dimanche 16 novembre 2008 - 06h:55
Juan Miguel Muñoz - El Païs
Dans la ville sous tension quest Jérusalem, latmosphère ne rend pas propice le pharaonique et controversé projet financé par le Simon Wiesenthal Center : construire un musée sur le plus ancien cimetière musulman de la ville sainte.
Après deux années de procédure judiciaire, la Cour suprême a donné le feu vert. Frank Gehry, larchitecte engagé pour ériger un bâtiment dans son style, mettra tout en oeuvre pour donner vie au Musée de la tolérance. « Son nom », a écrit la critique darchitecture du journal Haaretz, Esther Zandbergen, « ne pourrait pas être plus sarcastique pour une ville où la tolérance est égale à zéro. »
Les pierres tombales musulmanes reposent encore dans ce cimetière fondé il y a quatre siècles. Plusieurs organisations musulmanes sont intervenues auprès de la Cour suprême en 2006 pour empêcher la construction du musée. Elles ont échoué. La Haute Cour a fourni, entre autres, un curieux argument. Comme en 1960, quand a été construit un parking dans la même enceinte, il ny a pas eu dobjection, il ne doit pas y en avoir aujourdhui non plus. Des centaines de palestiniens et citoyens arabes israéliens, dont le mufti de Jérusalem, ont protesté, jeudi dernier, entourés par des dizaines de policiers. Ils comptent comme alliés de circonstance et remarquables, bien quils ne soient pas dune grande aide : les juifs ultra-orthodoxes, qui considèrent les tombeaux comme sacrés.
Déjà en 2006, lorsque les travaux ont commencé, des centaines de squelettes sont remontés à la surface. Et comme le repos éternel mérite de la vénération, la décision du tribunal a concédé aux responsables du musée 60 jours pour enterrer les os ailleurs ou pour installer une barrière qui sépare les fondements de la construction des tombes. Personne ne doute maintenant quune solution du même genre sera trouvée.
Sur 30.000 mètres carrés, et grâce à un investissement de 200 millions deuros, Gehry va construire un musée dédié à la tolérance et à la coexistence. Le plus cher du monde dans une ville dépourvue de ressources, une des plus pauvres en Israël. Et toujours entouré de polémiques. Lorsque linitiative a été soulevée en 2004, le musée de lHolocauste sest assuré que le génocide des juifs ne soit pas abordé. Les promoteurs affirment que le nouveau musée, qui sera équipé dune salle de conférence, dun théâtre et de musées pour les adultes et les enfants, aura pour objet les traditions juives et les relations dIsraël avec les pays arabes. Des liens caractérisés par tout ce quon voudra sauf la tolérance.
Le musée servira, sans aucun doute, à effacer un vestige de plus du passé arabe à louest de la ville. A quelques mètres du cimetière, se construit un hôtel de luxe dans une enceinte qui appartenait autrefois au Conseil islamique suprême. De hautes tours de logements entourent déjà de belles maisons arabes de la période ottomane. Les protestations des architectes et urbanistes israéliens nont eu aucun effet. Les murailles de la vieille ville, construite sous le règne du sultan Suleiman le Magnifique, de Jérusalem-Ouest sont de moins en moins visibles. Un tout nouveau centre commercial et un bloc dappartements, (et bien sûr à des prix prohibitifs), sont un mur infranchissable à des dizaines de mètres des murailles.
Zandberg estime que la vie urbaine dans le quartier de Shiva Nahalat subira un coup sévère. Et pour réfuter un des arguments quemploient ses promoteurs, il a écrit mercredi sur la promotion du tourisme : « Jérusalem est unique en elle-même, si loffre qui est vraiment unique est bien gérée. »
Il ne semble pas que loeuvre de Gehry, ni le pont récemment inauguré de Santiago Calatrava, puissent susciter un intérêt plus important pour les touristes qui ont inondés les vieilles pierres de la terre biblique. Mieux, Zandbergen craint le contraire. « La décision du tribunal casse les espoirs darrêter ce projet ridicule qui dun bout à lautre nest rien de plus quune source de conflit et de désaccord, qui attisera les flammes de la haine, et qui sera ridicule en plein centre de Jérusalem ».
