Si la campagne présidentielle de 2007 avait effleuré la question du travail pour la réduire au " travailler plus pour gagner plus " , elle est singulièrement absente en 2012. Pourtant, la comparaison avec l'Allemagne, si souvent mise en avant, aurait été l'occasion de montrer son importance. Car l'évolution des conditions de travail menace la " soutenabilité " du modèle de croissance germanique.
Depuis 2004, les jours d'absence pour syndromes d'épuisement professionnel - le burn-out - qui, outre-Rhin, sont classés comme maladies ordinaires, ont décuplé, pour représenter 10 % des absences au travail. Si les chiffres définitifs 2011 ne sont pas encore disponibles, la tendance observée en 2010 devrait se confirmer. Le nombre de morts au travail a progressé de 13 % en un an. Les maladies professionnelles reconnues par salarié équivalent temps plein ont crû de plus de 20 %. Et les accidents du travail reconnus par salarié temps plein ont également progressé de plus de 6 %, opérant ainsi une convergence vers le peu glorieux niveau français. Bref, les indicateurs tant physiques que psychosociaux se détériorent nettement.
Les travailleurs allemands font face à une pression productive exceptionnelle. Le niveau d'activité est supérieur à celui d'avant crise. Selon la cinquième enquête européenne Eurofound sur " les conditions de travail ", réalisée en 2010, et sur " l'évolution des conditions de travail entre 1991 et 2010 ", près des trois quarts des travailleurs allemands déclarent désormais subir des cadences élevées au moins un quart du temps professionnel.
.../..
L'insatisfaction salariale, le sentiment d'être insuffisamment payé pour le travail effectué, atteint en 2010 un quart des travailleurs allemands - la moitié chez les précaires -, contre 16 % en 2005, se rapprochant ainsi dangereusement des niveaux français. Loin de tout déterminisme culturel, travailleurs allemands et français se sentent dans une même galère.
Si la chancelière Merkel fait mine de s'inquiéter de ces indicateurs, les patrons allemands adoptent un discours similaire à celui de leurs homologues français. Sans nier la dégradation des chiffres, les uns et les autres renvoient à la fragilité individuelle, voire générationnelle, en rappelant tous les avantages des salariés - 35 heures d'un côté, accords sur la gestion du temps de l'autre. Comment comprendre ce hiatus entre ressentis patronal et salarié ? ..../...
Philippe Askenazy directeur de recherche au CNRS, Ecole d'économie de Paris.
Le Monde
Depuis 2004, les jours d'absence pour syndromes d'épuisement professionnel - le burn-out - qui, outre-Rhin, sont classés comme maladies ordinaires, ont décuplé, pour représenter 10 % des absences au travail. Si les chiffres définitifs 2011 ne sont pas encore disponibles, la tendance observée en 2010 devrait se confirmer. Le nombre de morts au travail a progressé de 13 % en un an. Les maladies professionnelles reconnues par salarié équivalent temps plein ont crû de plus de 20 %. Et les accidents du travail reconnus par salarié temps plein ont également progressé de plus de 6 %, opérant ainsi une convergence vers le peu glorieux niveau français. Bref, les indicateurs tant physiques que psychosociaux se détériorent nettement.
Les travailleurs allemands font face à une pression productive exceptionnelle. Le niveau d'activité est supérieur à celui d'avant crise. Selon la cinquième enquête européenne Eurofound sur " les conditions de travail ", réalisée en 2010, et sur " l'évolution des conditions de travail entre 1991 et 2010 ", près des trois quarts des travailleurs allemands déclarent désormais subir des cadences élevées au moins un quart du temps professionnel.
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L'insatisfaction salariale, le sentiment d'être insuffisamment payé pour le travail effectué, atteint en 2010 un quart des travailleurs allemands - la moitié chez les précaires -, contre 16 % en 2005, se rapprochant ainsi dangereusement des niveaux français. Loin de tout déterminisme culturel, travailleurs allemands et français se sentent dans une même galère.
Si la chancelière Merkel fait mine de s'inquiéter de ces indicateurs, les patrons allemands adoptent un discours similaire à celui de leurs homologues français. Sans nier la dégradation des chiffres, les uns et les autres renvoient à la fragilité individuelle, voire générationnelle, en rappelant tous les avantages des salariés - 35 heures d'un côté, accords sur la gestion du temps de l'autre. Comment comprendre ce hiatus entre ressentis patronal et salarié ? ..../...
Philippe Askenazy directeur de recherche au CNRS, Ecole d'économie de Paris.
Le Monde