Le Tribunal administratif de Bordeaux a donné un avis favorable à lalignement des pensions de retraite militaire des anciens combattants marocains sur celles des ex-soldats français. Une décision qui est, cependant, loin de leur rendre justice.
Lespoir fait vivre, a-t-on coutume de dire. Et cest à une lueur despérance, aussi infime soit-elle, que saccrochent désormais les anciens combattants de la France coloniale à lautomne de leur vie. Peut-être que cette fois-ci, ils ont raison dêtre plus optimistes.
Mercredi 10 septembre 2008, lors dune audience au Tribunal administratif de Bordeaux, le commissaire du gouvernement français, a en effet donné un avis favorable à lalignement des pensions de retraite militaire de 59 anciens combattants marocains sur celle des ex-soldats français. Le magistrat a argué de la légitimité de la demande en se basant sur les accords euro-méditerranéens de février 1996. Rejetant dans le même sens la requête dun ancien combattant sénégalais, Dakar nayant signé aucun accord similaire avec Paris.
En dehors de cette légère ombre au tableau, Maître Christelle Jouteaux, membre de la coordination «décristallisation», fondée voilà deux ans et constituée entre autres de lInstitut de Défense des Etrangers (IDE) et de la Ligue des Droits de lHomme, ne cache pas sa satisfaction. La demande quelle a déposée avec cinq de ses confrères a de réelles chances daboutir, lavis du commissaire du gouvernement étant généralement suivi. Laffaire de Bordeaux, la première action collective en France dans ce dossier, fera-t-elle jurisprudence, éveillant de nouveau les consciences?
En effet, au lendemain de la sortie retentissante dans les salles de cinéma de lHexagone du long-métrage du réalisateur algérien Rachid Bouchareb, le 27 septembre 2006, le président de lépoque, Jacques Chirac, déclarait en plein conseil des ministres la décision de lEtat français dajuster les pensions dinvalidité et de retraite des «vétérans coloniaux» sur celles de leurs compagnons darmes français. Lopinion publique française mais aussi celle des anciennes colonies, qui ignorait pour la plupart lhistoire glorieuse et la fin tragique de ces vaillants soldats de lombre, avait alors vivement applaudi.
Reconnaissance
Mais rapidement, les fins connaisseurs de ce délicat dossier (militants de la société civile, députés, avocats et autres) à la portée politique évidente, et qui se battent depuis plusieurs décennies pour les droits des combattants « indigènes » à la reconnaissance ou du moins, à un semblant de fin de vie décente, ont dénoncé ce quils estiment être une honteuse hypocrisie de «lEtat des droits de lHomme ». Et une sournoise stratégie de diversion.
Hamid Benrahhalate, président fondateur de lUnion Nationale des Anciens Combattants Marocains Fils et Descendants, en fait partie. Ce professeur de mathématiques, fils et neveu de trois anciens combattants marocains (laîné a été tué le 13 mai 1944 dans loffensive du Garigliano, le second a perdu une jambe durant la libération de lAlsace et le troisième une main le 20 janvier 1945 lors de la prise de Cernay), ne mâche pas ses mots là-dessus. Il explique que la décristallisation adoptée dans le cadre de la loi de finances 2007 ne concerne que deux types dallocations, à savoir la retraite du combattant et la pension militaire dinvalidité précitées. La troisième allocation, dite retraite militaire proportionnelle, na fait, elle, lobjet daucun alignement. Or cest lallocation le plus importante en terme de valeur et elle est actuellement huit à dix fois inférieure à celle des anciens combattants français.
En effet, dans le trio, la «retraite du combattant» (touchée par tout engagé dune unité combattante pour une période de 3 mois minimum), était de 396 par an en 1999 pour un ancien combattant français contre 50 pour un Marocain.
Duplicité
La «pension militaire dinvalidité» (pour tous les blessés lors de combats), sélevait pour sa part à 12.417 par an pour un taux dinvalidité proche de 100% pour un ancien combattant français contre 1.357 pour un Marocain.
La «retraite militaire proportionnelle» (versée à tout engagé militaire pour une période de 15.ans minimum), grimpait quant à elle à 6.235 par an pour un ancien combattant français contre 374 pour un Marocain. Or 53.588 allocataires des anciennes colonies et protectorats (dont 17.778 Marocains) perçoivent la retraite militaire proportionnelle contre 48.660 pour la retraite du combattant (dont 17.152 Marocains) et 29.905 pour la pension militaire dinvalidité (dont 8.066 Marocains).
