Takamine
"L'Enfer ...c'est moi .. :
par Thomas Piketty
En matière de religions, comme dans bien d’autres domaines, chaque pays aime se mettre en scène dans de grands récits nationaux, qui sont certes indispensables pour donner du sens à notre destinée collective, mais qui, trop souvent, servent surtout à masquer nos hypocrisies. Sur la religion, donc, la France aime se présenter au monde comme un modèle de neutralité, de tolérance et de respect pour les différentes croyances, sans en privilégier aucune : ce n’est pas chez nous qu’un président prêterait serment sur la Bible !
La vérité est bien plus complexe. La querelle religieuse s’est soldée chez nous par une massive prise en charge publique des écoles confessionnelles catholiques, dans des proportions que l’on ne retrouve dans quasiment aucun autre pays. Nous sommes également les seuls au monde à avoir choisi de fermer les écoles un jour par semaine (le jeudi, de 1882 à 1972, puis le mercredi) pour le donner au catéchisme, journée qui vient seulement d’être réintégrée – partiellement – dans le temps scolaire normal. Ce lourd héritage a laissé des traces et des ambiguïtés monumentales. Par exemple, les écoles privées catholiques déjà existantes sont massivement financées par le contribuable, mais les conditions d’ouverture de nouvelles écoles privées d’autres confessions n’ont jamais été clarifiées, ce qui crée de lourdes tensions aujourd’hui avec les demandes d’écoles confessionnelles musulmanes. De même, les cultes ne sont officiellement pas subventionnés, sauf lorsqu’il s’agit d’édifices bâtis avant la loi de 1905.
Et tant pis si la carte de la pratique religieuse a bien changé depuis, et si les mosquées se retrouvent aujourd’hui dans des caves. La récente affaire des collégiennes musulmanes renvoyées chez elles pour cause de jupe trop longue a également montré jusqu’où pouvait conduire la loi sur l’interdiction des signes religieux ostentatoires. Au nom de quoi pourrait-on exprimer toutes ses convictions par ses tenues, par exemple par des jupes très courtes, des jupes plissées, des cheveux colorés, des tee-shirts rock ou révolutionnaires, sauf ses convictions religieuses ?
En vérité, en dehors du visage totalement couvert (qui empêche l’identification), et de certaines parties du corps trop nettement découvertes (indécence qui, semble-t-il, menacerait la paix publique), il serait sans doute sage de laisser le choix des tenues et des ornements à la liberté de chacun. La laïcité, cela pourrait consister à traiter la religion comme une opinion comme les autres, ni plus, ni moins. Une opinion, ou plutôt une croyance, que l’on peut caricaturer comme les autres, dont on peut se moquer, bien sûr, mais que l’on a aussi le droit d’exprimer, par le langage comme par les tenues
En matière de religions, comme dans bien d’autres domaines, chaque pays aime se mettre en scène dans de grands récits nationaux, qui sont certes indispensables pour donner du sens à notre destinée collective, mais qui, trop souvent, servent surtout à masquer nos hypocrisies. Sur la religion, donc, la France aime se présenter au monde comme un modèle de neutralité, de tolérance et de respect pour les différentes croyances, sans en privilégier aucune : ce n’est pas chez nous qu’un président prêterait serment sur la Bible !
La vérité est bien plus complexe. La querelle religieuse s’est soldée chez nous par une massive prise en charge publique des écoles confessionnelles catholiques, dans des proportions que l’on ne retrouve dans quasiment aucun autre pays. Nous sommes également les seuls au monde à avoir choisi de fermer les écoles un jour par semaine (le jeudi, de 1882 à 1972, puis le mercredi) pour le donner au catéchisme, journée qui vient seulement d’être réintégrée – partiellement – dans le temps scolaire normal. Ce lourd héritage a laissé des traces et des ambiguïtés monumentales. Par exemple, les écoles privées catholiques déjà existantes sont massivement financées par le contribuable, mais les conditions d’ouverture de nouvelles écoles privées d’autres confessions n’ont jamais été clarifiées, ce qui crée de lourdes tensions aujourd’hui avec les demandes d’écoles confessionnelles musulmanes. De même, les cultes ne sont officiellement pas subventionnés, sauf lorsqu’il s’agit d’édifices bâtis avant la loi de 1905.
Et tant pis si la carte de la pratique religieuse a bien changé depuis, et si les mosquées se retrouvent aujourd’hui dans des caves. La récente affaire des collégiennes musulmanes renvoyées chez elles pour cause de jupe trop longue a également montré jusqu’où pouvait conduire la loi sur l’interdiction des signes religieux ostentatoires. Au nom de quoi pourrait-on exprimer toutes ses convictions par ses tenues, par exemple par des jupes très courtes, des jupes plissées, des cheveux colorés, des tee-shirts rock ou révolutionnaires, sauf ses convictions religieuses ?
En vérité, en dehors du visage totalement couvert (qui empêche l’identification), et de certaines parties du corps trop nettement découvertes (indécence qui, semble-t-il, menacerait la paix publique), il serait sans doute sage de laisser le choix des tenues et des ornements à la liberté de chacun. La laïcité, cela pourrait consister à traiter la religion comme une opinion comme les autres, ni plus, ni moins. Une opinion, ou plutôt une croyance, que l’on peut caricaturer comme les autres, dont on peut se moquer, bien sûr, mais que l’on a aussi le droit d’exprimer, par le langage comme par les tenues
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