n’aura échappé l’offensive diplomatique marocaine en Afrique. C’est même le fait diplomatique majeur dans la région.
Comme Maghrébin, je ne peux que m’en réjouir. Il est temps que le Maghreb sorte d’une posture schizophrénique qui lui fait tourner le dos à sa profondeur géostratégique et qui, loin de le rapprocher avec l’Europe, le fragilise plutôt dans ses rapports avec cette dernière. Mais je ne peux m’empêcher de constater que l’Algérie soit non seulement en reste, mais qu’elle ne cesse de perdre toujours plus pied dans le continent comme elle le perd d’ailleurs dans son propre Sud. Il ne s’agit pas d’agiter le «chiffon rouge» marocain et participer à ce jeu de rivalités entre les pouvoirs des deux pays qui ne tient pas seulement de la prétention de chacun de jouer le rôle de puissance régionale, mais tient plutôt des stratégies de pouvoir ; chacun cherchant à cultiver une assabya nationale pour combler son déficit de légitimité par le danger fantasmé de l’autre. Il s’agit plutôt d’interroger l’Algérie à la lumière d’une dynamique qui révèle sa marginalisation.
Bouteflika : Roosevelt ou Bourguiba ?
(ce passage ne parle pas du Maroc) donc ,passons.
Paris et le désert africain
Mais encore une fois, là n’est pas la vraie question car même sans la maladie, Bouteflika ne s’est pas rendu une seule fois au Sahel. Par contre, il a été au moins sept fois à Paris.
Mais là n’est pas également la question car le dynamisme marocain en Afrique ne se base pas tant sur le dynamisme de la personne du Roi que sur une stratégie nationale de «soft power», c’est-à-dire une stratégie «par le bas» qui utilise le canal des entrepreneurs économiques et celui des sociétés.
Très loin devant l’Algérie, insignifiante sur ce terrain, le Maroc est le pays maghrébin qui a le plus développé, à travers ses entrepreneurs, ses relations économiques avec l’Afrique. C’est d’ailleurs uniquement avec l’Afrique subsaharienne que les échanges du Maroc dégagent un excédent, important par ailleurs. Depuis 2010, les exportations marocaines vers cette région ont doublé celles en direction de l’Afrique du Nord. L’Algérie est dans l’incapacité de le concurrencer sur ce terrain parce que son système stérilise déjà l’entrepreneuriat localement pour que l’aventure à l’internationale, et encore plus en Afrique, puisse faire partie de ses perspectives.
La corruption y est pour beaucoup, mais pas simplement en tant que telle puisque la corruption est également forte au Maroc quoique dorénavant moindre qu’en Algérie. En effet, le Maroc a longtemps été connu pour sa corruption mais l’Algérie le devance aujourd’hui allègrement puisque si on se réfère au classement de ces 5 dernières années (2008-2012), l’Algérie est classée loin derrière le Maroc entre 12 places (en 2008) et 32 places (en 2011) !
Mais l’effet de la corruption en Algérie est tout à la fois plus amplifié et plus pervers du fait de la rente pétrolière et de l’usage qui en est fait. Si au Maroc l’argent de la corruption circule surtout des entrepreneurs vers les détenteurs de pouvoir qui les ponctionnent, en Algérie il circule pour l’essentiel en sens inverse. L’argent de la rente pétrolière sert au pouvoir à se créer une clientèle privée constituée d’«entrepreneurs» captifs de la redistribution de la rente ou d’«entrepreneurs» prête-noms pour blanchir les détournements de la rente.........
La géopolitique «du bas»
La présence marocaine en Afrique ne se limite pas aux grands entrepreneurs économiques.
Elle est aussi le fait de petits entrepreneurs et petits commerçants qui ont tressé un tissu humain qui ne cesse de se densifier partout en Afrique de l’Ouest. L’aéroport de Casablanca est un véritable hub pour cette région. La présence algérienne, insignifiante au départ, ne cesse de régresser. Et pour l’illustrer, point besoin d’aller «loin» en Afrique de l’Ouest. Limitons nous à la Mauritanie frontalière, pays-pont entre Maghreb et Afrique de l’Ouest et où l’influence algérienne a été importante alors que le Maroc y était totalement absent.
Aujourd’hui que les prétentions territoriales du Maroc sur ce pays ont été remisées, l’influence algérienne est devenue quasiment nulle avec comme seul signe une ambassade barricadée. Elle a été totalement éclipsée par l’influence marocaine qui, elle, se diffuse par le bas. Plusieurs centaines de jeunes Marocains animent la vie économique de Nouakchott devenue ville tentaculaire de 800 000 habitants et remplacent petit à petit les Sénégalais et les Maliens dans les services et métiers urbains dont ils rehaussent le niveau. On y consomme marocain et les Mauritaniens ont la tête tournée vers Rabat avec laquelle la lient des vols quasi quotidiens qui font le plein et où séjourne fréquemment l’élite mauritanienne entre affaires et rencontres scientifiques.
