LuneSoleil : Amen/Amine. Paroles de sagesse.
Pour mettre mon petit grain de sel à deux balles, on n'est pas obligés de lier le progrès à la religion (attention, je ne suis pas en train de dire que les deux sont incompatibles non plus!). Mais la religion n'est pas forcément nécessaire au progrès à mon avis, et n'en déplaise à certains. Le progrès, c'est essayer de tendre vers un monde où les gens vivent mieux, ont plus de bonheur. Avant même de penser à y contribuer, il faut mettre une définition sur le bonheur, et ça c'est pas évident. Certains l'expliquent d'un point de vue religieux, d'autres d'un point de vue philosophique. Le monde en Occident à l'air de placer, de plus en plus, le bonheur sur une échelle de valeurs quantitative, et non qualitative, et c'est peut-être une grave erreur.
Pour répondre à la question, encore une fois de mon point de vue, le processus de progrès dans les pays arabo-musulmans ne pourra être enclenché qu'après un gros changement de mentalités, avec des points critiques déjà soulevés : manque de solidarité, crucifixion de l'individu sur l'autel du communautarisme, peu d'esprit d'initiative, d'entrepreunariat.
Une des valeurs auxquelles je suis très attaché, au risque d'en choquer, c'est l'individualisme. Avant de sortir les pierres, laissez-moi en donner ma vision, car je la pense assez éloignée de la définition qu'on nous présente assez souvent.
Tout d'abord, l'individualisme et le communautarisme sont tous deux un prisme qui régit, et à travers lequel, on décide de se percevoir soi-même et le monde qui nous entoure.
Choisir de vivre selon un mode de pensée individualiste rejoint un peu la pensée du courant existentialiste : je suis un être humain, avec des droits et des devoirs, une morale qui m'est propre, des besoins qui me sont propres. A partir de ce moment, l'individu devient responsable de lui-même et de l'impact de ses actes sur la société. On ne peut plus blâmer le destin, son passé, son histoire, ses parents, son voisin ou les jnouns. Ce n'est plus "mcha 3liya ltoubiss", ca devient : je suis arrivé en retard pour prendre le bus. Et ça, ce mode de pensée, qui se traduit même dans la logorrhée et la façon d'articuler ses phrases, change tout.
Mieux encore : un homme responsable de lui-même en tant qu'individu est plus à-même de commencer à réellement réfléchir sur son but dans l'existence. Il n'y a plus d'excuse ou de prétexte possible, l'individu devient responsable du rôle qu'il jouera et de la place qu'il trouvera dans le monde.
C'est avec une juxtaposition d'individus qui se pensent et se réfléchissent, approximativement en ces termes, en se posant ces questions ou quelque chose qui s'en rapproche une fois dans sa vie, qu'on crée une vraie communauté à mon avis. Avec des gens mobilisés qui ne perdent pas leur temps à scruter le mode de vie du voisin, mais qui s'intéressent (d'aucuns appelleraient cela de l'égoïsme, moi j'appelle ça un working-class hero) à ce qu'ils peuvent apporter eux, en tant que personne, à eux-même et à leur société. Là, on rentre dans la notion de travail et la définition qu'on veut bien lui donner.
Bref, le monde arabo-musulman a besoin de définir sa notion de bonheur, et de travail, avant de penser à un quelconque progrès. Pour l'instant, c'est un peu le fouillis : on a des gens modérés qui travaillent et qui sont croyants ; d'autres qui ont trouvé leur bonheur dans la religion en excluant l'importance d'apporter aussi à la société ; d'autres qui ne travaillent que pour l'argent et les signes extérieurs de richesse.
Il y a encore tellement à dire : la séparation du public et du privé, que ce soit en affaires de religion, de mode de vie ou de business est aussi primordiale. Dans le monde actuel, les innovations majeures viennent du secteur privé, c'est aussi (logiquement) dans le secteur privé qu'on a le plus de chances de bien gagner sa vie. Ce modèle n'est pas vraiment à l'ordre du jour dans la majorité des pays arabo-musulmans, et de là découlent les freins au progrès cités plus haut : peu de volonté d'entreprendre et peu d'initiative, etc...