Pour le président fondateur de lUnion Nationale des Anciens Combattants Marocains Fils et Descendants, le calcul a vite été fait: «Cette triste et peu honorable manuvre de lÉlysée vient révéler, encore une fois, la duplicité de lÉtat français envers les indigènes», écrit-il ainsi sur le site de son association.
Mais que reste-t-il de tous ces jeunes gaillards Marocains, Algériens, Tunisiens et Sénégalais enrôlés en masse pour libérer la France et ses alliés du joug nazi (plus de 40.000 Marocains dans la première guerre mondiale et 85.000 dans la Seconde) ou asseoir son empire colonial en Indochine et ailleurs? Combien de goumiers et de tirailleurs envoyés au front dans une Europe à feu et à sang survivent encore?
Actuellement, dans la seule Gironde, près de 180 anciens combattants vivotent avec 600 euros par mois entre leur pension militaire et le minimum vieillesse. La plupart dentre eux sont aujourdhui octogénaires et souffrent dune précarité socio-économique flagrante.
Ils attendent sans trop denthousiasme la décision du Tribunal Administratif de Bordeaux, qui devrait être rendue publique dans un mois. Sans enthousiasme car «les indigènes», maintes fois oubliés, maintes fois déçus, ont le blues tenace.
Précarité
Et, en vrais soldats de métier, le rude sens des réalités. Ils savent que ceux qui prétendent que la France attend que les derniers dentre eux meurent, nont pas totalement tort. Ils savent aussi quune grande partie de leur retraite est payée grâce aux montants déboursés par leurs compatriotes demandant un visa français, sans gage dobtention. Ils savent enfin que leur dernier camarade naura jamais droit aux funérailles grandioses de Lazare Ponticelli, le dernier «poilu» de la guerre de 14-18, leur frère darmes et de sang. Mieux. Nombre parmi eux ne disposent même pas dune assurance de rapatriement au cas où ils tireraient leur révérence sur le sol de la Nation pour laquelle ils ont donné leur jeunesse et leur sang. Sous le signe de la Liberté, de lEgalité et de la Fraternité
Maroc Hebdo
Lespoir fait vivre, a-t-on coutume de dire. Et cest à une lueur despérance, aussi infime soit-elle, que saccrochent désormais les anciens combattants de la France coloniale à lautomne de leur vie. Peut-être que cette fois-ci, ils ont raison dêtre plus optimistes.
Mercredi 10 septembre 2008, lors dune audience au Tribunal administratif de Bordeaux, le commissaire du gouvernement français, a en effet donné un avis favorable à lalignement des pensions de retraite militaire de 59 anciens combattants marocains sur celle des ex-soldats français. Le magistrat a argué de la légitimité de la demande en se basant sur les accords euro-méditerranéens de février 1996. Rejetant dans le même sens la requête dun ancien combattant sénégalais, Dakar nayant signé aucun accord similaire avec Paris.
En dehors de cette légère ombre au tableau, Maître Christelle Jouteaux, membre de la coordination «décristallisation», fondée voilà deux ans et constituée entre autres de lInstitut de Défense des Etrangers (IDE) et de la Ligue des Droits de lHomme, ne cache pas sa satisfaction. La demande quelle a déposée avec cinq de ses confrères a de réelles chances daboutir, lavis du commissaire du gouvernement étant généralement suivi. Laffaire de Bordeaux, la première action collective en France dans ce dossier, fera-t-elle jurisprudence, éveillant de nouveau les consciences?
En effet, au lendemain de la sortie retentissante dans les salles de cinéma de lHexagone du long-métrage du réalisateur algérien Rachid Bouchareb, le 27 septembre 2006, le président de lépoque, Jacques Chirac, déclarait en plein conseil des ministres la décision de lEtat français dajuster les pensions dinvalidité et de retraite des «vétérans coloniaux» sur celles de leurs compagnons darmes français. Lopinion publique française mais aussi celle des anciennes colonies, qui ignorait pour la plupart lhistoire glorieuse et la fin tragique de ces vaillants soldats de lombre, avait alors vivement applaudi.
