"Hercule contre Hermès", c’est le titre d’un documentaire qui pourrait être diffusé prochainement sur la chaîne Arte, avant une sortie en salles de cinéma. A moins que des pressions diverses n’empêchent le projet d’aboutir… Ce documentaire de quatre-vingt-dix minutes, de Mohamed Ulad, produit par Nicolas Namur, d’Epiphène Films, fait partie de ces oeuvres qui ont dû surmonter bien des obstacles et continuent d’en affronter.
L’histoire est éclairante : un paysan marocain, Mohammed El-Mektiri, 32 ans, surnommé Hercule à cause de sa force, vit avec sa famille sur un lopin de terre près d’une plage au sud de Tanger. Sur ce petit coin de paradis, le père, la mère et les huit frères et soeurs vivent de la culture de leur terre, de la pêche et des revenus d’une paillote dressée chaque été sur la plage. Jusque-là, tout va bien. Mais leur unique voisin, Patrick Guerrand-Hermès, héritier de la marque de luxe française, a acquis les terres alentour, en vue d’aménager un terrain de polo. Pour cela, l’ex-président de la Fédération internationale de polo n’a plus qu’à acheter la parcelle de la famille El-Mektiri. Seulement voilà, Hercule refuse, ainsi que sa mère, la solide Rachida. Tous deux ont même fait de la prison à la suite d’altercations avec ceux qu’ils nomment les « mercenaires d’Hermès« .
Durant deux ans, entre 2009 et 2011, le réalisateur franco-marocain Mohamed Ulad a filmé la bataille du petit paysan contre l’héritier argenté. La saga a été longuement racontée dans ces colonnes, et tous les protagonistes ont pu exprimer leurs points de vue (Le Monde du 5 juillet 2011). Puis les relations se sont dégradées. Le réalisateur a été agressé durant le tournage, l’autorisation de filmer lui a été retirée, puis restituée, etc. Patrick Guerrand-Hermès a porté plainte contre le cinéaste et son producteur pour « violation de la vie privée » et « atteinte au droit à l’image » auprès de la justice marocaine. L’affaire est en cours.
Depuis quelques semaines, les mauvaises nouvelles s’accumulent. La chaîne Arte a procédé à cinq visionnages du film, avant de le valider en septembre 2011. Or, en janvier 2012, le réalisateur a reçu un courrier d’Arte signalant que le film posait des problèmes juridiques. Un exemple : la première séquence montre un homme faisant du quad sur la fameuse plage ; apercevant la caméra, il fait un bras d’honneur à l’équipe du film. L’homme est un proche collaborateur de Patrick Guerrand-Hermès. Faut-il le nommer ou, au contraire, ne pas l’identifier ? Il y a aussi cette phrase de la mère, Rachida, disant en substance : « S’il n’y a plus de corruption dans la justice marocaine, alors Hermès est fichu. »
« Il n’y a pas de problème«
Joint par téléphone, le responsable d’Arte qui suit le projet, Alex Szalat, assure qu’ »il n’y a pas de problème quant à la diffusion du film« , sans pour autant s’engager sur une date… « Arte doit vérifier qu’il n’y a pas de risque de diffamation. Il faut que l’on se mette d’accord sur la version définitive du film« , ajoute-t-il. Le réalisateur essaie de garder le moral. Mais le temps presse. Tant qu’Arte n’a pas donné son feu vert officiel, explique-t-il, il ne peut percevoir la dernière tranche des financements prévus.