"le parlementaire youssef h. dénonce un racisme «structurel»"

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Mais qu'est-ce qui est « écrit sur ma tête » ?



4 Novembre 2014





auteur:

Youssef Handichi











Sèchement interpellé par un policier de faction devant le Parlement bruxellois, le député Youssef Handichi s'insurge contre les discriminations ordinaires et quotidiennes. Il dénonce un racisme «structurel», répandu, écrit-il dans une carte blanche publiée dans Le Soir du 4 novembre 2014, jusque dans les plus hautes sphères de l'Etat.

Vendredi dernier, rassemblement des étudiants devant le Parlement bruxellois. Le comité « Sauver la plaine » avait prévu une délégation pour rencontrer des députés. Mes collègues Mathilde El Bakri (PTB), Zoé Genot (Ecolo) et moi-même sommes sortis devant le Parlement pour les accueillir. A l'heure de la rencontre, nous retournons vers le Parlement. Alors que mes collègues et les étudiants sont rentrés sans problème, franchissant les policiers stationnés devant le Parlement, l’un d’entre eux m'a barré la route. Je lui ai dis que j'étais parlementaire. Il me répond du tac au tac « c'est pas écrit sur ta tête ». Tutoiement et ton agressif en prime.

Mais qu'est-ce qui est donc « écrit sur ma tête » ? La même chose sans doute que le jour où, à 14 ans, avec mon ami Nasser, on s'est fait traiter de « macaques » par une patrouille de policiers. Ou ce jour où, à la Gare du Nord, à 15 ans, je me suis fait courir après et ensuite contrôler brutalement sans raison. Deux souvenirs dans une longue série. Après de telles expériences, tu perds confiance. Dans la police. Dans cette société où la discrimination est quotidienne. En toi-même aussi. Tu traînes cela longtemps. Ce mépris qui se traduit dans ce tutoiement que l'on m'a si souvent servis. Ici encore. Être député ne m'a pas épargné ce « tu » tellement méprisant, alors qu'autour de moi, pour les collègues du Parlement, c'est un « vous » respectueux qui est de mise. Manifestement, certains n'ont toujours pas accepté que la diversité de notre société se retrouve représentée au Parlement.

Être député ne m'a pas mis à l'abri. Et en fait, j'en suis vraiment content. Car, en revanche, être député me donne peut être une meilleure chance de faire entendre notre voix. La voix de tous ceux qui subissent cette discrimination aujourd'hui en Belgique.

Je sais que tous les policiers ne sont pas comme ça. Mais si j'écris aujourd'hui, c'est parce que cela arrive trop souvent. On peut tout simplement parler d'un racisme structurel. Et ce racisme, il est double. Par rapport à la classe à laquelle j'appartiens comme travailleur, comme ex-délégué syndical de la STIB. Et par rapport à mon origine, ma culture, ma religion. Probablement que si j'étais habillé en costard cravate et que j'avais les manières de « ceux d'en haut », ce policier n'aurait pas eu la même attitude.

Ce racisme, il est dans la police mais aussi au plus haut niveau de l'Etat. Il suffit d'entendre les représentants des partis au pouvoir.

Ce racisme, il est dans la police mais aussi au plus haut niveau de l'Etat. Il suffit d'entendre les représentants des partis au pouvoir. Les dirigeants de la N-VA comme Theo Francken ou Lisbeth Homans dire que « le racisme est relatif » et assimiler clairement les demandeurs d'asiles, les migrants en général à des criminels ou des fraudeurs en puissance qu'il faut renvoyer chez eux « volontairement si possible, par la force s'il le faut ». Un Didier Reynders qui déclare fièrement à la tribune de la Chambre qu'« aller à Molenbeek c'est déjà aller à l'étranger ». Mais aussi toutes ces politiques qui, années après années créent un climat xénophobe : durcissement de la nationalité ou des conditions pour le regroupement familial, absence de lutte contre la discrimination à l'embauche et j'en passe. Toutes ces choses qu'ils écrivent sur notre tête...

Pas plus tard que la semaine passée, dans la déclaration de politique générale du ministre-président bruxellois Rudi Vervoort, j'ai pu constater que la lutte contre la discrimination n'était tout simplement pas mentionnée une seule fois. Pourtant les études et les faits sont là. Si trouver un emploi ou un logement à Bruxelles est déjà très difficile, que dire quand on s'appelle Fatima ou Mamadou ? Rudi Vervoort doit être bien dans son monde pour oublier cette réalité quotidienne de tant de Bruxellois. Et en l'oubliant, c'est le racisme qu'il contribue à maintenir.

Ce racisme structurel, venu d'en haut, il se propage à tous les niveaux. Au quotidien. Il prend de multiples formes : xénophobie, islamophobie. Jusqu'à retrouver des tags, le week-end dernier, « Islam Buiten » sur les murs du Palais de justice.

Le racisme est un instrument politique du « diviser pour régner ». Il dresse ceux qui ont peur de tout perdre contre ceux qui n'ont rien.

Le racisme est un instrument politique du « diviser pour régner ». Il dresse ceux qui ont peur de tout perdre contre ceux qui n'ont rien. Pour combattre le racisme, il faut combattre les inégalités. Alors, évidemment, avec toutes leurs politiques actuelles qui ne font qu'augmenter la pauvreté et les inégalités, ils ne sont pas prêts d'y arriver.

Mon expérience m'a appris que c'est en se mettant ensemble, les travailleurs, les gens dans les quartiers, les associations qu'on peut mener ce combat. C’est en vivant ensemble, en se rencontrant, en s'organisant qu'on dépasse les clichés. C'est aussi en menant des politiques claires : bannir le racisme, testings systématiques pour éviter discriminations à l'embauche et au logement, des objectifs chiffrés obligatoires de personnes issues de l'immigration, pour le privé comme pour le public… Pour refléter la diversité de notre société. C'est pour relayer ce combat, notamment, que je suis devenu député. Pour faire en sorte que, tout ouvrier d'origine immigrée que je suis, plus personne ne me regarde sur base de ce qui est « écrit sur ma tête ».

Youssef Handichi, député PTB au parlement bruxellois
 
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