La guerre du phosphate sera-t-elle le prochain conflit mondial?
Par Jean-Laurent Cassely | publié le 22/11/2013 à 13h55
Une crise imminente aux conséquences potentiellement mondiales approche, et elle concerne le Maroc et le commerce du phosphate.
Le pays détient 75% des réserves connues de phosphate, «le quasi-monopole le plus impressionnant de l’histoire humaine» selon Jeremy Grantham, cofondateur du fonds d’investissement américain Grantham Mayo van Otterloo, interrogé par la BBC.
Or dans un contexte de croissance de la population, l’agriculture mondiale dépend entièrement de l’extraction du phosphate, utilisé pour fabriquer les engrais chimiques.
Premier problème selon la BBC:
les réserves sont énormes, le manque ne se fera pas sentir avant des décennies, voire des siècles.
Le phosphate est donc une ressource dévaluée et exploitée sans aucune limite pour l’environnement –même si son prix a connu une forte hausse ces dernières années, avant d'entamer une baisse en 2013.
Or l’apport excessif en phosphate de l’agriculture qui n’est pas absorbé par les plantes se déverse dans les rivières, contribuant au phénomène d’eutrophisation des milieux aquatiques (excès de matières organiques dans les eaux causée par la croissance puis la dégradation de quantités excessives d'algues).
Autre question brûlante: les ressources marocaines sont, comme l’explique le Global Post, situées pour une part au Sahara occidental, territoire revendiqué par le Maroc qui l’occupe depuis 1976 et par le Front polisario.
Si le Maroc est accusé d’exploiter les ressources du territoire qu’il occupe au détriment des populations locales, les multinationales qui achètent sa production sont jugées complices, à commencer par PotashCorp, la plus grande entreprise d’engrais au monde, comme l’explique une longue enquête du Christian Science Monitor.
Le gouvernement marocain se défend en affirmant que les mines situées sur le territoire du Sahara occitendal profitent aux populations locales, mettant en avant les embauches sur place et les financements de services publics, avec notamment la première université du territoire...
Les représentants sahraouis, eux, expliquent que ces derniers sont discriminés dans l’attribution des emplois dans les mines ou les ports au profit des Marocains qui viennent s’installer sur place grâce aux incitations financières du gouvernement.
Mais ce ne sont pas tant les questions morales qui inquiètent le reste du monde que les enjeux stratégiques de la région:
le proche Mali devenant le terrain de jeu des membres d’al-Qaida, certains experts pense que le Maroc –et donc l’approvisionnement en phosphate– pourrait être à son tour touché par des troubles internes.
De surcroît, toute une génération de Sahraouis qui a grandi dans les camps de réfugiés —majoritairement en Algérie— a été totalement absente des révolutions arabes,
et cette jeunesse envisage de plus en plus de se battre contre le Maroc, explique le Global Post.
Comme l’affirme Jeremy Grantham sur la BBC, les tensions qui pourraient monter sur place sont dans l'esprit des dirigeants militaires à travers le monde:
«Personne n’est impatient de voir arriver la grande guerre des engrais de 2042...»
http://www.slate.fr/monde/80301/guerre-phosphate-maroc-mali
mam