Le Dernier Roi - Jean-Pierre Tuquoi - Extraits

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Le but de ce post est de partager avec vous les extraits qui m'ont le plus interpellée dans cet ouvrage que je vous conseille à tous !


« Ils ignoraient tout de la vie intime de H2, de ses ressorts secrets, de ses passions, de ses lubies et de ses contradictions. Ils ne savaient pas que ce roi vivait dans un monde peuplé par des dizaines de femmes à son service exclusif ; qu’il était capable de faire battre un serviteur – ou ses propres enfants – avec des cordes tressées trempées dans de l’eau et du sel, et de faire preuve d’une générosité étonnante et discrète pour la famille d’une domestique dans le besoin ; qu’il pouvait envoyer à l’asile un serviteur coupable d’être tombé amoureux d’une femme du harem comme de leur confier des missions secrètes ; que ce prétendu rationaliste était féru d’astrologie et qu’il portait au poignet une gourmette censée le protéger des mauvais esprits ; qu’il savait être d’une dureté inouïe, montrer un cœur de pierre et offrir à des centaines de Marocains anonymes d’aller à ses frais en pèlerinage à La Mecque ; que ce seigneur hautain et désinvolte, entouré d’une armée de serviteurs, était un bricoleur honorable, capable de jouer les plombiers :eek: pour réparer une fuite d’eau ou de disserter sur les qualités du béton, et qu’il se piquait d’être un artiste dans son genre. Il dessinait des voitures, traçait des plans de bâtiment, inventait des bijoux, créait des vêtements féminins que ses fournisseurs européens exécutaient fidèlement. Il les payait en argent liquide, souvent avec retard, mais sans barguigner. »
 
« Hassan 2 vit entouré en permanence d’une trentaine de concubines. Souhaitait-il s’affranchir de cette tradition, lorsque amoureux éperdu d’une starlette française, Etchika Choureau, il a succédé à son père ? Ou les femmes de Mohammed 5 ont-elles fini par le convaincre, comme on le prétend à Rabat, que la pérennité du trône passait aussi par le maintient d’un harem et qu’il fallait sacrifier l’amour au devoir ? Constatons que le jeune monarque s’est vite coulé dans le moule de la tradition et que les 4 concubines du début du règne sont vite rejointes par une cohorte de femmes. En fin de compte, il aura probablement passé autant de temps avec les femmes de son harem (dont les dernières pas encore nubiles, sont arrivées au palais dans les années 80) qu’avec ses cinq enfants. »
 
il y'a d autres livres à lire si t'es interessée par les bouquins sur la monarchie ( Hassan 2 la mémoire d'un roi, notre ami le roi,mohamed VI le grand malentendu...Etc)
mon préfèré est :

"Les officiers de sa majesté: les dérives des généraux marocains" de mahjoub tobji.. c'est le livre qui m'a le plus marqué
 
« Farida est la meilleure illustration des concubines influentes. Hayat Cherkaoui de son vrai nom, elle a été repérée adolescente par le tout jeune Hassan 2 au domicile de son meilleur ami, Abdelkrim Lahlou, dont Hayat est la nièce. Envoyée au palais au prix d’un mensonge – on lui a fait croire pour la rassurer qu’elle allait entrer au lycée -, prise en main par d’anciennes concubines de Mohammed 5 qui lui ont appris les bonnes manières, l’art du henné et du maquillage, elle eut le privilège de pouvoir étudier. Des professeurs lui ont enseigné – comme à toutes les futures concubines qui le souhaitaient – la littérature et les langues étrangères ; d’autres lui ont fait découvrir la poésie arabe classique.
Hayat, devenue Farida, « l’unique », ainsi en a décidé le Roi (avec l’actrice Etchika Choureau) est l’une des rares femmes que Hassan 2 a adorées. […] Farida voit Hassan 2 dix fois par jour et l’accompagne souvent à l’étranger. C’est à elle qu’il confie la clé de ses chambres fortes au palais royal de Rabat, à ceux de Dar Essalam et de Bouznika, où sont rangés les dossiers confidentiels et les liasses de devises étrangères, pour remercier entre autres « les amis du palais ». Ignorée de tous en dehors du palais, cette relation privilégiée a duré près de 30 ans. »
 
