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LE MONDE | 22.10.09 | 10h17
L'Afrique reçoit des sommes considérables des migrants partis travailler sur d'autres continents, mais le manque d'information, de concurrence et de régulation empêche cet argent d'agir pleinement sur le développement. C'est ce que révèle un rapport de l'International Fund for Agricultural Development (IFAD), publié jeudi 22 octobre à l'occasion d'un forum sur les transferts de fonds organisé à Tunis par cette agence de l'ONU, pour mobiliser banques centrales et gouvernements sur la question.
La première surprise de ce rapport tient en un chiffre : d'après l'IFAD, 40 milliards de dollars (26,7 milliards d'euros) sont envoyés chaque année à leurs proches par les émigrés africains. Ce montant était jusqu'alors inconnu, mais il était estimé entre trois et quatre fois moindre.
"L'Afrique avait toujours été une énigme en ce qui concerne les transferts de fonds", explique Pedro de Vasconcelos, économiste à l'IFAD et coauteur de ce premier état des lieux. "On les évaluait généralement entre 10 milliards et 17 milliards de dollars. Même les banques centrales africaines n'avaient aucun chiffre."
Ce manque d'information a des conséquences en cascade : "L'impact des transferts est colossal, mais sous-utilisé. L'argent est là; le problème, c'est le manque d'options. N'ayant pas conscience des montants en jeu, les gouvernements ne se préoccupent pas de réguler le marché ou de rendre ces sommes productives, pas plus que le secteur privé", explique M. de Vasconcelos.
Résultat, le marché des transferts est détenu à 64 % par deux acteurs seulement, Western Union et MoneyGram. Faute de concurrence, le taux des commissions est d'environ 10 % en moyenne en Afrique où il peut même atteindre 25 % , contre 5,6 % en moyenne dans le monde.
"Si on réduit ce taux de moitié, 2 milliards de dollars de plus arrivent dans la poche des familles chaque année, résume l'économiste de l'IFAD. En Amérique latine, l'ouverture du marché a fait chuter les taux de 15 % à moins de 5 %."
La concurrence aurait un autre avantage : la multiplication des points de retrait, dont les zones rurales africaines sont largement dépourvues. Or un tiers des transferts sont destinés à des familles rurales. "Le Mexique dispose d'autant de points de retrait que toute l'Afrique, avec une population dix fois moindre", compare M. de Vasconcelos. "Pour beaucoup d'Africains, aller chercher cet argent, c'est un ou deux jours de travail perdus."
L'agence des Nations unies propose de transformer les bureaux de poste en points de retrait, alors qu'ils n'en ont aujourd'hui pour la plupart ni le droit ni les moyens. L'IFAD vient de signer un accord avec l'Universal Postal Union pour travailler en ce sens.
D'autres solutions existent. Au Kenya, le téléphone mobile devient un des moyens les plus économiques d'effectuer des transferts d'argent. Le Kenya est aussi un des rares pays à autoriser les institutions de microfinance à opérer ces envois de fonds. Dans toute l'Afrique, ces organismes ne forment que 3 % des points de retrait. Leur ouvrir le marché des transferts suffirait à doubler le nombre de guichets, selon l'IFAD.
Surtout, au lieu d'un simple mécanisme de consommation, "cela créerait une dynamique locale d'épargne et de microcrédit, qui donnerait une tout autre dimension à l'économie", estime M. de Vasconcelos.
Car si l'essentiel de l'argent des transferts de fonds sert à faire face à des dépenses de première nécessité nourriture, logement, santé ou éducation , "5 à 10 milliards de dollars sont disponibles pour l'épargne et l'investissement", selon le rapport. Des sommes capitales en pleine crise économique, alors que l'aide publique au développement s'essouffle et que les investissements directs étrangers s'effondrent.
Les transferts des migrants souffrent eux aussi : ils ont chuté de 12,7 % depuis le début de l'année selon l'IFAD. Un choc d'autant plus rude que ces envois avaient connu une croissance moyenne de 17 % dans le monde depuis dix ans, et que "par rapport à d'autres régions, l'Afrique dépend vraiment des transferts de fonds", précise M. de Vasconcelos.
