Le maroc en 2020

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Tharbat

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Contributeur
L’Evénement Magazine :
question:
Vous avez consacré une bonne partie de votre vie aux recherches prospectives. Si l’on vous demande à l’improviste de quoi sera fait le Maroc en l’an 2020, c’est-à-dire dans un quart de siècle, que diriez-vous?
reponse
Mahdi ELMANDJRA : Je crois, compte tenu de ce que vous venez de dire, que d’ici à l’an 2020 le Maroc aura développé les études prospectives et aura créé des centres qui pourront donner les indications et les informations nécessaires, des instruments pour mieux appréhender les développements futurs de sa société et de son économie. Il y a, au niveau politique, une prise de conscience importante quant à l’utilité des études prospectives, je crois que l’on prend l’avenir beaucoup plus au sérieux et cela est un signe annonciateur de transformations qui ne manqueront pas d’affecter le modèle de développement que le Maroc a suivi.

Comme c’est le cas de tous les pays du Tiers Monde et comme les enfants dans le processus d’éducation, le Maroc est passé par une phase d’imitation et de mimétisme où on essaie de ressembler à l’autre, on essaie de copier en voulant parvenir à certains résultats. Cela était fait de bonne foi et avec une bonne conscience. Maintenant, je pense que le Maroc de l’an 2020 connaîtra des changements dans le modèle de développement et parviendra peut-être à un modèle beaucoup plus endogène, c’est-à-dire qui tient compte des valeurs socioculturelles du pays et des besoins de sa société tels que ces besoins sont exprimés démocratiquement.
 
question: Quels pourraient être alors, à votre avis, les contours de ce modèle ? Comment se présentera, d’après une sorte de projection à l’avenir, la société marocaine de demain ?

reponse de Mehdi lmenjra
. : Il faudra s’attendre à ce que ce modèle laisse une place importante à la participation qui n’est pas acquise aujourd’hui. Le Maroc de l’an 2020, fera preuve d’un peu plus d’équité sur le plan de la distribution des ressources matérielles et non matérielles indépendamment de la couche de la société dont on provient. La génération qui aura la responsabilité de la gestion du pays en l’an 2020 sera une génération beaucoup moins complexée que les deux générations qui se sont succédées après l’indépendance, moins complexée à l’égard de l’extérieur ; c’est-à-dire comptant beaucoup plus sur elle-même avec une plus grande confiance à la fois dans son référentiel socio-culturel et son potentiel parce qu’elle aura des avantages en ce qui concerne le niveau de formation et aussi la quantité des cadres compétents dont le Maroc n’a pas disposé immédiatement après son indépendance. En prospective, le futur est toujours ouvert, le futur est pluriel, et la démarche prospective consiste d’abord à penser à des futurs désirables. Ensuite, voir de quelle manière ces futurs désirables peuvent être traduits en des futurs possibles en tenant compte, bien sûr, des différentes contraintes humaines, matérielles et financières. Je crois que, vers l’an 2020, la population du Maroc devrait être aux alentours de 45 millions, ce chiffre pouvant être estimé avec un peu plus de précision une fois qu’on aura donné les chiffres du dernier recensement entrepris. Compte tenu des progrès sur le plan sanitaire, le taux d’espérance de vie à cette époque là devrait se situer aux alentours de 65 ans et, de ce fait, la pyramide d’âge sera légèrement transformée. Mais, plus de 50% de la population aura moins de 25 ans. Il y a aussi un facteur important et pour lequel on ne se prépare pas suffisamment, c’est celui de la distribution entre la population rurale et la population urbaine. La population urbaine du Maroc en l’an 2020 se rapprochera de 70% et une ville comme Casablanca pourrait bien atteindre, sans difficulté, le chiffre de 7 millions.
 
E.M. : Pouvez-vous nous faire l’esquisse d’un des futurs désirables ?

Mehdi .Elmenjra. : En commençant par les choses les plus élémentaires, je crois qu’il est du domaine du possible que le Maroc parvienne à une autosuffisance alimentaire de l’ordre de 90%. Cela lui donnera beaucoup plus de souplesse et de possibilités dans l’élaboration de ses plans de développement. Il y a lieu d’espérer que le taux d’analphabétisme qui est encore élevé et qui se situe aux alentours de 55% pourrait être réduit à 25% et l’essentiel sera, non seulement, une réduction quantitative, mais également qualitative, c’est-à-dire qu’il faudra établir des équilibres entre le monde rural et le monde urbain et aussi entre le sexe féminin et le sexe masculin en ce qui concerne l’alphabétisation. Actuellement, le taux d’analphabétisme des femmes rurales dépasse les 80%. Il s’agira, à la fois, d’améliorer le taux global d’alphabétisme, mais s’assurer, aussi, d’un meilleur rééquilibre en accordant une priorité au monde rural et féminin.
 
Je crois que le Maroc s’est positionné pour pouvoir rechercher le point qui lui permettra d’arriver à bon port.
C’est déjà énorme, parce que si je vous dis que le Maroc s’est positionné cela veut dire que ça y est, tout est fait.
Non.
Je crois que ce qui est fait est déjà positif, c’est qu’on tire des leçons de certains échecs.
On le fait avec beaucoup plus de franchise, on le fait avec honnêteté politique, et ceci n’est pas rien.
Donc on est un peu libéré de certaines contraintes pour pouvoir être en mesure de se fixer des objectifs qui permettront au Maroc d’arriver à bon port.


Mahdi Elmandjra
 
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