Le retour au Maroc

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Imad est un jeune marocain qui a choisi de revenir au Maroc. Voici son feedback sur le monde du travail sous forme d’une chronique humoristique :

Le retour au Maroc nous hante tous…Enfin il ne me hante plus tant que ca dans la mesure où j’ai dores et déjà franchi ce pas décisif… Et c’est mon feedback sur cette nouvelle expérience qui au départ n’est pas sensée en être une - vu que dans l’absolu, c’est un retour à des sources que nous n’avons pas quitté depuis si longtemps…- que je vous propose…

Une vieille loi de la physique grecque énonçait que tout ce qui montait devait obligatoirement redescendre un jour. Cela est valable pour les geysers, les fusées, le pipi, les baballes, le jus dans un mixer qui tourne, et… pour nous autres MTE (Marocains Transitant par l’Etranger !)

Ce mouvement nord - sud tant redouté… c’est de cela que je vais vous parler !

Que nous le préparions ou pas, que nous y pensions depuis des lustres ou qu’il arrive subitement, qu’il soit structuré ou brouillon, anticipé ou tardif, ce retour constitue une étape charnière de notre vie…
La décision vient un jour, à Paris, Londres, Montreal, ou Dubai… ou même à Casa ou Rabat en vacances…

Pourquoi rester à Paris, se taper le métro chaque matin, les -5 degrés, un appart d’où il faut sortir si le soleil rentre tellement il est petit et où on prend des mesures avant d’aller chez IKEA parcqu’on n’est pas sûrs de tout y caser.

Pourquoi rester loin du Maroc où ca bouge et où le business est si facile et rester à l’étranger à toucher un salaire riquiqui - qui décroît inexorablement vers le découvert à chaque fin de mois - vs les efforts consentis au travail. Pourquoi gagner le même salaire qu’au Macdo en Smic horaire et tuer ses yeux et ses articulations phalangiales pour rester au final un consultant, financier, marketteur, ou ingénieur lambda ?

Les propositions ne manquent pas, la qualité de vie est indéniable et séduit, et un avenir doré se profile devant vos yeux à cet instant… Aussitôt dit aussitôt fait (bon, à quelques semaines d’intervalle quand même…), le billet est pris, le successeur dans l’appartement est trouvé, le boulot est prévenu (ou pas d’ailleurs), la carte de séjour renouvelée (sait on jamais), voici l’essentiel de l’effort réalisé…
Rentrer… c’est laisser derrière nous toute une vie, bien rythmée et régulée, des habitudes, des restos, des amis aussi qui nous rejoindront (ou pas) dans quelque temps, un couple qu’on regrette, qu’on entretient, qu’on délaisse, qu’on sacrifie, ou qu’on cherche à sauvegarder…

Rentrer… c’est d’abord se rendre compte qu’on n’a pas où jeter son chewing gum ou son package de Merendina car il y a une poubelle tous les 10 kms… et c’est donc apprendre à garder des ordures dans les poches : Le recyclage new age, le recyclage par l’obligation …

Rentrer… c’est ensuite apprendre à gérer des situations de crise qu’on ne rencontre jamais ailleurs… savoir négocier avec un flic qui vous arrête pour excès de vitesse, devenir pro dans l’art d’accélérer l’obtention d’une quelconque pièce administrative, ou expert dans l’art d’aller discrètement au G-sound vendredi sans se faire scanner-copier-coller dans la rubrique ragots casablancais… On développe au Maroc des skills insoupçonnées en matière de flexibilité, de débrouillardise, et de 9waleb (intraduisible j’attend vos propositions) !!

Rentrer… c’est aussi se réadapter à toute une mentalité que nous avions oubliée… c’est d’abord assimiler le fait qu’au travail, 5% des gens sont réellement là pour tirer l’entreprise vers l’avant, et les autres rêvent tous d’horaire continu, de pause café, de vacances (spécialité nationale), et de travail buissonnier (rare domaine où les marocains sont passés maîtres en innovation, avec notamment le certificat médical factice, le grand père et voisin qui décède 40 fois par an, les enfants malades continuellement, et la tuyauterie de l’appartement qui fuit…) ! Comparez la situation à un train de marchandises : une locomotive et 80 wagons qui sont autant de boulets pour la société…

Autre grand sport national professionnel : la rétention d’informations. Tout le monde sans exception imagine que le magnifique petit tableau excel de 13 lignes et 3 colonnes qu’il a mis 3 mois à finir est d’une importance capitale pour la marche de l’entreprise et le développement du pays… Et du coup se croit obligé de le garder précieusement en t’en refusant l’accès… Va lui expliquer que son fichier, tout le monde n’en a fichtrement rien à foutre et que son tableau excel, tes potes en fusaq le pondent en 13 secondes et 3 raccourcis clavier, et de surcroît en plein sommeil!

Encore une tare professionnelle : la peur de la substitution. Personne n’est irremplaçable, et cela, nombre de cadres incompétents arpentant les allées de moult entreprises l’ont bien compris. Ils voient très vite en toi une menace potentielle, venue gravir les échelons au plus vite, et ne sachant absolument pas ce qu’est la hiérarchie ou l’attente… Toujours plus haut, toujours plus vite, telle est notre devise au retour… Allez leur expliquer le concept de méritocratie…

Allez, une autre catastrophe commune au monde du travail ici, et je change de registre : le respect des deadlines et des engagements. Soyons très clairs, la notion de délai est totalement inconnue à 99.99% de vos futurs collaborateurs et est un concept uniquement destiné à se donner bonne conscience, le temps de trouver un prétexte à leur futur retard (voir partie « 9waleb » pour plus d’explications). La tenue des engagements, quant à elle, est culturellement et intrinsèquement une utopie impossible à atteindre… A croire que tout le monde ici est un candidat électoral en puissance et a compris le concept de « je promets tout, je ne donne rien ! ». Oubliez une quelconque responsabilisation de vos futurs collègues, trouvez plutôt des alternatives dès maintenant (tout faire soi même, tout faire soi même, ou tout faire soi même…).

Je vous passerai les dernières recommandations pour devenir vraiment proche de vos collaborateurs et faire du team building et du management de proximité efficaces, du style : devenir pro en solitaire et démineur, suivre le championnat espagnol et supporter le Recreativo huelva (Supporter le Real ou le Barca vous coupera de la moitié de la boîte), apprécier le café noir acide (à 2dhs, celui de la machine à café dont on change le filtre tous les 5 ans), apprendre à parler de la pluviométrie et du cours du mouton sur les marchés internationaux …


http://www.casawaves.com/2009/01/14/from-paris-to-casablanca-2-months-later-1/
 
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