La Younarmia russe, équivalent des jeunesses hitlériennes: un nouveau pas vers la fascisation de la russie


Ksenia Bolchakova, journaliste russe basée en France, et Veronika Dorman, ancienne correspondante à Moscou, ont mené une enquête exceptionnelle au cœur de la Russie. Elles y ont notamment rencontré Olga Zakhran, éducatrice chez Younarmia, l’armée des jeunes. Russie, un peuple qui marche au pas, un documentaire à ne pas manquer ce jeudi soir à 22h20 dans Doc Shot sur La Une et en replay sur Auvio.

Ils portent des uniformes militaires, s’entraînent au lancer de couteau et apprennent à utiliser une arme à feu, mais certains enfants sur ces images édifiantes n'ont que six ans. Ils font partie du mouvement de jeunesse patriotique Younarmia, traduisez l’armée des jeunes. Créée en 2016 sous l’égide du ministère russe de la Défense, l’organisation compte dans un premier temps 25 000 membres âgés de 6 à 18 ans. Aujourd’hui, elle en revendique plus d’un million, répartis dans une dizaine d’antennes sur le territoire russe.

Olga Zakhran
est éducatrice chez Younarmia et dirige l’antenne de Sotchi. Née au début des années 70 dans la région de Lougansk en République socialiste soviétique d’Ukraine, elle s’installe en Russie après l’effondrement de l’URSS en 1991. Elle y fait d’abord carrière comme juriste, avant de prendre une toute autre direction…

En 2014, lorsque la guerre éclate dans le Donbass, Olga prend les armes et s’engage aux côtés des forces séparatistes pro-russes. Pendant deux ans, elle livre principalement de l’aide humanitaire pour le front, ce qui lui vaudra une pluie de médailles. En 2016, la situation se stabilise et Olga rejoint Younarmia, où elle prépare les enfants "à affronter les heures sombres qui arrivent".


Le 2 novembre, lors d’une assemblée au quartier général de l’organisation du mouvement “Younarmia”, Andrei Kartapolov, vice-ministre de la défense russe a annoncé que “des divisions de Younarmia [allaient] être créés dans toutes les écoles du pays en 2019”.

Le mouvement Younarmia (contraction de “Younij” – jeune – et “Armia” – armée), créé à l’initiative du ministère de la Défense russe en 2016, est un mouvement “militaro-patriotique”, recrutant des jeunes à partir de 8 ans. L’éducation physique, l’entraînement militaire, la participation à des événements mémoriels, le développement parmi les jeunes de principes “conformes au système de valeur propre à la société russe” et la préparation au service militaire mais aussi le recrutement de spécialistes utiles à l’armée font partie de ses principaux objectifs.

Si des mouvements similaires existaient en Russie de façon éparse, Younarmia a été développée de façon extrêmement volontariste par le ministère de la Défense, avec désormais l’intention affichée d’en faire le fer de lance des politiques du ministère destinées à la jeunesse. Ainsi, après seulement deux ans d’existence, le mouvement compterait aujourd’hui d’après les sources russes 270 000 membres.

Le développement de Younarmia s’inscrit dans une politique plus large d’accroissement de la présence du monde de la défense russe dans la société civile : Andreï Kartapolov a été récemment nommé à la tête de la GVPU (direction politico-militaire des forces armées russes), organe créé à l’été 2018 pour accroître le prestige de l’armée au sein de la population mais surtout pour développer une véritable formation politique et idéologique des militaires, des citoyens et de la jeunesse russe dépassant le seul cadre du service militaire. Une partie de la presse russe ainsi que Kartapolov lui-même ont souligné une forme de filiation entre les attributions de la GVPU et les institutions de formation et de surveillance politique ayant existé sous l’Union Soviétique au sein des forces armées, bien qu’en des termes différents.

Pour ce qui est de la communication autour de ces politiques, une forme de retour affiché à la tradition semble émerger et se retrouve également dans la déclaration récente de Vladimir Poutine devant le service de renseignement militaire russe, appelant à lui redonner le nom de GRU, qu’il portait avant 2010 ou dans la reformation de prestigieuses divisions militaires soviétiques, qui avaient été démantelées lors de réformes de l’organisation de l’armée.
 
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