Chahyine
Proud to be a ZMAG
PAR Denis Sieffert
jeudi 8 janvier 2009
Selon lusage que lon en fait, la tradition des vux peut être routinière ou hypocrite. Par les temps qui courent, les nôtres seront cette année plus encore que dhabitude des vux de mobilisation des énergies et de combat. Car même sil y a dans nos vies, Dieu merci, des aspects personnels, nous avons en commun, nous autres, lecteurs ou journalistes de Politis, dêtre des « animaux politiques », au sens dAristote. On peut le dire aussi plus drôlement, à la manière de Coluche : « Chaque fois quun avion sécrase quelque part dans le monde, cest sur nos pompes. » Non seulement nous ne savons pas nous murer dans lindifférence, mais nous ne le voulons pas. Nous revendiquons dêtre des citoyens actifs, face à la crise sociale, comme dans les guerres et les conflits. Et nous ne souffrons jamais plus que lorsque nous avons le sentiment de limpuissance. Cest ce sentiment que nous éprouvons, bien sûr, depuis dix jours que sabat un déluge de feu sur Gaza. Notre conscience est tout autant révulsée par lincroyable conditionnement des esprits que par la violence inouïe de lopération militaire israélienne. Le discours de lhomme de la rue en Israël, que nos médias relaient abondamment, qui soutient « à cent pour cent » (« à mille pour cent », disent certains) son armée commettant les pires atrocités dans létroit territoire palestinien, choque par son uniformité. De toutes les bouches tombent exactement les mêmes mots, les mêmes formules. « On na pas le choix » ; « On ne fait que se défendre. » Comme si une nation entière avait appris la leçon sous la dictée dun chargé de communication diabolique.
Ainsi, tout Israël semble ignorer que ce nest pas le Hamas qui a rompu la trêve conclue le 19 juin, mais un raid meurtrier de laviation israélienne, le 4 novembre. Plus grave encore, tout Israël ou presque semble tenir pour négligeable cette violence initiale : le blocus. Cette sanction économique injustifiable imposée aux habitants de Gaza depuis que le Hamas a pris le contrôle de létroit territoire, en juin 2007. La conscience majoritaire dans ce pays ne veut toujours pas connaître la violence coloniale, celle du blocus à Gaza, comme celle du mur et des expropriations, en Cisjordanie. Ou, tout simplement, celle du refus de la souveraineté nationale. Et, une fois de plus, cest par la violence extrême quIsraël évite de regarder la réalité coloniale en face. Sans les raids du mois de novembre, il aurait fallu commencer à se poser le problème du desserrement du blocus. Cest dailleurs manifestement ce que les dirigeants du Hamas attendaient en retour. Et cest la raison pour laquelle ils avaient, fin juin 2008, imposé par la force le respect de cette trêve aux factions irrédentistes. Mais cette logique conduisait Israël à transgresser linterdit de létiquette « terroriste ». Elle conduisait à faire « de la politique » avec le Hamas. Tous les faits et tous les événements qui pouvaient aller dans cette direction ont donc été comme effacés de la mémoire collective.
Sur le fond, ce pays est plus à laise dans le conflit que dans la négociation avec les représentants dun peuple dont il a longtemps nié lexistence. La froide indifférence avec laquelle son armée peut en ce moment même massacrer toute une population montre que ce déni dhumanité nest toujours pas surmonté. Les raisons profondes du massacre de Gaza sont là : dans ce rapport colonial. Israël mène aujourdhui sa « bataille dAlger ». Sy ajoutent des considérations de calendrier. Le leader travailliste (on croit cauchemarder en employant ce mot), Ehud Barak, ministre de la Défense, et la présidente de Kadima, Tzipi Livni, refont dans le sang leur retard sur la droite de Benyamin Netanyahou. Cela en vue des élections anticipées du 10 février. Et puis il y a le mystère Obama. Israël nest pas trop sûr du futur président américain, qui doit prendre ses fonctions le 20 janvier. Du côté de lUnion européenne, en revanche, rien à craindre. La « mission » de Nicolas Sarkozy dans la région, même vaine, aurait pu être au moins naïve et sympathique, si elle navait pas suivi de trois semaines un geste politique de soutien inconditionnel à lÉtat hébreu. En rehaussant le niveau de partenariat commercial avec Israël, lEurope sest en effet privée de tout moyen daction. De ce côté-là aussi le calendrier était donc favorable. Tout cela a donc peu à voir avec les roquettes du Hamas. Lécho planétaire de lune des plus scandaleuses injustices de notre époque peut continuer de faire ses ravages. Principalement dans le monde arabo-musulman, qui ne peut pas ne pas avoir le sentiment dêtre méprisé. Un écho que ni la censure israélienne ni la désinformation dans les grands médias ne parviennent à étouffer. Ce qui nous ramène à nos vux. Ceux que nous formons pour nous-mêmes, pour Politis et pour ceux qui dans ce métier veulent faire entendre dautres voix. Nous en sommes réduits aujourdhui à crier notre indignation, à appeler à manifester, samedi prochain notamment [1] ; et, horriblement, à scruter les images qui pourraient enfin réveiller les consciences. Cest en cela que le massacre de Gaza nous avilit tous.
