Le Hamas en pleine mue politique

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22 août 2007 Claire Moucharafieh - "Pour la Palestine" n°53


Tant sur la légalité internationale (solution des deux Etats) que sur la reconnaissance tacite du fait israélien, tant sur la conception de l’Etat que sur les libertés publiques ou sur l’islamisation de la société, le Hamas d’aujourd’hui n’a plus grand chose à avoir avec la formation de 1987, issue des Frères musulmans, ni avec sa Charte. En moins de vingt ans d’existence, le Hamas est passé d’un mouvement local de prédication religieuse à un mouvement national de résistance armée contre l’occupation, puis à un parti de gouvernement. De façon prévisible, l’épreuve du pouvoir -local et exécutif- a imposé aux dirigeants du Hamas, surtout de “l’intérieur”, principe de réalité et pragmatisme. Quelles sont les mutations à l’oeuvre dans les discours et les pratiques ? Quels sont les défis d’une intégration politique durable du Hamas dans le paysage palestinien ? Les contradictions entre la direction de l’intérieur et celle de l’extérieur sont-elles solubles ? Etat des lieux d’un mouvement encore divisé mais en plein aggiornamento politique.
Le Hamas a le malheur d’avoir une Charte. Qui plus est, maximaliste et jihadiste. La raison voudrait que ce texte soit livré à l’histoire. Comme témoignage d’une période révolue. Tous les derniers développements politiques, en particulier depuis l’irruption du Hamas sur la scène politique locale et nationale palestinienne, attestent de sa « caducité » de facto. Mais le conflit israélo-palestinien se moque des faits. Cette charte, véritable aubaine idéologique, continue donc à servir de référence « obligatoire », indépassable, à la presse occidentale pour définir l’identité du mouvement et juger de ses positions. Quoi que dise le Hamas d’aujourd’hui ; quoi qu’il fasse. Ses ennemis jurés s’en servent à plus soif pour justifier la mise en quarantaine des « islamistes » palestiniens et leur statut de paria « terroriste », à défaut de leur annihilation. Cette « fixation » sur la charte, qui joue un triple rôle de chiffon rouge, de leurre, et d’écran, permet d’occulter tous les autres documents majeurs du Hamas, en particulier les plus récents. Elle favorise une lecture irréductible de l’adversaire ad vitam aeternam.

Le retour aux textes fondateurs n’est pas inutile. Mais à condition de ne pas en séparer l’esprit de la lettre et de les replacer dans leur contexte historique. Incontestablement, la charte du Hamas n’a rien pour plaire. Il est question de libération de la terre « sacrée », d’instauration d’un Etat islamique sur l’ensemble de la Palestine historique, d’application stricte et rigide de la chari’a, mais aussi d’obligation du jihad « patriotique », lequel « incombe à tout musulman » ; on y lit aussi que « la mort sur le chemin de Dieu, [est] la plus éminente des espérances ». Ce texte, truffé de références coraniques, est a-historique et sectaire. Ses envolées rhétoriques sont ultraconservatrices, souvent éradicatrices, parfois haineuses ou même classiquement antisémites [1]. Ce document, on le sait, a été rédigé en août 1988, dans l’électrochoc de la première Intifada, huit mois après la naissance d’un mouvement, encore nébuleux. Il ne peut se comprendre hors d’un contexte de concurrence aigüe avec le courant nationaliste -dominant. L’association des Frères musulmans, devenue Hamas, rompt, alors, avec le quiétisme religieux qui la caractérisait depuis les années 70 et renonce à sa mission d’islamiser la société par le biais exclusif du terrain social et éducatif. Elle bascule, sans expérience, dans la lutte contre l’occupation israélienne -jusqu’alors l’apanage de la seule OLP. Cette synthèse inédite entre islamisme et nationalisme est encore balbutiante. Le temps est à la surenchère rhétorique radicale, non au « consensus politique international », ou au compromis dans l’exercice des « droits inaliénables ». Tel est le passé (récent) [2].

Aujourd’hui, sans négliger ce qui reste vivace dans l’adhésion aux principes fondateurs, la seule approche dynamique est de pointer les éléments de rupture entre le Hamas de 1988 et celui de 2007. De mesurer le chemin parcouru. Quelles sont les évolutions à l’oeuvre sur le plan discursif, idéologique et politique ? La réputation du Hamas comme « ennemi de toute paix et de tout compromis » était-elle valide ?

Un « nouveau Hamas » ?

Les réponses du chercheur palestinoaméricain Khaled Hroub [3] sont précieuses, car son travail est basé sur une stricte analyse de discours. Il a pris la peine de décortiquer méticuleusement trois textes clefs majeurs récents du Hamas : la plate-forme électorale « Changement et réforme », (automne 2005) ; le projet de « Programme de gouvernement d’union nationale » (mars 2006) et la plate-forme gouvernementale présentée par le Premier ministre, Ismaïl Haniyeh, devant le Parlement, lors de sa première investiture le 27 mars 2006.
 
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