Kirsha est l'un des personnages principaux de Passage des miracles, un roman de Naguib Mahfouz (1911-2006) publié en arabe à la fin des années 1940. Kirsha est bisexuel et propriétaire d'un café célèbre, situé non loin de la place Tahrir, devenue fameuse à son tour, grâce aux "tombeurs" du président Moubarak. S'il existait, s'il s'était glissé d'un siècle dans l'autre, Kirsha irait-il lui aussi manifester place Tahrir, le 1er janvier 2012, répondant à l'appel, lancé sur le Net, de tous ceux qui veulent haut et fort "réclamer les droits des homosexuels" en Egypte ?
L'oserait-il, en ces temps rigoristes, marqués par la montée des forces politiques islamistes et la violence des salafistes ? Sans doute pas. Pas plus que ne le ferait Hatem, le journaliste homosexuel de L'Immeuble Yacoubian, le best-seller d'Alaa El Aswany ; ou que le capitaine Ni'mat, héros déchu de l'ultime roman du Marocain Mohamed Leftah (1946-2008), qui se passe aussi au Caire : ni le cafetier de Mahfouz, ni l'intellectuel d'El Aswany, ni le militaire de Leftah n'auraient l'idée de réclamer quoi que ce soit à leurs compatriotes. Sinon, peut-être, qu'on les épargne.
Martial, marié et moustachu, le capitaine Ni'mat, réserviste de l'armée égyptienne, tombe un beau jour, à la suite d'un rêve érotique, éperdument amoureux de son jeune domestique nubien. Le Dernier Combat du captain Ni'mat raconte l'éveil de l'officier à la sexualité entre hommes. Ce livre raconte surtout, insiste le romancier Abdellah Taïa dans l'hebdomadaire francophone Tel Quel, publié à Casablanca, comment un homme découvre, à 60 ans, qu'il n'a "jamais pensé à ses fesses".
Les mains du jeune Nubien vont "enfin réveiller" les belles endormies. Leftah décrit "merveilleusement la révolution individuelle qui balaye l'existence du captain Ni'mat à partir de cette partie de son corps", s'enthousiasme Taïa. Le militaire homo de Mohamed Leftah aurait pu être "un Marocain, un Irakien, un Algérien", ajoute-t-il. Dans la vraie vie, pourquoi pas ? "La pratique de l'homosexualité dans le monde arabe est connue de tous", constate Colette Lambrichs, patronne des éditions de La Différence (Paris), qui ont publié l'oeuvre de Leftah. Pratique connue, "mais rarement dite", complète l'éditrice. Moralité : faire d'un(e) homosexuel(le)le personnage principal d'un roman, écrit et publié en langue arabe, dans son pays (arabe) natal, demeure exceptionnel. Même si, comme le remarque Rana Idriss, directrice générale de la prestigieuse maison d'édition libanaise Dar Al-Adab (Beyrouth), "les choses sont en train de changer".
http://www.lemonde.fr/livres/articl...etouffee-de-l-homo-oriental_1614676_3260.html
L'oserait-il, en ces temps rigoristes, marqués par la montée des forces politiques islamistes et la violence des salafistes ? Sans doute pas. Pas plus que ne le ferait Hatem, le journaliste homosexuel de L'Immeuble Yacoubian, le best-seller d'Alaa El Aswany ; ou que le capitaine Ni'mat, héros déchu de l'ultime roman du Marocain Mohamed Leftah (1946-2008), qui se passe aussi au Caire : ni le cafetier de Mahfouz, ni l'intellectuel d'El Aswany, ni le militaire de Leftah n'auraient l'idée de réclamer quoi que ce soit à leurs compatriotes. Sinon, peut-être, qu'on les épargne.
Martial, marié et moustachu, le capitaine Ni'mat, réserviste de l'armée égyptienne, tombe un beau jour, à la suite d'un rêve érotique, éperdument amoureux de son jeune domestique nubien. Le Dernier Combat du captain Ni'mat raconte l'éveil de l'officier à la sexualité entre hommes. Ce livre raconte surtout, insiste le romancier Abdellah Taïa dans l'hebdomadaire francophone Tel Quel, publié à Casablanca, comment un homme découvre, à 60 ans, qu'il n'a "jamais pensé à ses fesses".
Les mains du jeune Nubien vont "enfin réveiller" les belles endormies. Leftah décrit "merveilleusement la révolution individuelle qui balaye l'existence du captain Ni'mat à partir de cette partie de son corps", s'enthousiasme Taïa. Le militaire homo de Mohamed Leftah aurait pu être "un Marocain, un Irakien, un Algérien", ajoute-t-il. Dans la vraie vie, pourquoi pas ? "La pratique de l'homosexualité dans le monde arabe est connue de tous", constate Colette Lambrichs, patronne des éditions de La Différence (Paris), qui ont publié l'oeuvre de Leftah. Pratique connue, "mais rarement dite", complète l'éditrice. Moralité : faire d'un(e) homosexuel(le)le personnage principal d'un roman, écrit et publié en langue arabe, dans son pays (arabe) natal, demeure exceptionnel. Même si, comme le remarque Rana Idriss, directrice générale de la prestigieuse maison d'édition libanaise Dar Al-Adab (Beyrouth), "les choses sont en train de changer".
http://www.lemonde.fr/livres/articl...etouffee-de-l-homo-oriental_1614676_3260.html