http://www.politis.fr/La-verite-coloniale-en-face,5288.html
jeudi 8 janvier 2009
Selon lusage que lon en fait, la tradition des vux peut être routinière ou hypocrite. Par les temps qui courent, les nôtres seront cette année plus encore que dhabitude des vux de mobilisation des énergies et de combat. Car même sil y a dans nos vies, Dieu merci, des aspects personnels, nous avons en commun, nous autres, lecteurs ou journalistes de Politis, dêtre des « animaux politiques », au sens dAristote. On peut le dire aussi plus drôlement, à la manière de Coluche : « Chaque fois quun avion sécrase quelque part dans le monde, cest sur nos pompes. » Non seulement nous ne savons pas nous murer dans lindifférence, mais nous ne le voulons pas. Nous revendiquons dêtre des citoyens actifs, face à la crise sociale, comme dans les guerres et les conflits. Et nous ne souffrons jamais plus que lorsque nous avons le sentiment de limpuissance. Cest ce sentiment que nous éprouvons, bien sûr, depuis dix jours que sabat un déluge de feu sur Gaza. Notre conscience est tout autant révulsée par lincroyable conditionnement des esprits que par la violence inouïe de lopération militaire israélienne. Le discours de lhomme de la rue en Israël, que nos médias relaient abondamment, qui soutient « à cent pour cent » (« à mille pour cent », disent certains) son armée commettant les pires atrocités dans létroit territoire palestinien, choque par son uniformité. De toutes les bouches tombent exactement les mêmes mots, les mêmes formules. « On na pas le choix » ; « On ne fait que se défendre. » Comme si une nation entière avait appris la leçon sous la dictée dun chargé de communication diabolique.
Ainsi, tout Israël semble ignorer que ce nest pas le Hamas qui a rompu la trêve conclue le 19 juin, mais un raid meurtrier de laviation israélienne, le 4 novembre. Plus grave encore, tout Israël ou presque semble tenir pour négligeable cette violence initiale : le blocus. Cette sanction économique injustifiable imposée aux habitants de Gaza depuis que le Hamas a pris le contrôle de létroit territoire, en juin 2007. La conscience majoritaire dans ce pays ne veut toujours pas connaître la violence coloniale, celle du blocus à Gaza, comme celle du mur et des expropriations, en Cisjordanie. Ou, tout simplement, celle du refus de la souveraineté nationale. Et, une fois de plus, cest par la violence extrême quIsraël évite de regarder la réalité coloniale en face. Sans les raids du mois de novembre, il aurait fallu commencer à se poser le problème du desserrement du blocus. Cest dailleurs manifestement ce que les dirigeants du Hamas attendaient en retour. Et cest la raison pour laquelle ils avaient, fin juin 2008, imposé par la force le respect de cette trêve aux factions irrédentistes. Mais cette logique conduisait Israël à transgresser linterdit de létiquette « terroriste ». Elle conduisait à faire « de la politique » avec le Hamas. Tous les faits et tous les événements qui pouvaient aller dans cette direction ont donc été comme effacés de la mémoire collective.
Sur le fond, ce pays est plus à laise dans le conflit que dans la négociation avec les représentants dun peuple dont il a longtemps nié lexistence. La froide indifférence avec laquelle son armée peut en ce moment même massacrer toute une population montre que ce déni dhumanité nest toujours pas surmonté. Les raisons profondes du massacre de Gaza sont là : dans ce rapport colonial. Israël mène aujourdhui sa « bataille dAlger ». Sy ajoutent des considérations de calendrier. Le leader travailliste (on croit cauchemarder en employant ce mot), Ehud Barak, ministre de la Défense, et la présidente de Kadima, Tzipi Livni, refont dans le sang leur retard sur la droite de Benyamin Netanyahou. Cela en vue des élections anticipées du 10 février. Et puis il y a le mystère Obama. Israël nest pas trop sûr du futur président américain, qui doit prendre ses fonctions le 20 janvier. Du côté de lUnion européenne, en revanche, rien à craindre. La « mission » de Nicolas Sarkozy dans la région, même vaine, aurait pu être au moins naïve et sympathique, si elle navait pas suivi de trois semaines un geste politique de soutien inconditionnel à lÉtat hébreu. En rehaussant le niveau de partenariat commercial avec Israël, lEurope sest en effet privée de tout moyen daction. De ce côté-là aussi le calendrier était donc favorable. Tout cela a donc peu à voir avec les roquettes du Hamas. Lécho planétaire de lune des plus scandaleuses injustices de notre époque peut continuer de faire ses ravages. Principalement dans le monde arabo-musulman, qui ne peut pas ne pas avoir le sentiment dêtre méprisé. Un écho que ni la censure israélienne ni la désinformation dans les grands médias ne parviennent à étouffer. Ce qui nous ramène à nos vux. Ceux que nous formons pour nous-mêmes, pour Politis et pour ceux qui dans ce métier veulent faire entendre dautres voix. Nous en sommes réduits aujourdhui à crier notre indignation, à appeler à manifester, samedi prochain notamment [1] ; et, horriblement, à scruter les images qui pourraient enfin réveiller les consciences. Cest en cela que le massacre de Gaza nous avilit tous.
http://www.politis.fr/La-verite-coloniale-en-face,5288.html