Avant les accords dOslo, il y avait une véritable lutte idéologique entre partisans du Grand Israël et ceux qui étaient prêts à rendre les territoires. La société israélienne était clivée et divisée. Aujourdhui alors que les idées de La Paix Maintenant appartiennent au consensus et que la majorité de la population juive a renoncé aux territoires, le véritable allié des colons est lindifférence de cette population. Cest ce que nous dépeint très justement Aluf Benn dans cet article. Ce tableau de la situation vient nous renforcer dans notre conviction que seule une forte ingérence extérieure réussira à imposer la solution que les deux sociétés civiles fatiguées et lasses de ce conflit attendent de leurs vux.
Haaretz, 13 janvier 2010
http://www.haaretz.com/hasen/spages/1142320.html
Le véritable héritage de Sharon : garder les Arabes hors la vue Aluf Benn
Traduction : Gérard pour La Paix Maintenant
Supposons que la prédiction optimiste de Gearge Mtichell, émissaire américain au Proche-Orient, se réalise et que la création dun Etat indépendant de Palestine soit proclamée dici deux ans lors dune cérémonie. Cet événement sera retransmis en prime time, mais la plupart des Israéliens zapperont sur la télé-réalité la plus en vogue du moment.
Non que les téléspectateurs israéliens sopposent à un Etat palestinien, mais tout simplement parce que cela leur indifférera. La Palestine-shmalestine [le suffixe « shm » devant un mot, hérité du yiddish, exprime la dérision, quelque chose quon ne prend pas au sérieux, ndt] ne les intéresse pas.
Aujourdhui, la plupart des Israéliens sont coupés du conflit avec les Palestiniens et nont pas de contact avec eux. De leur point de vue, les Palestiniens sont des acteurs flous quon ne voit quaux actualités.
Mahmoud Abbas et Ismail Haniyeh parlent, des femmes couvertes de la tête aux pieds font le deuil dans une tente, des hommes courent avec une civière derrière une ambulance, dautres cachent leur visage et lancent des roquettes Qassam. Les Israéliens ne veulent pas en savoir plus.
Naplouse et Ramallah sont à 40 minutes en voiture de Tel Aviv, mais pour les Tel Aviviens, cest une autre planète. New York, Londres et la Thaïlande sont bien plus proches.
Les colons situés au-delà de la clôture de séparation sont les seuls Israéliens à voir des Palestiniens, essentiellement à travers la vitre de leur voiture, sur les routes quils partagent. Les colons, comme les Palestiniens, nont aucun contact avec les habitants des régions de Tel-Aviv, Haïfa ou Beer Sheva, dont il est rare quils traversent la clôture. Ils nont rien à faire [dans les colonies de] Elon Moreh, Yitzhar ou Psagot. Et il est possible de parvenir aux grosses colonies comme Ma'aleh Adumim et Ariel sans voir un Palestinien.
Ainsi, cette politique disolation constitue le véritable héritage dAriel Sharon, qui a construit la clôture en Cisjordanie, quitté Gaza et poussé les Palestiniens hors du travail en Israël. Sharon ne croyait pas à la paix et les liens avec « les Arabes » ne lintéressaient pas. Tout ce quil voulait, cétait protéger les Juifs de leurs voisins « assoiffés de sang ». Les garder hors la vue permet aux Israéliens de vivre comme si le conflit nexistait pas, avec les seuls colons à la périphérie et des soldats sur la ligne de feu.
De même, le « problème démographique » est moins effrayant quand il est enfermé derrière un mur ou des clôtures.
Par le passé, léconomie dIsraël dépendait du travail palestinien, mais seuls les plus âgés se souviennent de ces travailleurs dans les restaurants, les sites de construction ou les stations essence. Ici et là, on peut encore trouver des amitiés : des serveurs du restaurant 206 à Kiryat Shaul réunissent parfois leurs pourboires pour un ami palestinien, autrefois serveur lui aussi, et aujourdhui assiégé dans la bande de Gaza.
Les histoires comme celle-ci font presque partie du folklore. Léconomie israélienne lorgne Wall Street et non la rue Shuhada [rue autrefois commerçable de Hebron, aujourdhui interdite aux Palestiniens, ndt]. La bourse est peu affectée par les questions de sécurité de tous les jours, et les prix de limmobilier senvolent, comme si nous étions à Hong Kong et non dans un pays en alerte de sécurité constante.
