L'automne des Arabes Israéliens

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Soleil assassiné
VIB
En Israël, la minorité arabe se sent peu concernée par les soulèvements arabes de ces derniers mois. Au contraire: en tant que minorité, elle subit une discrimination croissante imposée par un pouvoir de plus en plus soucieux de s’afficher comme juif plutôt que comme démocratique
La frêle silhouette de Lana Khaskia déambule entre les larges bâtisses de pierre envahies par les herbes folles. Près du port de Haïfa, le quartier de Wadi Salib est à l’abandon depuis des décennies. Si elles n’étaient murées, les maisons embrasseraient du haut de leur balcon le spectacle d’une mer scintillante sous un ciel de nuages noirs.

«Voici un témoignage de la Nakba, explique la jeune femme qui a étudié les sciences politiques et la philosophie. En 1948, il y avait 70 000 Arabes à Haïfa. Quand les sionistes en ont pris le contrôle, ils n’étaient plus que 3000. Tous les autres ont dû fuir vers le Liban ou la Syrie.» La Nakba, «le jour de la catastrophe», est le nom que donnent ici les Arabes à la journée de l’indépendance célébrée par Israël, leur pays depuis plus de soixante ans.

Confisquées par le nouvel Etat, les maisons des Palestiniens de Wadi Salib furent redistribuées à de pauvres immigrants juifs débarqués d’Afrique du Nord avant d’être désertées aux débuts des années 1960. Aujourd’hui, la mairie de Haïfa voudrait transformer ces ruines en un quartier d’artistes et d’étudiants. Lana pointe du doigt une maison sur la corniche: «C’est là qu’a grandi Leila Khaled.» Leila Khaled? En 1969, cette militante du Front populaire de libération de la Palestine a connu son heure de gloire en devenant la première femme à détourner un avion de ligne qu’elle fit exploser sur le sol jordanien une fois vidé de ses passagers.

Lana, elle, est originaire de Tira, un village situé à vingt minutes de Haïfa. En 1948, ses habitants se sont battus pour conserver leurs maisons, et le village est resté arabe. Contrairement à Ein Hod, un bourg voisin dont la population apeurée a fui vers les collines. «Aujourd’hui, ils vivent dans un nouveau village qui n’a été que récemment raccordé à l’électricité et à l’eau. Chaque jour, ils voient leurs anciennes maisons occupées par des Juifs qui ont transformé la mosquée en bar. C’est le Dona Rosa Bar.»

Une partie de la famille de Lana réside dans les territoires occupés, en Cisjordanie. Soixante ans après, ils espèrent toujours rentrer à Tira. «Peu importent les Accords d’Oslo, Camp David ou ces histoires à l’ONU en ce moment. Tous les Palestiniens vous le diront: la question du droit au retour des réfugiés n’est pas négociable», poursuit-elle.
 
Si le Printemps arabe et les démarches de Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne (AP), pour une reconnaissance d’un Etat palestinien à l’ONU ont réveillé quelques espoirs de changement en Cisjordanie, les Arabes d’Israël, qui représentent 20% de la population – dont une minorité de chrétiens et de Druzes – sont pour leur part dubitatifs sur leur avenir. Ils vivent dans un Etat qui se qualifie de juif et démocratique. En tant que non-Juifs, ils ont le sentiment de vivre dans une démocratie à géométrie variable. Depuis l’arrivée au pouvoir du tandem Netanyahou-Lieberman, qui dirige depuis deux ans le pays avec l’appui des juifs ultraorthodoxes, les discriminations se multiplient.

Certains parlent d’un retour aux heures sombres du régime militaire qui a prévalu jusqu’en 1966, lorsqu’il fut abrogé par la Knesset. C’est le cas de Sawsan Zaher, juriste à Adalah, le Centre légal pour les droits de la minorité arabe d’Israël, dont le siège occupe une ancienne maison de Haïfa. «Nous sommes des citoyens, nous avons le droit de vote, c’est vrai. Mais en matière d’éducation, de santé, d’accès à la propriété, à la terre, à l’eau, à l’électricité, aux droits sociaux, à la liberté d’expression, nous sommes des citoyens de seconde zone. Nonante-trois pour cent du territoire d’Israël appartient à l’Etat – l’essentiel ayant été confisqué aux Palestiniens – et il ne peut être vendu à des non-Juifs.»

Comme tous les citoyens de ce pays, les Arabes d’Israël ont l’interdiction de se rendre dans les territoires occupés, où résident pourtant de nombreux parents. Pour des raisons de sécurité, ils ont aussi l’interdiction de rapatrier un conjoint arabe rencontré hors du pays s’il est d’origine palestinienne ou d’un «pays ennemi», à savoir le Liban, la Syrie, l’Irak et l’Iran. L’Etat sélectionne les bons et les mauvais amours.

Dans son bureau orné d’un portrait de Martin Luther King, Sawsan Zaher énumère les 30 lois qui discriminent directement ou indirectement les Arabes et l’inflation de projets de loi ou d’amendements constitutionnels en cours de discussion au parlement qui visent à marginaliser les non-Juifs ou à les transformer en ennemis de l’Etat d’Israël. Ces jours-ci, la Knesset discute ainsi d’un texte visant à inscrire dans la loi le fait qu’Israël est un Etat d’essence juive, réservé en priorité aux Juifs, défendant la culture juive et déniant à l’arabe le statut de langue officielle qu’il a actuellement. La loi hébraïque devrait par ailleurs «servir de source d’inspiration pour le législateur» – à l’image de la charia dans de nombreux pays musulmans.

