Un article de Dominique VIDAL du Monde Diplomatique où il explique que ce qui peut faire mal à Israël c'est l'abrogation de l'accord économique d'association Union Européenne-Israël.
Extraits:
(...) Au coeur du débat - et du combat - figure donc laccord dassociation entre lUnion européenne et Israël (8). Signé le 20 novembre 1995 dans le cadre euroméditerranéen et entré en vigueur le 1er juin 2000, il instaure un régime de libre-échange. De surcroît, il fait dIsraël le seul Etat non européen associé au Programme européen de recherche, de développement technique et de démonstration (PRCD) : les chercheurs israéliens peuvent « participer à tous [ses] programmes spécifiques », et les Quinze financent 498 projets communs auxquels participent des universités, des centres de recherche, des entreprises et des individus...
Dans son article 2, laccord dassociation stipule que « les relations entre les parties, de même que toutes les dispositions du présent accord, se fondent sur le respect des droits de lhomme et des principes démocratiques, qui guide leur politique intérieure et internationale et constitue un élément essentiel de cet accord ». Cest pourquoi, dès 1996, la plate-forme des ONG françaises pour la Palestine sest mobilisée pour le report conditionnel de sa ratification par le Parlement français. Lorsquen 1999 la victoire de M. Ehoud Barak sur M. Benyamin Netanyahou la remis à lordre du jour, les associations ont exigé que sa ratification soit conditionnée au strict respect de larticle 2 - ce que précisèrent les parlementaires français, en accord avec le ministre des affaires étrangères. Depuis la réoccupation brutale de la Cisjordanie, une nouvelle bataille a commencé : pour le gel du traité. Avec, déjà, une importante victoire lorsque, le 10 avril 2002, en pleine opération « Rempart », le Parlement européen a demandé, à une large majorité, à la Commission et au Conseil européens « la suspension de laccord dassociation ».
Une pression considérable
Une telle exigence est-elle justifiée ? La gravité de la situation sur le terrain suffit à répondre. Or le nouveau gouvernement israélien persiste dans le recours à la force plutôt quà la négociation pourtant souhaitée par le « Quartette » (Etats-Unis, ONU, Union européenne et Russie). Les conditions que M. Ariel Sharon et a fortiori ses alliés posent à lacceptation de la « feuille de route » - supposée mener à la création, dici à 2005, dun Etat palestinien - équivalent à un refus. Il est donc logique que lUnion européenne recoure aux pressions - elle ne se prive dailleurs pas den exercer sur lAutorité palestinienne...
Justifiée, la suspension des accords avec Israël est-elle pour autant efficace ? Concrètement, elle signifierait, non la cessation du commerce entre les Quinze et Israël, mais la levée temporaire des avantages douaniers accordés à ce dernier. De même, le gel de laccord de coopération scientifique suspendrait le financement des projets en cours. Il sagirait, dans un cas comme dans lautre, dune pression considérable, tant ces atouts sont littéralement vitaux pour léconomie israélienne, qui a réalisé avec les Quinze - ces cinq dernières années - 44 % de ses importations et 28 % de ses exportations !
Dautant quIsraël se débat dans une crise très grave. Sa croissance, de + 6 % en 2000, est devenue négative : - 0,9 % en 2001 et - 1 % en 2002. Il a perdu près de la moitié de ses investissements directs étrangers : 11 milliards de dollars en 2000, 6 milliards de dollars en 2002. Sa dette extérieure, de 35 % du produit intérieur brut en 2000, est passée à 40 %. Quant à sa dette publique, elle est remontée de 93 % du PIB fin 2000 à 105 % fin 2002. Résultats : le taux de chômage dépasse 11 %, linflation repart (0 % en 2000, 7 % en 2002) et plus de 20 % des Israéliens (30 % des enfants) vivent sous le seuil de pauvreté (9). On voit mal comment son gouvernement, menacé dune suspension de laccord, pourrait refuser longtemps de manifester, dans les faits, sa volonté den appliquer enfin larticle 2.
