Lagarde : sa mise en examen n'est pas qu'une mauvaise nouvelle

  • Initiateur de la discussion Initiateur de la discussion RADIO2
  • Date de début Date de début

RADIO2

on air
Le passage du statut de témoin assisté à celui de mise en examen, s'il est embarrassant pour la patronne du FMI, s'accompagne d'un allègement des charges qu'on lui reproche.

Christine Lagarde est finalement mise en cause dans l’affaire Tapie. Comme elle l’a annoncé mercredi matin à l’AFP, la patronne du Fonds monétaire international (FMI) a été mise en examen pour «négligence» par les magistrats de la Cour de Justice de la République (CJR) pour son rôle, en tant que ministre de l’Economie, dans l’arbitrage désastreux qui a permis à Bernard Tapie de récupérer 405 millions d’euros aux frais du contribuable dans l’affaire Adidas en 2008. La CJR, seule habilitée à juger les ministres, est chargée du seul cas Lagarde, tandis que les autres protagonistes relèvent de l’instruction menée à Paris par les juges Tournaire, Daïeff et Thépot.

Cette décision de la CJR, prise mardi soir à l’issue de la quatrième audition de Lagarde, est à la fois une mauvaise et une bonne nouvelle pour la patronne du FMI.Depuis mai 2013, elle était simplement «témoin assisté». Elle est désormais mise en examen, ce qui signifie que les magistrats disposent d’indices «graves ou concordants» indiquant qu’elle aurait commis un délit. Ce nouveau statut judiciaire, plus accusatoire, pose donc la question de son maintien à la tête du FMI. Mais Christine Lagarde a exclu mercredi matin de démissionner. «Je retourne travailler à Washington dès cet après-midi», a-t-elle déclaré.

La bonne nouvelle, c’est que les charges qui lui sont reprochées ont été allégées. L’enquête portait au départ sur des soupçons de «complicité de faux par simulation d’acte» et de «complicité de détournement de fonds publics». Christine Lagarde est finalement mise en examen pour «négligence». Ce délit, passible d’un an de prison et 15 000 euros d’amende, sanctionne le fait de laisser, par «négligence», «un tiers» détourner des fonds publics. En clair, les magistrats de la CJR considèrent que Lagarde n’a pas suffisamment agi pour empêcher l’arbitrage présumé frauduleux, mais qu’elle n’est pas complice des manœuvres de Tapie et de ses complices présumés (son avocat Maurice Lantourne, l’arbitre Pierre Estoup, le haut fonctionnaire Jean-François Rocchi et Stéphane Richard, ancien directeur de cabinet de Lagarde), tous mis en examen pour «escroquerie en bande organisée».

Lors de ses précédentes auditions, les magistrats l’avaient notamment questionnée sur le fait qu’elle a validé en 2007 le compromis d’arbitrage, malgré le fait qu’il actait le principe d’un possible préjudice moral pour les époux Tapie, avec un plafond exorbitant de 50 millions d’euros – Tapie en obtiendra 45. Lagarde s’est défendue en expliquant que cette somme n’était pas présentée «comme correspondant à la réparation du préjudice moral» dans les documents qui lui étaient soumis. Les magistrats reprochent également à l’ancienne ministre de ne pas avoir formé de recours contre la sentence arbitrale en 2008.

«Après trois années d’instruction, des dizaines d’heures d’audition, la commission s’est rendue à l’évidence que je n’avais été complice d’aucune infraction et a donc été réduite à alléguer que je n’aurais pas été suffisamment vigilante», s’est-félicitée mercredi Christine Lagarde, ajoutant qu’elle allait introduire un recours pour contester cette mise en examen, qu’elle «considère comme totalement infondée».

«D’un délit intentionnel, on passe à un délit non intentionnel», ajoute son avocat, Yves Repiquet, interrogé par Libération. Il dénonce «une mise en examen minimaliste, de circonstance en raison de la fin de l’instruction et de la fin du mandat des magistrats de la CJR, et juridiquement infondée». Le conseil de Christine Lagarde estime que les magistrats «n’ont pas pris la responsabilité de rendre une ordonnance de non lieu compte tenu du caractère sensible du dossier».

Yann PHILIPPIN
liberation
 
Retour
Haut