Adoptée jeudi 19 février au Sénat, la convention fiscale avec le Qatar ne manquera pas de contribuer au renforcement des liens entre l'émirat et la République française. Rares sont les textes internationaux soumis avec une telle diligence à la ratification du Parlement. Mais Nicolas Sarkozy ne se cache pas de vouloir se rapprocher du Qatar. Le président de la République s'y est rendu à deux reprises en 2008. C'est lors du déplacement à Doha, le 14 janvier 2008, qu'a été signé cet avenant destiné à "améliorer l'attractivité de la France pour les investisseurs qataris, notamment dans le secteur immobilier". L'Assemblée nationale l'a approuvé en première lecture neuf mois plus tard.
Parmi les dispositions, une en particulier déroge au modèle établi par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et aux conventions signées par la France dans cette région. Elle exonère d'impôt les plus-values immobilières et les gains en capital réalisés par le Qatar ou ses "entités publiques" - y compris, donc, la famille de l'émir - sur des biens détenus en France. Seul le Koweït bénéficie d'une clause similaire. Un autre article de la convention étend la période d'exclusion de l'impôt sur la fortune des biens situés hors de France pour les citoyens du Qatar résidant en France.
Pourquoi cette faveur, au bénéfice exclusif de quelques très hauts dignitaires et de la famille de l'émir du Qatar ? Les négociations ont été engagées, rappelle le rapporteur du Sénat, Adrien Gouteyron (UMP), "en raison des projets respectifs d'investissement en France et au Qatar".
L'émirat, qui détient la troisième réserve de gaz de la planète et connaît une croissance économique de l'ordre de 14 %, dispose de considérables excédents financiers. C'est pour la France un enjeu stratégique sur le plan économique : Total, EADS, Technip, Air liquide, Vinci Constructions, Suez, Areva ont signé ces dernières années des accords ou sont engagés dans des projets majeurs. La France est le premier fournisseur du Qatar en matière d'armement.
LA RANÇON DE LA RANÇON
A l'inverse, plusieurs opérations immobilières d'envergure ont été menées récemment par les investisseurs qataris. A commencer par l'émir Hamad Ben Khalifa Al-Thani, qui a acquis l'hôtel d'Evreux, une des plus belles propriétés de la place Vendôme, à Paris. En juillet 2007, son frère a racheté au baron Guy de Rothschild, pour 80 millions d'euros, l'hôtel Lambert, sur l'île Saint-Louis, au coeur de la capitale. Enfin, le centre de conférences internationales de l'avenue Kléber a été racheté, pour 460 millions d'euros, par un fonds d'investissement qatari afin d'être transformé en hôtel grand luxe.
Cette "immunité fiscale" a aussi à voir avec les liens privilégiés que M. Sarkozy a établis dans la région avec le Qatar. La rapporteur de l'Assemblée nationale, Marie-Louise Fort (UMP), rappelle que ce dernier "a joué un rôle discret, mais sans doute décisif, dans les négociations qui ont conduit à la libération des infirmières bulgares emprisonnées en Libye". En clair, le Qatar a mis la main à la poche. Ce régime de faveur est en quelque sorte la rançon de la rançon.
Patrick Roger
http://www.lemonde.fr/proche-orient...irs-du-qatar_1158582_3218.html#ens_id=1158666
Parmi les dispositions, une en particulier déroge au modèle établi par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et aux conventions signées par la France dans cette région. Elle exonère d'impôt les plus-values immobilières et les gains en capital réalisés par le Qatar ou ses "entités publiques" - y compris, donc, la famille de l'émir - sur des biens détenus en France. Seul le Koweït bénéficie d'une clause similaire. Un autre article de la convention étend la période d'exclusion de l'impôt sur la fortune des biens situés hors de France pour les citoyens du Qatar résidant en France.
Pourquoi cette faveur, au bénéfice exclusif de quelques très hauts dignitaires et de la famille de l'émir du Qatar ? Les négociations ont été engagées, rappelle le rapporteur du Sénat, Adrien Gouteyron (UMP), "en raison des projets respectifs d'investissement en France et au Qatar".
L'émirat, qui détient la troisième réserve de gaz de la planète et connaît une croissance économique de l'ordre de 14 %, dispose de considérables excédents financiers. C'est pour la France un enjeu stratégique sur le plan économique : Total, EADS, Technip, Air liquide, Vinci Constructions, Suez, Areva ont signé ces dernières années des accords ou sont engagés dans des projets majeurs. La France est le premier fournisseur du Qatar en matière d'armement.
LA RANÇON DE LA RANÇON
A l'inverse, plusieurs opérations immobilières d'envergure ont été menées récemment par les investisseurs qataris. A commencer par l'émir Hamad Ben Khalifa Al-Thani, qui a acquis l'hôtel d'Evreux, une des plus belles propriétés de la place Vendôme, à Paris. En juillet 2007, son frère a racheté au baron Guy de Rothschild, pour 80 millions d'euros, l'hôtel Lambert, sur l'île Saint-Louis, au coeur de la capitale. Enfin, le centre de conférences internationales de l'avenue Kléber a été racheté, pour 460 millions d'euros, par un fonds d'investissement qatari afin d'être transformé en hôtel grand luxe.
Cette "immunité fiscale" a aussi à voir avec les liens privilégiés que M. Sarkozy a établis dans la région avec le Qatar. La rapporteur de l'Assemblée nationale, Marie-Louise Fort (UMP), rappelle que ce dernier "a joué un rôle discret, mais sans doute décisif, dans les négociations qui ont conduit à la libération des infirmières bulgares emprisonnées en Libye". En clair, le Qatar a mis la main à la poche. Ce régime de faveur est en quelque sorte la rançon de la rançon.
Patrick Roger
http://www.lemonde.fr/proche-orient...irs-du-qatar_1158582_3218.html#ens_id=1158666