Juan Miguel Muñoz - El Païs
Dans la ville sous tension quest Jérusalem, latmosphère ne rend pas propice le pharaonique et controversé projet financé par le Simon Wiesenthal Center : construire un musée sur le plus ancien cimetière musulman de la ville sainte.
Après deux années de procédure judiciaire, la Cour suprême a donné le feu vert. Frank Gehry, larchitecte engagé pour ériger un bâtiment dans son style, mettra tout en oeuvre pour donner vie au Musée de la tolérance. « Son nom », a écrit la critique darchitecture du journal Haaretz, Esther Zandbergen, « ne pourrait pas être plus sarcastique pour une ville où la tolérance est égale à zéro. »
Les pierres tombales musulmanes reposent encore dans ce cimetière fondé il y a quatre siècles. Plusieurs organisations musulmanes sont intervenues auprès de la Cour suprême en 2006 pour empêcher la construction du musée. Elles ont échoué. La Haute Cour a fourni, entre autres, un curieux argument. Comme en 1960, quand a été construit un parking dans la même enceinte, il ny a pas eu dobjection, il ne doit pas y en avoir aujourdhui non plus. Des centaines de palestiniens et citoyens arabes israéliens, dont le mufti de Jérusalem, ont protesté, jeudi dernier, entourés par des dizaines de policiers. Ils comptent comme alliés de circonstance et remarquables, bien quils ne soient pas dune grande aide : les juifs ultra-orthodoxes, qui considèrent les tombeaux comme sacrés.
Déjà en 2006, lorsque les travaux ont commencé, des centaines de squelettes sont remontés à la surface. Et comme le repos éternel mérite de la vénération, la décision du tribunal a concédé aux responsables du musée 60 jours pour enterrer les os ailleurs ou pour installer une barrière qui sépare les fondements de la construction des tombes. Personne ne doute maintenant quune solution du même genre sera trouvée.
Sur 30.000 mètres carrés, et grâce à un investissement de 200 millions deuros, Gehry va construire un musée dédié à la tolérance et à la coexistence. Le plus cher du monde dans une ville dépourvue de ressources, une des plus pauvres en Israël. Et toujours entouré de polémiques. Lorsque linitiative a été soulevée en 2004, le musée de lHolocauste sest assuré que le génocide des juifs ne soit pas abordé. Les promoteurs affirment que le nouveau musée, qui sera équipé dune salle de conférence, dun théâtre et de musées pour les adultes et les enfants, aura pour objet les traditions juives et les relations dIsraël avec les pays arabes. Des liens caractérisés par tout ce quon voudra sauf la tolérance.
Le musée servira, sans aucun doute, à effacer un vestige de plus du passé arabe à louest de la ville. A quelques mètres du cimetière, se construit un hôtel de luxe dans une enceinte qui appartenait autrefois au Conseil islamique suprême. De hautes tours de logements entourent déjà de belles maisons arabes de la période ottomane. Les protestations des architectes et urbanistes israéliens nont eu aucun effet. Les murailles de la vieille ville, construite sous le règne du sultan Suleiman le Magnifique, de Jérusalem-Ouest sont de moins en moins visibles. Un tout nouveau centre commercial et un bloc dappartements, (et bien sûr à des prix prohibitifs), sont un mur infranchissable à des dizaines de mètres des murailles.
Zandberg estime que la vie urbaine dans le quartier de Shiva Nahalat subira un coup sévère. Et pour réfuter un des arguments quemploient ses promoteurs, il a écrit mercredi sur la promotion du tourisme : « Jérusalem est unique en elle-même, si loffre qui est vraiment unique est bien gérée. »
Il ne semble pas que loeuvre de Gehry, ni le pont récemment inauguré de Santiago Calatrava, puissent susciter un intérêt plus important pour les touristes qui ont inondés les vieilles pierres de la terre biblique. Mieux, Zandbergen craint le contraire. « La décision du tribunal casse les espoirs darrêter ce projet ridicule qui dun bout à lautre nest rien de plus quune source de conflit et de désaccord, qui attisera les flammes de la haine, et qui sera ridicule en plein centre de Jérusalem ».