Le Sahara est-il soluble dans le business ?

petitbijou

Casablanca d'antan
VIB
Si l’arbre marocain, pour paraphraser Hassan II, oriente volontiers son feuillage en direction de l’Europe, ses racines nourricières, elles, plongent au cœur de l’Afrique. Au commencement de cette longue histoire partagée était l’islam et sa propagation, telle une coulée basaltique incandescente de foi, jusqu’aux rives du fleuve Niger. Bien plus tard vint le temps des indépendances africaines, celui du groupe de Casablanca et d’un royaume de Mohammed V, Mecque providentielle de tout ce que le continent, en cette aube des années 1960, comptait de combattants de la liberté : Mandela, Cabral, Neto, Machel…

Quelques années encore et voici le Maroc devenu, en pleine guerre froide, la puissance relais, en Afrique, d’un monde occidental obsédé par l’expansionnisme soviéto-cubain. L’Algérie socialiste a capté à son profit la mystique anticoloniale et les amis du roi s’appellent désormais Senghor et Mobutu, Houphouët et Bongo, Eyadéma et Ahidjo, Sékou Touré et Ould Daddah. Tous viennent au Maroc pour s’y reposer ou s’y faire soigner. Leurs officiers fréquentent l’Académie de Meknès et la technicité des gardes du corps marocains, alors denrée exportable aussi précieuse que l’huile d’argan est très appréciée. Diplomatiquement, le royaume, conscient de son bon droit et sûr de son aura africaine, dort dans son rocking-chair. Plus dure sera la chute.

L’affaire du Sahara et, en 1984, le retrait marocain de l’OUA, où les partisans de l’indépendance du Sahara occidental tiennent le haut du pavé, sont donc ressentis à Rabat comme une blessure, une injustice et une ingratitude suprêmes. Pendant quinze ans, un Hassan II outragé va en quelque sorte tourner le dos au continent, accentuant l’insularité et le tropisme européen de son pays.

De cette amertume paternelle vis-à-vis de l’Afrique, Mohammed VI n’a pas hérité. Patiemment, il a renoué les fils distendus, n’hésitant pas à voyager au sud de Dakhla – ce que son père n’avait jamais fait –, privilégiant l’humanitaire, mais aussi, et surtout, l’économie. Plutôt que de relancer une épuisante bataille sur le terrain diplomatique (ce qui serait pourtant jouable, puisque les pays qui ont maintenu leur reconnaissance de la République sahraouie sont désormais minoritaires au sein de l’Union africaine), le roi préfère contourner l’obstacle en encourageant les hommes d’affaires chérifiens à mettre leurs pas dans ceux de leurs ancêtres. Ne dit-on pas que dans chaque famille fassie il était d’usage autrefois d’envoyer un fils faire fortune « au sud du sud » ? La reconquête de l’Afrique par le Maroc passe avant tout par le commerce, un peu comme si l’inextricable dossier du Sahara était, lui, soluble dans le business…

Par François Soudan,
 
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