Larmée, qui a envoyé des générations dIsraéliens dans les territoires occupés, a réduit au minimum la présence de ses soldats face aux Palestiniens. De moins en moins accomplissent leur période de réserve, encore moins en Cisjordanie. Larmée régulière a, elle aussi, réduit au minimum les activités de ses unités dans les territoires. La police est désormais confiée à la brigade Kfir. Quant à laviation, à qui revient lessentiel du combat dans la bande de Gaza, elle ne voit les Palestiniens que comme des points silencieux sur des écrans alimentés par les caméras des drones.
Haaretz, 13 janvier 2010
http://www.haaretz.com/hasen/spages/1142320.html
Le véritable héritage de Sharon : garder les Arabes hors la vue Aluf Benn
Traduction : Gérard pour La Paix Maintenant
Supposons que la prédiction optimiste de Gearge Mtichell, émissaire américain au Proche-Orient, se réalise et que la création dun Etat indépendant de Palestine soit proclamée dici deux ans lors dune cérémonie. Cet événement sera retransmis en prime time, mais la plupart des Israéliens zapperont sur la télé-réalité la plus en vogue du moment.
Non que les téléspectateurs israéliens sopposent à un Etat palestinien, mais tout simplement parce que cela leur indifférera. La Palestine-shmalestine [le suffixe « shm » devant un mot, hérité du yiddish, exprime la dérision, quelque chose quon ne prend pas au sérieux, ndt] ne les intéresse pas.
Aujourdhui, la plupart des Israéliens sont coupés du conflit avec les Palestiniens et nont pas de contact avec eux. De leur point de vue, les Palestiniens sont des acteurs flous quon ne voit quaux actualités.
Mahmoud Abbas et Ismail Haniyeh parlent, des femmes couvertes de la tête aux pieds font le deuil dans une tente, des hommes courent avec une civière derrière une ambulance, dautres cachent leur visage et lancent des roquettes Qassam. Les Israéliens ne veulent pas en savoir plus.
Naplouse et Ramallah sont à 40 minutes en voiture de Tel Aviv, mais pour les Tel Aviviens, cest une autre planète. New York, Londres et la Thaïlande sont bien plus proches.
Les colons situés au-delà de la clôture de séparation sont les seuls Israéliens à voir des Palestiniens, essentiellement à travers la vitre de leur voiture, sur les routes quils partagent. Les colons, comme les Palestiniens, nont aucun contact avec les habitants des régions de Tel-Aviv, Haïfa ou Beer Sheva, dont il est rare quils traversent la clôture. Ils nont rien à faire [dans les colonies de] Elon Moreh, Yitzhar ou Psagot. Et il est possible de parvenir aux grosses colonies comme Ma'aleh Adumim et Ariel sans voir un Palestinien.
Ainsi, cette politique disolation constitue le véritable héritage dAriel Sharon, qui a construit la clôture en Cisjordanie, quitté Gaza et poussé les Palestiniens hors du travail en Israël. Sharon ne croyait pas à la paix et les liens avec « les Arabes » ne lintéressaient pas. Tout ce quil voulait, cétait protéger les Juifs de leurs voisins « assoiffés de sang ». Les garder hors la vue permet aux Israéliens de vivre comme si le conflit nexistait pas, avec les seuls colons à la périphérie et des soldats sur la ligne de feu.
De même, le « problème démographique » est moins effrayant quand il est enfermé derrière un mur ou des clôtures.
Par le passé, léconomie dIsraël dépendait du travail palestinien, mais seuls les plus âgés se souviennent de ces travailleurs dans les restaurants, les sites de construction ou les stations essence. Ici et là, on peut encore trouver des amitiés : des serveurs du restaurant 206 à Kiryat Shaul réunissent parfois leurs pourboires pour un ami palestinien, autrefois serveur lui aussi, et aujourdhui assiégé dans la bande de Gaza.
Les histoires comme celle-ci font presque partie du folklore. Léconomie israélienne lorgne Wall Street et non la rue Shuhada [rue autrefois commerçable de Hebron, aujourdhui interdite aux Palestiniens, ndt]. La bourse est peu affectée par les questions de sécurité de tous les jours, et les prix de limmobilier senvolent, comme si nous étions à Hong Kong et non dans un pays en alerte de sécurité constante.
Larmée, qui a envoyé des générations dIsraéliens dans les territoires occupés, a réduit au minimum la présence de ses soldats face aux Palestiniens. De moins en moins accomplissent leur période de réserve, encore moins en Cisjordanie. Larmée régulière a, elle aussi, réduit au minimum les activités de ses unités dans les territoires. La police est désormais confiée à la brigade Kfir. Quant à laviation, à qui revient lessentiel du combat dans la bande de Gaza, elle ne voit les Palestiniens que comme des points silencieux sur des écrans alimentés par les caméras des drones.