Le crime organisé ravage les communautés palestiniennes d’Israël
L’année 2023 promet d’être de loin l’année la plus meurtrière pour les Palestiniens de citoyenneté israélienne : quelque 160 personnes ont été tuées dans des règlements de compte, contre 109 pour tout 2022. Ils paient les conséquences d’années de négligence par l’Etat hébreu.
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L’année 2023 promet d’être de loin l’année la plus meurtrière pour les Palestiniens de citoyenneté israélienne : quelque 160 personnes ont été tuées dans des règlements de compte, contre 109 pour tout 2022. Ils paient les conséquences d’années de négligence par l’Etat hébreu.
Le pâle visage de Kifah Ighbariyeh émerge comme un masque du voile de deuil qui ceint sa tête. Cette femme de 41 ans a perdu sept de ses proches depuis 2019. Ça a commencé par un cousin du côté de sa mère. Puis, un cousin de son père, qui avait une maison convoitée par un gang – mai 2020. Deux mois après, ce fut le tour de son frère, son cadet de 5 ans. « Pour lui, je n’ai pas trouvé la force de crier. »
J’ai rencontré deux présidents, plusieurs ministres de la Sécurité publique. Je n’ai reçu que des promesses. Personne n’a été arrêté pour ces tueries. Cette violence nous transforme. Elle brise la société
Puis, c’est un autre cousin, 20 ans, en janvier 2021, alors qu’il rentrait d’une manifestation contre la violence. « J’ai vu le corps criblé de balles. Je l’ai embrassé sur le front en lui demandant de saluer mon frère. Je me suis dit que je pardonnerai jamais aux tueurs », confie-t-elle, tentant de ravaler ses larmes. Puis, en mai 2021, un autre cousin, fauché dans sa voiture, alors qu’il revenait de la maternité avec sa femme qui venait d’accoucher. Un an plus tard, un oncle, abattu au petit matin alors qu’il se rendait au travail, et il y a deux mois, un autre oncle. « J’ai rencontré deux présidents, plusieurs ministres de la Sécurité publique. Je n’ai reçu que des promesses. Personne n’a été arrêté pour ces tueries. Cette violence nous transforme. Elle brise la société », dit Kifah. Elle a peint sa colère, avec d’autres artistes, dans une grande fresque, sur un mur près de chez elle, à Umm al-Fahm.
Disputes familiales, brouilles entre propriétaires, prêts non remboursés, trafic d’armes, de drogue, racket – dans les communautés palestiniennes d’Israël, une violence de plus en plus meurtrière accompagne le développement d’une criminalité de plus en plus entreprenante, où on règle les comptes à l’arme à feu, et rien ne semble pouvoir enrayer la tendance, qui spirale vers l’autodestruction. Selon un rapport de la Knesset, les personnes qui ont succombé à un meurtre en Israël, entre 2018 et 2022, sont à 70 % des Palestiniens, alors que cette communauté ne constitue que 20 % de la population de cet Etat.
A Umm Al-Fahm, la troisième ville arabe d’Israël, 43 % de la population a moins de 19 ans. Et 40 % de ces jeunes se trouvent dans une situation de crise : pauvreté, parent absent, violence domestique, logement insalubre, chômage endémique. Autant de « soldats » à recruter pour les organisations criminelles, qui ont prospéré plus encore avec la pandémie de covid. Leur violence est encouragée par le nombre d’armes illégales en circulation dans le pays, passé de 267.000 en 2017 à 400.000 en 2020, selon un rapport de la Knesset.