En mars de cette année, autre exemple, la Knesset a voté une loi interdisant de célébrer le deuil de la Nakba. «C’est la plus sévère de toutes, estime la juriste. On ne peut enseigner notre histoire dans nos écoles. C’est comme une police de la pensée, cela me rappelle les régimes les plus sombres.» Sawsan Zaher croit pourtant qu’une majorité de Juifs d’Israël pensent que les Arabes devraient avoir les mêmes droits qu’eux. «Le front du racisme est alimenté par l’immigration russe dont le représentant est Avigdor Lieberman.»
 
Cette communauté russe, qui a fait son Aliyah (immigration en Terre sainte pour les Juifs) dans les années 1990 – après la chute du bloc soviétique – représente désormais 20% de la population. Qualifiés de racistes par les Arabes, ces Juifs russophones (dont on estime qu’un quart est en réalité chrétien orthodoxe) sont eux-mêmes l’objet de vexations au sein de la population israélienne. Dans toutes les villes, comme à Haïfa, ils se partagent les quartiers défavorisés avec les Arabes et les Juifs érythréens arrivés après eux.

«Nous ne sommes pourtant pas prêts à descendre dans la rue, dit Sawsan Zaher. La différence, ici, c’est que nous sommes une minorité. On n’obtiendra rien en manifestant.» Le Printemps arabe, ce n’est pas pour les Arabes israéliens.

Jamal Zahalka conduit sa berline dans la campagne qui sépare Binyamina de Kafr Qara, son village natal. Sur la route, il s’improvise guide: «Là, à gauche, à la place de ces champs, il y avait un village. Je ne l’ai jamais connu, mais quand mon père m’amenait ici, il me décrivait l’emplacement de chaque maison.» Quatre cent dix-neuf villages ont été rayés de la carte après la création de l’Etat d’Israël, leurs habitants se joignant à l’exode des 750 000 Arabes qui ont fui devant l’avancée des troupes juives.

«Là, à droite, cette forêt a été plantée par l’Etat à la place de nos champs.» Au sommet de la colline, Jamal Zahalka ralentit: «Vous pouvez rouvrir les yeux», lâche-t-il après un instant. Kafr Qara s’offre dans toute sa majesté, avec ses deux ou trois minarets. Dans les rues, des barbus affublés de gilets verts balaient les rues. «C’est vendredi, jour de prière, le Mouvement islamiste doit se montrer. Ils ont beaucoup d’argent grâce aux dons récoltés dans les mosquées.»
 
Aucun Juif ne réside à Kafr Qara. Mais l’école où va la fille de Jamal Zahalka est un des trois projets pilotes d’éducation mixte juive-arabe. «Trois pour tout le pays, souligne l’homme d’une cinquantaine d’années. L’Etat n’a pas donné un shekel, c’est privé. Il a fallu se battre pour l’obtenir.» Plus bas, en dessous de la maison de Jamal Zahalka, il y a des cultures de fruits. «Voilà les kibboutz, les colonialistes socialistes. S’ils avaient dit en arrivant qu’ils venaient tuer de l’Arabe, cela n’aurait pas marché. Alors, ils ont pris 70% de nos terres en entonnant des chants de paix.»

Jamal Zahalka est le président du parti nationaliste arabe Balad (Ligue démocratique nationale) et député de la Knesset depuis 2003. Dans ses bureaux, à Nazareth, il déplore que les poèmes du Baudelaire palestinien, Mahmoud Darwich, soient toujours interdits dans les écoles d’Israël. Le Balad, au programme laïc et social-démocrate, s’est prononcé en faveur d’une solution de paix israélo-palestinienne à deux Etats.

Jamal Zahalka accepte donc d’être un citoyen israélien. «Encore faut-il que j’aie des droits. Tant que cet Etat se revendiquera comme juif, il ne pourra être démocratique. Il faut se battre contre les institutions légales racistes de ce pays.» Et il cite Hannah Arendt, qui a écrit que l’établissement d’un Etat juif condamnerait automatiquement tous les non-Juifs résidant sur ce territoire à être des citoyens de deuxième classe.

En janvier 2009, dans le climat guerrier qui suivit l’opération Plomb durci contre Gaza, le Comité électoral central interdit la participation du Balad aux élections législatives jugeant qu’il niait l’existence d’Israël. Une décision toutefois annulée par la Cour suprême, qui fait de plus en plus figure de dernier rempart de la démocratie israélienne. Le parti conserva ses trois représentants (il y a 9 députés arabes et trois druzes sur les 120 que compte la Knesset).

Jamal Zahalka décrit six régimes sous contrôle israélien: «Il y a un régime pour les Juifs, un régime de discrimination raciale pour les Arabes de l’Etat d’Israël, un régime très proche de ce que fut l’Afrique du Sud en Cisjordanie, un régime de prison à Gaza, un régime de judaïsation à Jérusalem-Est et enfin un dernier régime, particulier, sur le plateau du Golan.»

Le printemps palestinien annoncé à la tribune de l’ONU par Mahmoud Abbas laisse Jamal Zahalka et ses camarades totalement indifférents. «Abbas a depuis longtemps échoué, les Accords d’Oslo sont une tragédie. Il est le faire-valoir palestinien à une occupation israélienne financée par les Européens. Pour avoir la paix, il faut dissoudre l’AP, qui ne fait qu’assurer une sécurité transitoire. Ici, c’est l’automne palestinien.»

http://www.letemps.ch
 
Nonante-trois pour cent du territoire d’Israël appartient à l’Etat – l’essentiel ayant été confisqué aux Palestiniens – et il ne peut être vendu à des non-Juifs.»

Ca doit être vraiment casse-tête d'investir en Israël. Louer un terrain + louer le bien construit sur ce terrain..

Et je vous épargne de toutes les taxes y afférant..

Ah ces sionistes.. on ne les prendra pas à leur propre jeu..
 
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