Parallèlement, les grands opérateurs économiques marocains ont engagé une série d’actions inaugurée par l’acquisition par Maroc télécom de 54% du capital de l’opérateur public mauritanien de télécommunications (Mauritel) puis des banques. La Tunisie n’est pas en reste, alors même qu’elle ne dispose pas de frontières avec ce pays. Quelques centaines de jeunes Tunisiens ont investi le secteur des services dans ce pays et les cafés tunisiens sont les lieux de sociabilité les plus courus à Nouakchott.
Les vols Tunis-Nouakchott sont d’ailleurs deux fois plus nombreux que les vols Alger-Nouakchott souvent vides. Pourtant, au vu de la prétention de l’Algérie à jouer un rôle dans la région et notamment sur la question du Sahara occidental, ce pays est stratégique. Populations mauritanienne et sahraouie sont complètement enchevêtrées. Et malgré ce qu’en laisserait supposer la tension géopolitique liée à l’état de «conflit gelé», les circulations et échanges sont d’une rare intensité entre les populations réparties sur les différents territoires supposés contrôlés par les belligérants.
A l’exemple des réseaux commerciaux qui se sont constitués dans le sillage du conflit, les réseaux d’alliances transcendent les frontières politiques et les allégeances sont réparties entre tous les protagonistes aboutissant à la construction de ponts «croisés» qui passent «par-dessus la tête» des belligérants et mettent en réseau Nouakchott, Nouadhibou, Tindouf et Laâyoune voire Rabat et peut-être Alger. Ces mouvements «par le bas» parasitent constamment les rapports de force militaires et politiques entre belligérants qui sont en permanence fragilisés par ce soubassement social qui leur échappe et les déstabilise.
C’est là dans ces mouvements économiques et humains «par le bas» que se joue une part essentielle des rapports de force et de l’avenir de la stabilité de cette région et non pas dans le consumérisme de l’armement ou l’affichage dans les forums internationaux. Ce sont les ancrages économiques et humains «par le bas» qui dessinent les contours géopolitiques d’avenir les plus durables.
http://www.elwatan.com/contributions/l-algerie-l-afrique-et-le-maroc-06-04-2014-252091_120.php
Comme Maghrébin, je ne peux que m’en réjouir. Il est temps que le Maghreb sorte d’une posture schizophrénique qui lui fait tourner le dos à sa profondeur géostratégique et qui, loin de le rapprocher avec l’Europe, le fragilise plutôt dans ses rapports avec cette dernière. Mais je ne peux m’empêcher de constater que l’Algérie soit non seulement en reste, mais qu’elle ne cesse de perdre toujours plus pied dans le continent comme elle le perd d’ailleurs dans son propre Sud. Il ne s’agit pas d’agiter le «chiffon rouge» marocain et participer à ce jeu de rivalités entre les pouvoirs des deux pays qui ne tient pas seulement de la prétention de chacun de jouer le rôle de puissance régionale, mais tient plutôt des stratégies de pouvoir ; chacun cherchant à cultiver une assabya nationale pour combler son déficit de légitimité par le danger fantasmé de l’autre. Il s’agit plutôt d’interroger l’Algérie à la lumière d’une dynamique qui révèle sa marginalisation.
Bouteflika : Roosevelt ou Bourguiba ?
(ce passage ne parle pas du Maroc) donc ,passons.
Paris et le désert africain
Mais encore une fois, là n’est pas la vraie question car même sans la maladie, Bouteflika ne s’est pas rendu une seule fois au Sahel. Par contre, il a été au moins sept fois à Paris.
Mais là n’est pas également la question car le dynamisme marocain en Afrique ne se base pas tant sur le dynamisme de la personne du Roi que sur une stratégie nationale de «soft power», c’est-à-dire une stratégie «par le bas» qui utilise le canal des entrepreneurs économiques et celui des sociétés.
Très loin devant l’Algérie, insignifiante sur ce terrain, le Maroc est le pays maghrébin qui a le plus développé, à travers ses entrepreneurs, ses relations économiques avec l’Afrique. C’est d’ailleurs uniquement avec l’Afrique subsaharienne que les échanges du Maroc dégagent un excédent, important par ailleurs. Depuis 2010, les exportations marocaines vers cette région ont doublé celles en direction de l’Afrique du Nord. L’Algérie est dans l’incapacité de le concurrencer sur ce terrain parce que son système stérilise déjà l’entrepreneuriat localement pour que l’aventure à l’internationale, et encore plus en Afrique, puisse faire partie de ses perspectives.
