Le manuscrit volé de Pasolini

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LE MONDE | 27.03.10 | 14h56 • Mis à jour le 27.03.10 | 19h54 Réagissez
L'Italie aime ses mystères, les entretient. Ainsi l'assassinat du cinéaste et écrivain Pier Paolo Pasolini, la nuit du 1er au 2 novembre 1975, sur la plage d'Ostie, près de Rome, est-elle devenue un feuilleton de chronaca nera ("faits divers") qui vient de s'enrichir de deux épisodes.




Sur le même sujet Le 22 mars, Walter Veltroni, ancien ministre de la culture, ancien maire de Rome et ancien premier secrétaire du Parti démocrate, a écrit au ministre de la justice pour lui demander de rouvrir l'enquête "à la lumière des nouvelles techniques d'investigation scientifiques" sur ce meurtre. Une demande déjà faite par l'avocat des amis de Pasolini.

Pour la justice, l'assassin a un nom : Pino Pelosi, 17 ans à l'époque des faits, condamné à neuf ans et sept mois de prison. Et le crime a un mobile : l'homosexualité de Pasolini. Cette vérité a depuis été largement corrigée par Pelosi qui, devenu un jardinier tranquille, soutient depuis un an que les assassins étaient cinq et qu'ils "exécutaient visiblement une commande". Pour le compte de qui ? C'est là qu'un autre mystère s'enchâsse dans le précédent.

Changement de décor : à la Foire du livre de Milan, début mars, tout le monde attend le sénateur Marcello Dell'Utri. Bras droit de longue date de Silvio Berlusconi, condamné à neuf ans de prison en première instance pour ses liens avec la mafia, ce bibliophile prétend montrer au public le chapitre manquant de Pétrole (Gallimard, 1995, révision 2007), roman posthume, dans lequel Pasolini entendait livrer la vérité sur l'histoire tourmentée et violente de l'Italie des années 1970.

"Je connais les noms, écrivait Pasolini, et les faits. Mais je n'ai pas les preuves, même pas les indices. Je suis un intellectuel, un écrivain qui cherche à coordonner, qui met en relation des fragments, qui rétablit la logique là où semblait régner l'arbitraire, la folie et le mystère." Parmi ces mystères, la mort, en 1962, dans un accident d'avion suspect, d'Enrico Mattei, fondateur de la société pétrolière ENI. Ce dont devait notamment traiter le chapitre XXI de Pétrole : 60 feuillets disparus, selon certaines sources, du domicile de Pasolini après sa mort.

LES MAINS VIDES

Un meurtre. Un manuscrit volé, puis retrouvé. Et si le second était le mobile du premier ? Mais, Marcello Dell'Utri s'est présenté les mains vides. "Je l'ai vu, mais je ne l'ai plus", a-t-il dit, assurant néanmoins que ces feuillets étaient "inquiétants pour l'ENI".

Devant cette confusion, le ministère de l'intérieur italien a saisi les carabiniers afin qu'ils enquêtent sur la disparition de ce mystérieux chapitre. Vendredi 26 mars, le ministre de la justice, a répondu favorablement à M. Veltroni, tout en précisant qu'il n'avait "aucun pouvoir" pour ré-ouvrir l'enquête.

Une partie de la vérité sur la mort de Pier Paolo Pasolini serait pourtant simple à découvrir. Les vêtements qu'il portait la nuit de sa mort - et sur lesquels pourraient être pratiqué des tests ADN pour découvrir si un ou plusieurs assassins se sont acharnés sur son corps - sont au Musée du crime, à Rome.

Philippe Ridet (Rome, correspondant)
Article paru dans l'édition du 28.03.10
 
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