Reconnaissance
Mais rapidement, les fins connaisseurs de ce délicat dossier (militants de la société civile, députés, avocats et autres) à la portée politique évidente, et qui se battent depuis plusieurs décennies pour les droits des combattants « indigènes » à la reconnaissance ou du moins, à un semblant de fin de vie décente, ont dénoncé ce quils estiment être une honteuse hypocrisie de «lEtat des droits de lHomme ». Et une sournoise stratégie de diversion.
Hamid Benrahhalate, président fondateur de lUnion Nationale des Anciens Combattants Marocains Fils et Descendants, en fait partie. Ce professeur de mathématiques, fils et neveu de trois anciens combattants marocains (laîné a été tué le 13 mai 1944 dans loffensive du Garigliano, le second a perdu une jambe durant la libération de lAlsace et le troisième une main le 20 janvier 1945 lors de la prise de Cernay), ne mâche pas ses mots là-dessus. Il explique que la décristallisation adoptée dans le cadre de la loi de finances 2007 ne concerne que deux types dallocations, à savoir la retraite du combattant et la pension militaire dinvalidité précitées. La troisième allocation, dite retraite militaire proportionnelle, na fait, elle, lobjet daucun alignement. Or cest lallocation le plus importante en terme de valeur et elle est actuellement huit à dix fois inférieure à celle des anciens combattants français.
En effet, dans le trio, la «retraite du combattant» (touchée par tout engagé dune unité combattante pour une période de 3 mois minimum), était de 396 par an en 1999 pour un ancien combattant français contre 50 pour un Marocain.
Duplicité
La «pension militaire dinvalidité» (pour tous les blessés lors de combats), sélevait pour sa part à 12.417 par an pour un taux dinvalidité proche de 100% pour un ancien combattant français contre 1.357 pour un Marocain.
La «retraite militaire proportionnelle» (versée à tout engagé militaire pour une période de 15.ans minimum), grimpait quant à elle à 6.235 par an pour un ancien combattant français contre 374 pour un Marocain. Or 53.588 allocataires des anciennes colonies et protectorats (dont 17.778 Marocains) perçoivent la retraite militaire proportionnelle contre 48.660 pour la retraite du combattant (dont 17.152 Marocains) et 29.905 pour la pension militaire dinvalidité (dont 8.066 Marocains).
Pour le président fondateur de lUnion Nationale des Anciens Combattants Marocains Fils et Descendants, le calcul a vite été fait: «Cette triste et peu honorable manuvre de lÉlysée vient révéler, encore une fois, la duplicité de lÉtat français envers les indigènes», écrit-il ainsi sur le site de son association.
Mais que reste-t-il de tous ces jeunes gaillards Marocains, Algériens, Tunisiens et Sénégalais enrôlés en masse pour libérer la France et ses alliés du joug nazi (plus de 40.000 Marocains dans la première guerre mondiale et 85.000 dans la Seconde) ou asseoir son empire colonial en Indochine et ailleurs? Combien de goumiers et de tirailleurs envoyés au front dans une Europe à feu et à sang survivent encore?
Actuellement, dans la seule Gironde, près de 180 anciens combattants vivotent avec 600 euros par mois entre leur pension militaire et le minimum vieillesse. La plupart dentre eux sont aujourdhui octogénaires et souffrent dune précarité socio-économique flagrante.
Ils attendent sans trop denthousiasme la décision du Tribunal Administratif de Bordeaux, qui devrait être rendue publique dans un mois. Sans enthousiasme car «les indigènes», maintes fois oubliés, maintes fois déçus, ont le blues tenace.
Précarité
Et, en vrais soldats de métier, le rude sens des réalités. Ils savent que ceux qui prétendent que la France attend que les derniers dentre eux meurent, nont pas totalement tort. Ils savent aussi quune grande partie de leur retraite est payée grâce aux montants déboursés par leurs compatriotes demandant un visa français, sans gage dobtention. Ils savent enfin que leur dernier camarade naura jamais droit aux funérailles grandioses de Lazare Ponticelli, le dernier «poilu» de la guerre de 14-18, leur frère darmes et de sang. Mieux. Nombre parmi eux ne disposent même pas dune assurance de rapatriement au cas où ils tireraient leur révérence sur le sol de la Nation pour laquelle ils ont donné leur jeunesse et leur sang. Sous le signe de la Liberté, de lEgalité et de la Fraternité
Maroc Hebdo