Quelques précédents
Justifiée et efficace, une telle pression ne risque-t-elle pas de braquer les Israéliens ? Lexpérience de limmédiat après-guerre du Golfe (1991) montre quil nen est rien, au contraire. Le gouvernement de droite et dextrême droite de M. Itzhak Shamir, confronté à larrivée massive des juifs dURSS, avait sollicité un prêt de 10 milliards de dollars, dont lobtention nécessitait une garantie des autorités américaines. Le président George Bush (père) accepta, à condition que le premier ministre israélien sengage à participer, avec ses voisins arabes (Palestiniens compris), à la conférence de Madrid et à arrêter la colonisation des territoires occupés. Brutalement exprimée par le secrétaire dEtat James Baker, cette exigence, loin dalimenter le nationalisme, contribuera, en juin 1992, à la victoire dItzhak Rabin...
Sagissant de lUnion européenne, deux précédents méritent dêtre rappelés. De janvier à novembre 1988, le Parlement européen refuse dapprouver trois nouveaux protocoles financiers avec Israël pour lamener à laisser les producteurs palestiniens exporter directement leurs produits agricoles en Europe, où ils bénéficient de tarifs préférentiels : Israël autorisera finalement le transit de ces exportations. Le 18 janvier 1990, le Parlement demande le gel partiel de la coopération scientifique jusquà la réouverture des écoles et universités palestiniennes fermées : Israël cédera... pour un temps.
Bref, autant le boycottage risque de pousser les Israéliens - confondus dans une même réprobation - au repli, autant des pressions sur leur gouvernement pour le contraindre à respecter les droits de la personne et le droit international peuvent converger avec les efforts des mouvements pacifistes pour donner corps à une nouvelle perspective. Là se trouve le talon dAchille de M. Ariel Sharon.
Référence : Le Monde Diplomatique dAvril 2003
(1) Info CAPJPO site, 18 août 2002.
(2) Entretien à Paris, février 2003.
(3) Cf. Statistical Abstract of Israël 2002. site
(4) Info CAPJPO site, 18 août 2002, op. cit.
(5) Dépêche AFP, 6 janvier 2003.
(6) Cette citation et celles qui suivent, concernant l« affaire » Paris-VI, sont tirées du site du Comité de Solidarité avec les Universités Palestiniennes site
(7) Interview au Monde, 6 février 2003.
(8) Cf. Commission européenne : « The EUs relations with Israel ». site
(9) Cf. site de la Direction des relations économiques extérieures site
Extraits:
(...) Au coeur du débat - et du combat - figure donc laccord dassociation entre lUnion européenne et Israël (8). Signé le 20 novembre 1995 dans le cadre euroméditerranéen et entré en vigueur le 1er juin 2000, il instaure un régime de libre-échange. De surcroît, il fait dIsraël le seul Etat non européen associé au Programme européen de recherche, de développement technique et de démonstration (PRCD) : les chercheurs israéliens peuvent « participer à tous [ses] programmes spécifiques », et les Quinze financent 498 projets communs auxquels participent des universités, des centres de recherche, des entreprises et des individus...
Dans son article 2, laccord dassociation stipule que « les relations entre les parties, de même que toutes les dispositions du présent accord, se fondent sur le respect des droits de lhomme et des principes démocratiques, qui guide leur politique intérieure et internationale et constitue un élément essentiel de cet accord ». Cest pourquoi, dès 1996, la plate-forme des ONG françaises pour la Palestine sest mobilisée pour le report conditionnel de sa ratification par le Parlement français. Lorsquen 1999 la victoire de M. Ehoud Barak sur M. Benyamin Netanyahou la remis à lordre du jour, les associations ont exigé que sa ratification soit conditionnée au strict respect de larticle 2 - ce que précisèrent les parlementaires français, en accord avec le ministre des affaires étrangères. Depuis la réoccupation brutale de la Cisjordanie, une nouvelle bataille a commencé : pour le gel du traité. Avec, déjà, une importante victoire lorsque, le 10 avril 2002, en pleine opération « Rempart », le Parlement européen a demandé, à une large majorité, à la Commission et au Conseil européens « la suspension de laccord dassociation ».
Une pression considérable
Une telle exigence est-elle justifiée ? La gravité de la situation sur le terrain suffit à répondre. Or le nouveau gouvernement israélien persiste dans le recours à la force plutôt quà la négociation pourtant souhaitée par le « Quartette » (Etats-Unis, ONU, Union européenne et Russie). Les conditions que M. Ariel Sharon et a fortiori ses alliés posent à lacceptation de la « feuille de route » - supposée mener à la création, dici à 2005, dun Etat palestinien - équivalent à un refus. Il est donc logique que lUnion européenne recoure aux pressions - elle ne se prive dailleurs pas den exercer sur lAutorité palestinienne...