« La peur se nourrit aussi des coups d’Etat qui, en Afrique, et dans le monde arabe, font chanceler les dynasties que l’om imaginait éternelles. En une génération, 4 monarchies arabes ont été renversées (Egypte, Irak, Yémen, Libye). Si le vieux roi Idriss de Libye a été écarté par de jeunes officiers révolutionnaires avant les évènements de Skhirat de l’été 1971, le négus d’Ethiopie Halé Sélassié 1er et le shah d’Iran, un ami intime du roi du Maroc, ont été renversés peu après. L’époque ne sourit pas aux têtes couronnées. D’alleur comment oublier que l’histoire peut s’emballer quand nombre de ces princes et de ces princesses chassés du pouvoir fréquentent avec assisuité le palais royale où ils savent pouvoir compter sur l’hospitalité et la générosité de Hassan2 ? »
 
« L’été 1998, toutes les limites sont dépassées avec « l’affaire des chèques ». C’est une histoire ténébreuse aux contours encore imprécis aujourd’hui, qui a blessé le Roi au plus secret de lui-même. Farida, la plus aimée, et la plus loyale de ses concubines, qui au péril de sa vie a eu la présence d’esprit de mettre en lieu sûr des documents secrets lors du putsch de Skhirat, cette confidente qu’il a pleurée en la croyant disparue dans l’incendie du palais de Marrakech, cette femme désintéressée dont il a toujours pris parti face à la mère de ses enfants, l’aurait-elle trahi pour de l’argent ? Lorsque Jean Daniel rencontre Hassan 2 quelques semaines avant sa disparition, le journaliste note dans ses Carnets : « Le Roi dis que son regret le plus vif est sans doute de s’être mal entouré. Silence. A qui, à quoi pense-t-il ? (…) Il a son secret. Quelqu’un parmi ses proches lui aura « manqué » gravement, l’aura perfidement et longuement trompé ». On ne peut s’empêcher de penser que, près d’un an après avoir été écartée, Farida continue à hanter le monarque. […]
 
L’ « affaire des chèques » a démarré au printemps 1998 au retour de H2 d’une visite officielle en Égypte. Comme pour tous ses déplacements, le roi était parti, fin mai, lesté d’une valise contenant l’équivalent de plusieurs millions de francs en liquide. De l’argent de poche en quelque sorte, pour acheter des cadeaux à ses enfants et aux femmes du palais restées à Rabat, distribuer des pourboires royaux, faire face à l’imprévu …
[…]
Que s’est-il passé pendant ce temps ? Quelle femme est entrée dans l’appartement de Farida pour lui dérober la mallette d’argent ?
[…]
Farida aurait du prévenir tout de suite H2, lui avouer que cet argent a été dérobé dans l’appartement. […] Elle n’en fit rien. Plutôt que de parler, la concubine se met en quête pour remplacer l’argent volé. […]
Dans une pièce de ses appartements, masquée par un rideau, le roi conservait une valise remplie de carnets de chèques correspondants à ses multiples comptes en banque à l’étranger. »
Et je vous laisse deviner la suite ….
 
« Les sportifs intéressent M6 davantage que les hommes d’affaires. Invité au Forum de Davos qui chaque année en février réunit dans une station suisse de sports d’hiver le gotha des « décideurs » mondiaux, il ne donne pas suite à la proposition. Au printemps 2000, alors qu’il a accepté de recevoir le président de la Banque Mondiale, l’Américain James Wolfensohn, venu en famille au Maroc, au dernier moment il se ravise et fait annule l’audience. Commentaire pince-sans-rire de The Economist : « Apparemment, on n’avait pas besoin de ses conseils. » (10 juin 2000). La Banque Mondiale est pourtant l’un des principaux bailleurs de fonds du royaume. Le « Monsieur Politique Etrangère des 15 », Javier Solana, subira le même type de mésaventure en juillet 2001. »
 