La corruption y est pour beaucoup, mais pas simplement en tant que telle puisque la corruption est également forte au Maroc quoique dorénavant moindre qu’en Algérie. En effet, le Maroc a longtemps été connu pour sa corruption mais l’Algérie le devance aujourd’hui allègrement puisque si on se réfère au classement de ces 5 dernières années (2008-2012), l’Algérie est classée loin derrière le Maroc entre 12 places (en 2008) et 32 places (en 2011) !
Mais l’effet de la corruption en Algérie est tout à la fois plus amplifié et plus pervers du fait de la rente pétrolière et de l’usage qui en est fait. Si au Maroc l’argent de la corruption circule surtout des entrepreneurs vers les détenteurs de pouvoir qui les ponctionnent, en Algérie il circule pour l’essentiel en sens inverse. L’argent de la rente pétrolière sert au pouvoir à se créer une clientèle privée constituée d’«entrepreneurs» captifs de la redistribution de la rente ou d’«entrepreneurs» prête-noms pour blanchir les détournements de la rente.........
La géopolitique «du bas»
La présence marocaine en Afrique ne se limite pas aux grands entrepreneurs économiques.
Elle est aussi le fait de petits entrepreneurs et petits commerçants qui ont tressé un tissu humain qui ne cesse de se densifier partout en Afrique de l’Ouest. L’aéroport de Casablanca est un véritable hub pour cette région. La présence algérienne, insignifiante au départ, ne cesse de régresser. Et pour l’illustrer, point besoin d’aller «loin» en Afrique de l’Ouest. Limitons nous à la Mauritanie frontalière, pays-pont entre Maghreb et Afrique de l’Ouest et où l’influence algérienne a été importante alors que le Maroc y était totalement absent.
Aujourd’hui que les prétentions territoriales du Maroc sur ce pays ont été remisées, l’influence algérienne est devenue quasiment nulle avec comme seul signe une ambassade barricadée. Elle a été totalement éclipsée par l’influence marocaine qui, elle, se diffuse par le bas. Plusieurs centaines de jeunes Marocains animent la vie économique de Nouakchott devenue ville tentaculaire de 800 000 habitants et remplacent petit à petit les Sénégalais et les Maliens dans les services et métiers urbains dont ils rehaussent le niveau. On y consomme marocain et les Mauritaniens ont la tête tournée vers Rabat avec laquelle la lient des vols quasi quotidiens qui font le plein et où séjourne fréquemment l’élite mauritanienne entre affaires et rencontres scientifiques.
Parallèlement, les grands opérateurs économiques marocains ont engagé une série d’actions inaugurée par l’acquisition par Maroc télécom de 54% du capital de l’opérateur public mauritanien de télécommunications (Mauritel) puis des banques. La Tunisie n’est pas en reste, alors même qu’elle ne dispose pas de frontières avec ce pays. Quelques centaines de jeunes Tunisiens ont investi le secteur des services dans ce pays et les cafés tunisiens sont les lieux de sociabilité les plus courus à Nouakchott.
Les vols Tunis-Nouakchott sont d’ailleurs deux fois plus nombreux que les vols Alger-Nouakchott souvent vides. Pourtant, au vu de la prétention de l’Algérie à jouer un rôle dans la région et notamment sur la question du Sahara occidental, ce pays est stratégique. Populations mauritanienne et sahraouie sont complètement enchevêtrées. Et malgré ce qu’en laisserait supposer la tension géopolitique liée à l’état de «conflit gelé», les circulations et échanges sont d’une rare intensité entre les populations réparties sur les différents territoires supposés contrôlés par les belligérants.
A l’exemple des réseaux commerciaux qui se sont constitués dans le sillage du conflit, les réseaux d’alliances transcendent les frontières politiques et les allégeances sont réparties entre tous les protagonistes aboutissant à la construction de ponts «croisés» qui passent «par-dessus la tête» des belligérants et mettent en réseau Nouakchott, Nouadhibou, Tindouf et Laâyoune voire Rabat et peut-être Alger. Ces mouvements «par le bas» parasitent constamment les rapports de force militaires et politiques entre belligérants qui sont en permanence fragilisés par ce soubassement social qui leur échappe et les déstabilise.
C’est là dans ces mouvements économiques et humains «par le bas» que se joue une part essentielle des rapports de force et de l’avenir de la stabilité de cette région et non pas dans le consumérisme de l’armement ou l’affichage dans les forums internationaux. Ce sont les ancrages économiques et humains «par le bas» qui dessinent les contours géopolitiques d’avenir les plus durables.
http://www.elwatan.com/contributions/l-algerie-l-afrique-et-le-maroc-06-04-2014-252091_120.php