Justifiée, la suspension des accords avec Israël est-elle pour autant efficace ? Concrètement, elle signifierait, non la cessation du commerce entre les Quinze et Israël, mais la levée temporaire des avantages douaniers accordés à ce dernier. De même, le gel de laccord de coopération scientifique suspendrait le financement des projets en cours. Il sagirait, dans un cas comme dans lautre, dune pression considérable, tant ces atouts sont littéralement vitaux pour léconomie israélienne, qui a réalisé avec les Quinze - ces cinq dernières années - 44 % de ses importations et 28 % de ses exportations !
Dautant quIsraël se débat dans une crise très grave. Sa croissance, de + 6 % en 2000, est devenue négative : - 0,9 % en 2001 et - 1 % en 2002. Il a perdu près de la moitié de ses investissements directs étrangers : 11 milliards de dollars en 2000, 6 milliards de dollars en 2002. Sa dette extérieure, de 35 % du produit intérieur brut en 2000, est passée à 40 %. Quant à sa dette publique, elle est remontée de 93 % du PIB fin 2000 à 105 % fin 2002. Résultats : le taux de chômage dépasse 11 %, linflation repart (0 % en 2000, 7 % en 2002) et plus de 20 % des Israéliens (30 % des enfants) vivent sous le seuil de pauvreté (9). On voit mal comment son gouvernement, menacé dune suspension de laccord, pourrait refuser longtemps de manifester, dans les faits, sa volonté den appliquer enfin larticle 2.
Quelques précédents
Justifiée et efficace, une telle pression ne risque-t-elle pas de braquer les Israéliens ? Lexpérience de limmédiat après-guerre du Golfe (1991) montre quil nen est rien, au contraire. Le gouvernement de droite et dextrême droite de M. Itzhak Shamir, confronté à larrivée massive des juifs dURSS, avait sollicité un prêt de 10 milliards de dollars, dont lobtention nécessitait une garantie des autorités américaines. Le président George Bush (père) accepta, à condition que le premier ministre israélien sengage à participer, avec ses voisins arabes (Palestiniens compris), à la conférence de Madrid et à arrêter la colonisation des territoires occupés. Brutalement exprimée par le secrétaire dEtat James Baker, cette exigence, loin dalimenter le nationalisme, contribuera, en juin 1992, à la victoire dItzhak Rabin...
Sagissant de lUnion européenne, deux précédents méritent dêtre rappelés. De janvier à novembre 1988, le Parlement européen refuse dapprouver trois nouveaux protocoles financiers avec Israël pour lamener à laisser les producteurs palestiniens exporter directement leurs produits agricoles en Europe, où ils bénéficient de tarifs préférentiels : Israël autorisera finalement le transit de ces exportations. Le 18 janvier 1990, le Parlement demande le gel partiel de la coopération scientifique jusquà la réouverture des écoles et universités palestiniennes fermées : Israël cédera... pour un temps.
Bref, autant le boycottage risque de pousser les Israéliens - confondus dans une même réprobation - au repli, autant des pressions sur leur gouvernement pour le contraindre à respecter les droits de la personne et le droit international peuvent converger avec les efforts des mouvements pacifistes pour donner corps à une nouvelle perspective. Là se trouve le talon dAchille de M. Ariel Sharon.
Référence : Le Monde Diplomatique dAvril 2003
(1) Info CAPJPO site, 18 août 2002.
(2) Entretien à Paris, février 2003.
(3) Cf. Statistical Abstract of Israël 2002. site
(4) Info CAPJPO site, 18 août 2002, op. cit.
(5) Dépêche AFP, 6 janvier 2003.
(6) Cette citation et celles qui suivent, concernant l« affaire » Paris-VI, sont tirées du site du Comité de Solidarité avec les Universités Palestiniennes site
(7) Interview au Monde, 6 février 2003.
(8) Cf. Commission européenne : « The EUs relations with Israel ». site
(9) Cf. site de la Direction des relations économiques extérieures site