La Légion d'honneur à un défenseur infatigable des travailleurs immigrés

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Abdellah Samate, président de l'Association des mineurs marocains du Nord - Pas-de-Calais, a reçu hier, chez lui à Aniche, la médaille de la Légion d'honneur. La récompense de quarante années d'engagement et de combat contre les discriminations envers les travailleurs immigrés.

PAR ANNE-LISE TENEUL
douai@lavoixdunord.fr

Une ruche dynamique, familiale, chaleureuse. Bienvenue au local de la rue Casimir-Beugnet, à Dechy, siège de l'association régionale des mineurs marocains (AMMN). Il y a toujours un téléphone qui sonne quelque part. Et un plateau garni de tasses à café prêtes à être servies aux visiteurs. Sur les étagères, des piles de dossiers, des ouvrages juridiques. Abdellah Samate, toujours en mouvement, passe d'une pièce à une autre. Voix posée, sourire généreux.

Le président de l'AMMN, figure régionale de la lutte contre les discriminations, a parcouru un sacré chemin depuis son arrivée dans l'Hexagone.
C'était en 1963. Abdellah Samate avait 18 ans et ne parlait pas un mot de français. « J'avais été recruté par un agent des Houillères dans mon village, au Maroc. Quand j'ai découvert les baraquements, à Montigny, le climat du Nord, le travail à la mine, ça a été dur. J'ai eu des moments de découragement. » Le jeune mineur s'est accroché à la fierté d'être devenu le soutien de sa famille restée au pays, à Taroudant. À la fierté d'être « un jeune homme sérieux et de bien travailler. Les chefs étaient contents de moi ».

Quatre ans plus tard, en 1967, sa vie bascule. Le jeune mineur a la jambe broyée dans un accident du travail. Il est hospitalisé, opéré. « Puis j'ai commencé à constater que plus rien n'était comme avant. » Le bon travailleur venu du Maroc devient l'immigré handicapé qui dérange. Malgré sa blessure, on le renvoie au fond de la mine. Il en souffre. Et il décide de contester. Malgré son maigre vocabulaire, malgré son ignorance du droit du travail, il tient tête à sa direction. « Ils ont fait pression sur moi pour que je reparte au Maroc. J'ai tenu bon. J'ai été voir la CGT.

» Une opportunité inespérée le sauve : il intègre le comité d'entreprise, on ne peut plus le renvoyer. « Et là, je commence à apprendre des choses. C'est quoi un syndicat. C'est quoi défendre les autres. J'ai mis du temps à apprendre. Je ne connaissais rien de tout cela. » Au fil des réunions, il se familiarise avec les problématiques liées au monde de la mine. Et il ouvre les yeux sur les discriminations exercées envers les travailleurs immigrés. Sur le racisme « qui existe même chez les chefs, et qui m'a tant choqué ».

Dès lors, il ne cessera de se battre. Grèves, manifestations, participation à des colloques, à des documentaires... Sans oublier l'engagement de terrain quotidien au sein de l'AMMN, fondée en 1989. Problèmes de santé et d'invalidité, liquidation des retraites, difficultés liées à la conversion... Les salariés et bénévoles de l'association traitent chaque année près de 2 000 dossiers. Pour des centaines de familles d'anciens mineurs, l'AMMN est la planche de salut. « S'il n'y avait pas cette petite association de bazar qui déclenche des actions, qui dénonce... On est petits, mais on est efficaces !

» Sa Légion d'honneur, Abdellah Samate l'accueille comme une merveilleuse reconnaissance faite « à un petit immigré qu'on est allé chercher pour battre le charbon au fond de la mine. Cette Légion d'honneur-là, elle est un peu particulière : elle est attribuée à un petit bonhomme, je dis ça au sens intellectuel, je suis un petit bonhomme qui n'a pas été à l'école. Ceux qui ont pensé que je la méritais ont compris que je défends des choses qui vont dans le sens des valeurs de la République française. La liberté, l'égalité, la fraternité. Pour moi, c'est ça la France ! » •

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