A Rabat où il est arrivé par un avion spécial affrété par le Palais, le journaliste Jean Daniel respectera la consigne de silence. Mais l’écrivain Jean Daniel ne peut s’empêcher de croquer par petites touches un portrait acidulé et convaincant de ce jeune Roi entrevu le 2 septembre non pas au palais royal mais au ministère de la Défense : « le Roi, Jeune, en bras de chemise à manches courtes. Cravate barrée d’une broche. Cheveu ras. Teint brun olivâtre. Regard tendre et bien élevé. Détendu, direct, à l’aise, bien dans sa peau. Déterminé, du bon sens, de la prudence. Pris au jeu. Joues qui ont à peine cessé d’être poupines. Un soupçon de gestes efféminés. A peine. Enfant gâté, content d’être seul à jouer avec ses jouets. Inspire un désir de protection. Ne veut rien changer à sa vie privée. Ne veut pas qu’on le compare à son père. »
 
Moins de 2 mois après la disparition de Hassan II, Jeune Afrique ouvre ses colonnes à un écrivain, Abdelhak Serhane, qui dans un long texte nerveux et dévastateur dresse un sombre bilan des « années Hassan II », même si l’auteur prends soin de ne jamais mettre nommément en cause le roi défunt. Du jamais vu dans le royaume. « Le pays, écrit-il, aux dire des experts et de ceux qui gardent un peu de bon sens et de dignité ne se porte pas bien. Les âmes pudiques ou charitables disent que le Maroc compte plus de 50% d’analphabètes, loins derrière la Tunisie et l’Algérie. Les chiffres réels doivent nous faire rougir de honte et bondir de dépit. A partir des années 70, on a fabriqué un enseignement à 2 vitesses et vidé l’enseignement public de sa substance, faisant de l’école publique un dépotoir pour les déshérités et les laissés-pour-compte. Tout le monde le dit : les caisses de l’Etat sont vides, poursuit Serhane. Mais personne ne dit comment, ni pourquoi, ni à cause de qui on en est arrivé là, alors même que l’argent marocain dort dans certaines banques étrangères. Nous savons que les grosses fortunes ne paient pas d’impôts et que les responsables, à tous les niveaux, ont tendance à faire l’amalgame entre leurs biens personnels et ceux de l’Etat. Les pilleurs assermentés ne se sont pas gênés pour ruiner le pays en faisant fuir les capitaux à l’étranger.
 
suite :

la misère et le chômage qui fait que les rues et les places de nos cilles sont encombrées de mendiants, de chômeurs, de fous, d'enfants abandonnés vendeurs de sachets en plastique, la corruption est devenue un mode de pensée reconnu et admis; la femme dont le statut social est calqué sur un modèle d'il y a 14 siècles, les institutions dont la réforme urge, car elles sont une insulte à l’intelligence du Maroc. Nous avons perdu 4 décennies à détruire le pays, conclut l'auteur. Avons-nous encore assez de temps et de volonté pour le reconstruire?
 
Merci Seltana de partager avec nous ces extrait , j'attend la suite avec impatience !

Mais peut on connaitre le sort de Farida ? Bannie de la cour ou emprisonnée ?
 
Merci Seltana de partager avec nous ces extrait , j'attend la suite avec impatience !

Mais peut on connaitre le sort de Farida ? Bannie de la cour ou emprisonnée ?

derien :)

Hé hé hé ...tu devrais lire le livre, mais je te lâche quand même l'info pr Farida

"depuis l'été 98, l'ancienne concubine de H2 ne donne plus signe de vie. Elle est vivante, sans doute séquestrée derrière les murs d'un palais royal, mais sans possibilité de communiquer librement avec l'extérieur et encore moins de quitter le Maroc. Tout se passe comme si Farida n'avait jamais existé. Selon certaines confidences, H2 l'aurait reléguée ds la partie du palais réservée aux anciennes concubines de Mohammed 5. A la mort du Roi, son fils (M6) aurait refusé qu'elle vienne lui présenter ses condoléances."
 
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