Grégoire Allix
L'Afrique reçoit des sommes considérables des migrants partis travailler sur d'autres continents, mais le manque d'information, de concurrence et de régulation empêche cet argent d'agir pleinement sur le développement. C'est ce que révèle un rapport de l'International Fund for Agricultural Development (IFAD), publié jeudi 22 octobre à l'occasion d'un forum sur les transferts de fonds organisé à Tunis par cette agence de l'ONU, pour mobiliser banques centrales et gouvernements sur la question.
La première surprise de ce rapport tient en un chiffre : d'après l'IFAD, 40 milliards de dollars (26,7 milliards d'euros) sont envoyés chaque année à leurs proches par les émigrés africains. Ce montant était jusqu'alors inconnu, mais il était estimé entre trois et quatre fois moindre.
"L'Afrique avait toujours été une énigme en ce qui concerne les transferts de fonds", explique Pedro de Vasconcelos, économiste à l'IFAD et coauteur de ce premier état des lieux. "On les évaluait généralement entre 10 milliards et 17 milliards de dollars. Même les banques centrales africaines n'avaient aucun chiffre."
Ce manque d'information a des conséquences en cascade : "L'impact des transferts est colossal, mais sous-utilisé. L'argent est là; le problème, c'est le manque d'options. N'ayant pas conscience des montants en jeu, les gouvernements ne se préoccupent pas de réguler le marché ou de rendre ces sommes productives, pas plus que le secteur privé", explique M. de Vasconcelos.
Résultat, le marché des transferts est détenu à 64 % par deux acteurs seulement, Western Union et MoneyGram. Faute de concurrence, le taux des commissions est d'environ 10 % en moyenne en Afrique où il peut même atteindre 25 % , contre 5,6 % en moyenne dans le monde.
"Si on réduit ce taux de moitié, 2 milliards de dollars de plus arrivent dans la poche des familles chaque année, résume l'économiste de l'IFAD. En Amérique latine, l'ouverture du marché a fait chuter les taux de 15 % à moins de 5 %."
La concurrence aurait un autre avantage : la multiplication des points de retrait, dont les zones rurales africaines sont largement dépourvues. Or un tiers des transferts sont destinés à des familles rurales. "Le Mexique dispose d'autant de points de retrait que toute l'Afrique, avec une population dix fois moindre", compare M. de Vasconcelos. "Pour beaucoup d'Africains, aller chercher cet argent, c'est un ou deux jours de travail perdus."
L'agence des Nations unies propose de transformer les bureaux de poste en points de retrait, alors qu'ils n'en ont aujourd'hui pour la plupart ni le droit ni les moyens. L'IFAD vient de signer un accord avec l'Universal Postal Union pour travailler en ce sens.
D'autres solutions existent. Au Kenya, le téléphone mobile devient un des moyens les plus économiques d'effectuer des transferts d'argent. Le Kenya est aussi un des rares pays à autoriser les institutions de microfinance à opérer ces envois de fonds. Dans toute l'Afrique, ces organismes ne forment que 3 % des points de retrait. Leur ouvrir le marché des transferts suffirait à doubler le nombre de guichets, selon l'IFAD.
Surtout, au lieu d'un simple mécanisme de consommation, "cela créerait une dynamique locale d'épargne et de microcrédit, qui donnerait une tout autre dimension à l'économie", estime M. de Vasconcelos.
Car si l'essentiel de l'argent des transferts de fonds sert à faire face à des dépenses de première nécessité nourriture, logement, santé ou éducation , "5 à 10 milliards de dollars sont disponibles pour l'épargne et l'investissement", selon le rapport. Des sommes capitales en pleine crise économique, alors que l'aide publique au développement s'essouffle et que les investissements directs étrangers s'effondrent.
Les transferts des migrants souffrent eux aussi : ils ont chuté de 12,7 % depuis le début de l'année selon l'IFAD. Un choc d'autant plus rude que ces envois avaient connu une croissance moyenne de 17 % dans le monde depuis dix ans, et que "par rapport à d'autres régions, l'Afrique dépend vraiment des transferts de fonds", précise M. de Vasconcelos.
Grégoire Allix