La discrimination pour grande pauvreté bientôt punie par la loi?
Créé le 17/10/2013 à 07h59 --
ATD Quart-Monde plaide pour que cette discrimination soit inscrite dans le code pénal. Une façon de reconnaître le problème...
«Deux ans après mon entretien, j’attends toujours une réponse». Fernando Da Silva est encore agacé quand il raconte comment un employeur a changé d’attitude au cours d’un entretien, lorsqu’il a appris qu’il habitait à Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis). «Il a commencé à détailler tous les quartiers de ma ville dans lesquels il y avait eu des émeutes, m’a demandé si je les fréquentais.» «J’ai esquivé, mais rien n’y a fait», poursuit cet ancien Parisien de 60 ans qui assure que «cela ne lui était jamais arrivé quand il habitait dans la capitale».
C’est pour lutter contre ce type de situations que le mouvement ATD Quart-Monde préconise, entre autres, l’inscription dans le code pénal de la discrimination pour «précarité sociale». «Nous interpellons l’ensemble de la société française, et nous demandons à la République de reconnaître cette discrimination», explique Pierre-Yves Madignier, président du mouvement. L’association va remettre ce jeudi un livre blanc au président de l’Assemblée nationale Claude Bartolone et au Défenseur des droits Dominique Baudis, à l’occasion de la journée mondiale du refus de la misère.
Inscrire «symboliquement dans la loi»
«Il n’y aura sans doute pas de procès en pagaille, et ce n’est d’ailleurs pas le but», explique Gwénaële Calves, professeur de droit public à l’université de Cergy-Pontoise, qui a participé à la rédaction du livre blanc. L’idée est plutôt d’inscrire «symboliquement dans la loi qu’il est indigne de discriminer quelqu’un parce qu’il est très pauvre».
«On nous met tout de suite une étiquette», se plaint Chantal Proudeau, une habitante de Trappes, dans les Yvelines. Mais «ce n’est pas parce qu’on habite des quartiers soi-disant défavorisés qu’on est plus méchants que les autres». Cette femme de 57 ans, qui ne travaille plus aujourd’hui à cause de soucis de santé, raconte qu’avant, elle «gardait beaucoup d’enfants à domicile, chez les particuliers». Seulement, souvent, «quand j’appelais, et que je prononçais "Trappes", on me raccrochait au nez».
Testings scientifiques
L’ajout dans le code pénal de la précarité comme motif de discrimination «ne pose pas de problème» sur le plan juridique, assure Gwénaële Calves. La difficulté sera plutôt «de déterminer que c’est parce qu’elle est pauvre que la personne a été discriminée, comme il est difficile, par exemple, de prouver que c’est parce qu’elle est enceinte qu’une femme a été licenciée».
Pour mettre en évidence cette discrimination, ATD a mis en place des «testings» scientifiques. L’expérience a consisté à envoyer des CV dont la moitié comportait une période d’emploi révolue dans une entreprise d’insertion et une domiciliation en centre d’hébergement social, puis à comparer le taux de réponses. Et selon l’étude, la discrimination est «statistiquement prouvée» dans le cas de CV envoyés en candidature spontanée dans la grande distribution, qui favorise les candidats «lambda».
>> TÉMOIGNAGES - Estimez-vous déjà avoir été discriminé en raison de votre situation financière? Vous habitez une ville «défavorisée» ou qui a mauvaise réputation, qui rend les employeurs réticents? Votre CV témoigne de périodes de grande précarité? Avez-vous l'impression que cela nuit à votre recherche d'emploi?
Racontez-nous votre situation en nous écrivant à reporter-mobile@20minutes.fr
20 mn
mam
Créé le 17/10/2013 à 07h59 --
ATD Quart-Monde plaide pour que cette discrimination soit inscrite dans le code pénal. Une façon de reconnaître le problème...
«Deux ans après mon entretien, j’attends toujours une réponse». Fernando Da Silva est encore agacé quand il raconte comment un employeur a changé d’attitude au cours d’un entretien, lorsqu’il a appris qu’il habitait à Noisy-le-Grand (Seine-Saint-Denis). «Il a commencé à détailler tous les quartiers de ma ville dans lesquels il y avait eu des émeutes, m’a demandé si je les fréquentais.» «J’ai esquivé, mais rien n’y a fait», poursuit cet ancien Parisien de 60 ans qui assure que «cela ne lui était jamais arrivé quand il habitait dans la capitale».
C’est pour lutter contre ce type de situations que le mouvement ATD Quart-Monde préconise, entre autres, l’inscription dans le code pénal de la discrimination pour «précarité sociale». «Nous interpellons l’ensemble de la société française, et nous demandons à la République de reconnaître cette discrimination», explique Pierre-Yves Madignier, président du mouvement. L’association va remettre ce jeudi un livre blanc au président de l’Assemblée nationale Claude Bartolone et au Défenseur des droits Dominique Baudis, à l’occasion de la journée mondiale du refus de la misère.
Inscrire «symboliquement dans la loi»
«Il n’y aura sans doute pas de procès en pagaille, et ce n’est d’ailleurs pas le but», explique Gwénaële Calves, professeur de droit public à l’université de Cergy-Pontoise, qui a participé à la rédaction du livre blanc. L’idée est plutôt d’inscrire «symboliquement dans la loi qu’il est indigne de discriminer quelqu’un parce qu’il est très pauvre».
«On nous met tout de suite une étiquette», se plaint Chantal Proudeau, une habitante de Trappes, dans les Yvelines. Mais «ce n’est pas parce qu’on habite des quartiers soi-disant défavorisés qu’on est plus méchants que les autres». Cette femme de 57 ans, qui ne travaille plus aujourd’hui à cause de soucis de santé, raconte qu’avant, elle «gardait beaucoup d’enfants à domicile, chez les particuliers». Seulement, souvent, «quand j’appelais, et que je prononçais "Trappes", on me raccrochait au nez».
Testings scientifiques
L’ajout dans le code pénal de la précarité comme motif de discrimination «ne pose pas de problème» sur le plan juridique, assure Gwénaële Calves. La difficulté sera plutôt «de déterminer que c’est parce qu’elle est pauvre que la personne a été discriminée, comme il est difficile, par exemple, de prouver que c’est parce qu’elle est enceinte qu’une femme a été licenciée».
Pour mettre en évidence cette discrimination, ATD a mis en place des «testings» scientifiques. L’expérience a consisté à envoyer des CV dont la moitié comportait une période d’emploi révolue dans une entreprise d’insertion et une domiciliation en centre d’hébergement social, puis à comparer le taux de réponses. Et selon l’étude, la discrimination est «statistiquement prouvée» dans le cas de CV envoyés en candidature spontanée dans la grande distribution, qui favorise les candidats «lambda».
>> TÉMOIGNAGES - Estimez-vous déjà avoir été discriminé en raison de votre situation financière? Vous habitez une ville «défavorisée» ou qui a mauvaise réputation, qui rend les employeurs réticents? Votre CV témoigne de périodes de grande précarité? Avez-vous l'impression que cela nuit à votre recherche d'emploi?
Racontez-nous votre situation en nous écrivant à reporter-mobile@20minutes.fr
20 mn
mam