Bonjour
Le thread de @Drianke au gingembre sur Stephen Hawking m'a fait penser à un problème.
Dans le monde de la « petite philosophie » ou de la « petite théologie » (si on peut dire), on fait un grand usage d'auteurs scientifiques (qu'ils soient mainstream ou marginaux). Il convient bien à notre propos de s'autoriser d'un avis de scientifique ou de revendiquer un appui de ce côté.
Le problème est que beaucoup de livres de vulgarisation, écrits parfois par de grands scientifiques (par exemple en France à une époque, il y avait Monod, Changeux, François Jacob, Yves Coppens, Henri Laborit, Hubert Reeves, Albert Jacquard, et d'autres puis on a aujourd'hui des gens comme Étienne Klein ou Pascal Picq), le problème, dis-je, est que ce genre de livres ont tendance à ne survivre dans la mémoire collective que pour une ou deux citations fracassantes insérées stratégiquement dans le texte. Des citations ayant une portée philosophique ou théologique, mais qui, retirées de leurs livres, appauvrissent beaucoup la réflexion de l'auteur. Et ce sont des citations qui sont pas forcément très bien étayées par le livre lui-même, car elles sont souvent périphériques au propos principal et paraissent surtout destinées à un effet marketing ou simplement à attirer l'attention. Sans compter que leur auteur a pas forcément un grand bagage philosophique ou théologique.
Prenons l'exemple du célèbre livre de Monod, Le hasard et la nécessité. La plus grande partie du livre est consacrée à des descriptions de mécanismes moléculaires de la cellule pas très intéressantes pour le profane, mais à la toute fin, Monod laisse tomber une bombe : il dit que l'homme sait désormais qu'il est seul dans l'univers, d'où il a émergé par hasard. Et c'est principalement cette phrase qui a passé à la postérité. On avait là un scientifique de renom, pionnier de l'ADN, qui lançait une déclaration fracassante comme cela.
Ou encore le livre de Hawking Une brève histoire du temps . Ce livre est d'un niveau trop avancé pour la plupart des lecteurs, même s'il se prétend une vulgarisation et qu'il ne contient pas d'équations. Par contre, on en a extrait deux ou trois citations fracassantes sur Dieu, et on a fait un tapage autour d'elles. Peu importe les autres idées du livre, ou le fait que le livre parle de théories difficiles de la physique de pointe, on l'a utilisé dans les débats sur Dieu et le sens de la vie. Hawking est réduit au statut de grand prophète ou oracle de la Science, auquel on adhère avec foi ou qu'on rejette avec mépris (« pour qui se prend-il? »)
Ou encore le livre de Dawkins L'horloger aveugle, que l'on cite surtout pour sa discussion au tout début de la théologie naturelle de Paley (ancêtre des créationnistes) alors que cela ne couvre que quelques pages de ce livre assez gros qui abonde en détails biologiques.
Le thread de @Drianke au gingembre sur Stephen Hawking m'a fait penser à un problème.
Dans le monde de la « petite philosophie » ou de la « petite théologie » (si on peut dire), on fait un grand usage d'auteurs scientifiques (qu'ils soient mainstream ou marginaux). Il convient bien à notre propos de s'autoriser d'un avis de scientifique ou de revendiquer un appui de ce côté.
Le problème est que beaucoup de livres de vulgarisation, écrits parfois par de grands scientifiques (par exemple en France à une époque, il y avait Monod, Changeux, François Jacob, Yves Coppens, Henri Laborit, Hubert Reeves, Albert Jacquard, et d'autres puis on a aujourd'hui des gens comme Étienne Klein ou Pascal Picq), le problème, dis-je, est que ce genre de livres ont tendance à ne survivre dans la mémoire collective que pour une ou deux citations fracassantes insérées stratégiquement dans le texte. Des citations ayant une portée philosophique ou théologique, mais qui, retirées de leurs livres, appauvrissent beaucoup la réflexion de l'auteur. Et ce sont des citations qui sont pas forcément très bien étayées par le livre lui-même, car elles sont souvent périphériques au propos principal et paraissent surtout destinées à un effet marketing ou simplement à attirer l'attention. Sans compter que leur auteur a pas forcément un grand bagage philosophique ou théologique.
Prenons l'exemple du célèbre livre de Monod, Le hasard et la nécessité. La plus grande partie du livre est consacrée à des descriptions de mécanismes moléculaires de la cellule pas très intéressantes pour le profane, mais à la toute fin, Monod laisse tomber une bombe : il dit que l'homme sait désormais qu'il est seul dans l'univers, d'où il a émergé par hasard. Et c'est principalement cette phrase qui a passé à la postérité. On avait là un scientifique de renom, pionnier de l'ADN, qui lançait une déclaration fracassante comme cela.
Ou encore le livre de Hawking Une brève histoire du temps . Ce livre est d'un niveau trop avancé pour la plupart des lecteurs, même s'il se prétend une vulgarisation et qu'il ne contient pas d'équations. Par contre, on en a extrait deux ou trois citations fracassantes sur Dieu, et on a fait un tapage autour d'elles. Peu importe les autres idées du livre, ou le fait que le livre parle de théories difficiles de la physique de pointe, on l'a utilisé dans les débats sur Dieu et le sens de la vie. Hawking est réduit au statut de grand prophète ou oracle de la Science, auquel on adhère avec foi ou qu'on rejette avec mépris (« pour qui se prend-il? »)
Ou encore le livre de Dawkins L'horloger aveugle, que l'on cite surtout pour sa discussion au tout début de la théologie naturelle de Paley (ancêtre des créationnistes) alors que cela ne couvre que quelques pages de ce livre assez gros qui abonde en détails biologiques.