinrich Billstein, La croix gammée et le turban, la tentation nazie du Grand mufti. Le documentaire revient sur les liens quentretenait Amin al-Husseini, le mufti de Jérusalem, avec lAllemagne dHitler. Il s'agit d'un thème souvent instrumentalisé par la propagande pro-israélienne.
L'émission d'Arte était-elle objective?
La sympathie dAmin al-Husseini pour le régime nazi nest pourtant pas un secret. Cest dailleurs un thème fréquent de la propagande pro-israélienne visant à légitimer loccupation des territoires Palestiniens.
« Pas un mot non plus sur la personne qui a nommé al-Husseini au poste de Grand mufti, poursuit Achcar. Et pour cause, cétait Herbert Samuel, le très sioniste Haut Commissaire britannique, un artisan de la déclaration Balfour de 1917 qui donna le feu vert à la colonisation sioniste. » Pourquoi un défenseur de limmigration juive tel que Samuel a-t-il nommé al-Husseini qui était connu pour son opposition farouche à la colonisation sioniste ? Le film ne nous le dit pas. « Il passe sous silence le rôle réel de limpérialisme britannique, qui a tablé sur les divisions Arabes-juifs autant quen Inde sur les divisions entre Hindous et Musulmans » nous a confirmé lhistorienne Annie Lacroix-Riz.
Diviser pour régner. Telle était la stratégie habituelle que les Britanniques appliquèrent en Palestine en conférant à al-Husseini tout son pouvoir politique. Et lidée savéra payante. Dans son ouvrage Les Arabes et la Shoah (3), Gilbert Achcar explique comment le parcours du mufti fut entaché de décisions désastreuses menant le mouvement national palestinien de défaite en défaite.
Aussi, au fil des années, lautorité dal-Husseini trouvera de moins en moins déchos en Palestine dune part, et dans le monde arabe de lautre. « Cest lune des grandes erreurs de lémission dArte : on évoque le mufti comme représentant du mouvement national palestinien et arabe, alors quil nen figure quune faction » remarque Dominique Vidal du Monde Diplomatique. Gilbert Achcar explique ainsi dans son ouvrage comment lappel au Jihad dal-Husseini, alors grand collaborateur de lAllemagne et de lItalie, ne sera pas suivi dans les mondes arabe et musulman : « En mai 1942, à un moment où le Reich pouvait encore apparaître comme vainqueur probable de la guerre, lunité arabe de la Wehrmacht ne comptait que 130 hommes ». Achcar évoque également le cas de ces 250 prisonniers palestiniens servant dans les troupes britanniques et envoyés à Rome pour combattre auprès de Mussolini : dix-huit seulement acceptèrent de servir dans la Légion. Il sagissait pourtant de combattre la Grande-Bretagne, oppresseur colonial de la Palestine. Mais laversion des soldats palestiniens pour lItalie fasciste était encore plus grande.
Lautre grande erreur du film de Billstein porte sur limplication directe du mufti dans le génocide juif. Le documentaire nous dit : « Début 1942, la solution de la question juive en Europe adoptée par les nazis est révélée au mufti par Adolf Eichmann en personne ». Le film raconte également qu'al-Husseini, impressionné, décida denvoyer une délégation au camp de Sachsenhausen. Enfin, lémission conclut sa démonstration de limplication du mufti en citant un passage dune de ses lettres. La missive recommandait de ne pas déporter les Juifs, y compris les enfants, vers la Palestine mais de les envoyer dans des régions comme la Pologne « où ils pourraient être mieux surveillés ». Billstein laisse ainsi sous-entendre que le mufti préconisait lextermination en Pologne, plutôt que la déportation en Palestine. La démonstration est cependant erronée.
Pourquoi dès lors chercher, au prix d'une mauvaise foi évidente, à prouver limplication du mufti dans le génocide ? Pourquoi magnifier son autorité politique et religieuse, alors que ses appels trouvaient peu déchos ? Lémission diffusée sur Arte sinscrit bien dans le registre de la propagande pro-israélienne visant à imputer aux Palestiniens et au monde arabe une part de responsabilité dans le génocide juif. « La manipulation de lHistoire devient aussi systématique queffrayante, conclut Annie Lacroix-Riz. On imagine quels effets elle risque dentraîner si lenseignement de lhistoire disparaît, projet annoncé en France par sa suppression de fait pour tous les bacheliers scientifiques. »
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