Alors qu’il en est à son deuxième mois en prison, Ali Anouzla a-t-il vraiment besoin de toute cette « logorrhée militante » autour de la liste de ses défenseurs, sur ceux qui restent, ceux qui partent, ceux qui n’ont aucun droit d’y être et les autres, qui ont le droit d’en partir ?… Est-il vraiment nécessaire que notre autre confrère, AboubakrJamaï, dévoile les mécanismes internes du site Lakome, en ce moment bien précis, et s’interroge sur les raisons de l’expression « mon pays le Maroc » employée par Ali Anouzla dans son courageux communiqué adressé à l’opinion publique afin qu’elle sache que son auteur agit d’abord et avant tout en qualité de journaliste et que, en cette qualité, il est profondément opposé à tout acte terroriste, à tout projet de cette nature, et qu’il s’inscrit résolument en faveur de la liberté, de la dignité et de la démocratie ?
Est-il condamnable qu’un détenu pour une affaire de presse, de politique ou même de droit commun, puisse éclairer l’opinion sur ce qu’on lui reproche, apporte sa vérité et décide de fermer provisoirement un site, une société ou une usine dans l’attente de sa sortie de prison, afin d’éviter d’endosser une responsabilité qu’il ne peut exercer ? Un tel acte devrait-il vraiment mécontenter et irriter ses amis, ses parents et ses défenseurs et les conduire à adopter des comportements qui nuiraient à cette personne en prison ?
Allons donc, un peu de raison et de sagesse, chers amis, compagnons et confrères. Ali Anouzla est le premier concerné par cette affaire et nous devons nous ranger derrière lui, pas nous placer face à lui et le contrer. Nous devons mettre notre militantisme, nos sentiments et nos principes au service de son affaire, comme il le ressent et comme il l’entrevoit, lui avant quiconque. Nous devons faire abstraction de ce que nous voyons, faisons, ressentons, nous qui sommes à l’extérieur de la prison. Ecoutons Shakespeare : « Quand deux personnes montent à cheval, l’une est forcément à l’arrière ».
La souplesse est un comportement sage et intelligent et la révision de ses jugements, s’ils viennent à être ne serait-ce qu’égratignés, est un acte de grand courage, en ces temps difficiles du moins. Le dossier d’Ali Anouzla a atteint un stade de complexité extrême, et il a été confié à un juge antiterroriste qui travaille au moyen d’une loi d’exception, laquelle ne garantit pas les meilleures conditions d’un procès équitable. Nous avions contesté cette orientation imprimée à l’affaire dès la publication du premier communiqué du procureur, et nous avions affirmé que le dossier s’est trompé de chemin et est parti à Salé, chez les juges antiterroristes, au lieu de se diriger à Casablanca, et se placer entre les mains de juges plus spécialisés en affaires de presse…. Et puis les réactions ont commencé à pleuvoir de tous les côtés, de l’intérieur et de l’extérieur, à propos de la position du parquet et du ministère de la Justice, dont la préoccupation première était de faire comprendre aux médias que le traitement du terrorisme était une chose éminemment sensible, qui pouvait exploser à chaque instant. Il fallait faire admettre aux gens de presse qu’ils doivent prendre garde à ne pas transformer leurs supports en forums d’appels et d’apologie aux actes de meurtre, de destruction et de déstabilisation…
Ali Anouzla n’est pas le seul qui ait fait montre de modération et de souplesse dans cette affaire ; en effet, l’Etat et le ministère de la Justice ont également montré, à leur tour, qu’ils étaient prêts à revoir leur jugement dans ce dossier, à partir du moment où leur message est parvenu à bon port et a été bien compris par ses destinataires.
J’ai entendu de la bouche de plusieurs responsables qu’Ali n’est pas poursuivi aujourd’hui pour ses écrits d’hier, et que la crainte d’une normalisation des entreprises etdes actes terroristes au sein de la presse est le véritable motif de l’incarcération de notre confrère et de la réaction musclée des autorités…
Mais là, maintenant, de nouveaux éléments, un nouveau climat sont apparus, nous formons des vœux pour que tout rentre dans l’ordre et Ali chez lui, auprès des siens, et qu’il retourne à sa famille, à son métier et à la liberté… quant à nous, à nous tous, nous devons être une partie de la solution, pas du problème… Ne se moque des blessures que celui qui n’en a jamais été atteint.
http://www.panoramaroc.ma/fr/laffai...e-logorrhee-militante-par-taoufiq-bouachrine/