L'excuse du colonialisme est celle vers laquelle se dirigent invariablement certains - toujours les mêmes - qui ne veulent voir que des causes exogènes au retard de développement du monde musulman, et non - aussi - intrinsèques à son mode de pensée et de fonctionnement.
Ne voir que des causes exogènes est un aveuglement. Ne voir que des causes endogènes est une ignorance.
Pour rappel, le retard du monde musulman, son lent immobilisme-déclin, ne date pas du colonialisme. Celui n'a fait que le mettre en exergue de manière brutale par le choc de la confrontation avec l'Occident. Le début du déclin du monde musulman est à chercher bien plus avant, et se situe au tournant du 13ème siècle, à la fin des croisades et des invasions tatares. Aamin Maalouf l'a bien mis en évidence dans plusieurs de ses ouvrages, et il n'est pas le seul. Le monde musulman s'est progressivement "arrêté de penser", a déclaré fermées les portes de l'Ijtihad (sauf celui de consensus), achevée l'interprétation du Coran, et s'est contenté de vivre alors en gros selon un moule social établi une fois pour toutes, et déclaré immuable. L'hostilité à l'Occident lui a aussi fait se désintéresser des progrès scientifiques émanant d'Europe et se replier sur lui-même, perdant toute curiosité intellectuelle pour ce qui n'était pas islamique.
Si l'on analyse les conditions de l'essor intellectuel de l'âge d'or musulman, du 8ème au 11ème siècles, on constate que les effets exactement inverses étaient socialement présents: ouverture intellectuelle, ardents débats théologiques, acquis de savoirs extérieurs, échanges et curiosité. Bref tout l'inverse de la structure sociale qui s'est installée par la suite et a perduré jusqu'au choc de la rencontre avec l'Occident.