vendredi 30 janvier 2009 - 18h:33
Jonathan Cook
Quatre jours de suite, une ambulance a conduit Amira Ghirim, 15 ans, de lhôpital Shifa jusquà la frontière à Rafah. On espérait que la fillette serait admise en Egypte pour aller en France se faire opérer durgence.
Amira a eu le bras et la cuisse gauches écrasés et les organes internes blessés par la chute de gravats quand un obus a touché sa maison dans le quartier de Tel al Hawa, à Gaza Ville, vers la fin de loffensive israélienne. Lassaut qui a tué son père, son frère et sa soeur la laissée orpheline.
Sa tante, Mona Ghirim, raconte toutefois que malgré lurgence de son opération, Amira sest fait renvoyer chaque fois de la frontière. "Tous les matins quand nous arrivions au passage, les soldats égyptiens nous insultaient et nous disaient de partir".
Mme Ghirim a dit que létat dAmira sétait détérioré à cause des heures quelle avait passées hors de lhôpital. Hier, en entendant que la frontière resterait fermée, elles ont décidé dabandonner le voyage. "Amira est très malade et ces déplacements inutiles ne sont pas bons pour elle".
Amira est lune des quatre enfants auxquels une équipe de docteurs en France à offert une opération qui pourrait leur sauver la vie. Toutefois, Amira et les autres enfants sont victimes dune bataille bureaucratique opposant lAutorité palestinienne, le Hamas et lÉgypte.
Mohammed Salem, chef du groupe médical Pal Med basé en France, était parmi les médecins qui accompagnaient les enfants jusquau passage vendredi dernier. Il a dit que les médecins avaient pu passer, mais que les ambulances transportant les enfants étaient restées bloquées. Quand les médecins ont essayé de retourner à Gaza, ils nont pas été autorisés à passer.
"Nous ne savons pas pourquoi les enfants ont été refoulés" dit-il. " Nous avions tous les papiers et les documents nécessaires. On nous avait dit quune fois que nous aurions traversé le passage de Rafah, lambulance transportant les enfants serait autorisée à nous suivre".
Il semblerait que le Ministère de la santé de Ramallah ait brusquement changé de politique et que, la veille de la tentative de départ des quatre enfants, il ait annoncé quil ny avait plus de raison de faire soigner dautres enfants à létranger.
Pendant lattaque israélienne de vingt-deux jours contre Gaza, près de 1300 palestiniens ont été tués et quelque 5300 ont été blessés.
Dans les jours qui ont suivi la déclaration de cessez-le-feu par Israël, le 18 janvier, des centaines de Gazaouis grièvement blessés ont été transférés en Égypte par le passage de Rafah. Beaucoup sont soignés dans les hôpitaux égyptiens et dautres ont été envoyés à létranger.
Mais pour ces quatre cas, il semble que les autorités égyptiennes aient préféré se plier aux souhaits du Ministère palestinien de la santé par crainte de frictions diplomatiques.
Sur les quatre enfants, Hazem Abu Odeh, 12 ans et Iman Khadum, 9 ans doivent être opérés pour arrêter une hémorragie dans leurs reins.
Le quatrième, Alla Abu Dagan, 16 ans, souffre de fractures et de blessures multiples dans le ventre causées par lexplosion dun obus.
Parlant sous couvert de lanonymat, une source diplomatique a dit quAmira et les autres enfants ont probablement été pris dans une dispute politique causée par la division entre lAutorité palestinienne, contrôlée par le Fatah en Cisjordanie, et le gouvernement du Hamas à Gaza
"LAP veut montrer que son autorité sétend à Gaza également. Elle utilise le contrôle quelle exerce sur laide médicale internationale à Gaza pour montrer qui est le chef et qui est aux commandes » selon la source.
Le Ministère palestinien de la santé sest refusé à tout commentaire.
Mme Ghirim a dit que sa nièce avait subi un traumatisme terrible." Après le bombardement de la maison, elle a rampé hors du bâtiment pour demander de laide, mais la rue était déserte. Elle a couché en plein air et toute la nuit elle a entendu les voix des soldats qui parlaient en hébreu.
Le lendemain matin, elle a rampé sur cinq cents mètres jusquà une autre maison pour se cacher. Elle est restée là jusquau retour du propriétaire de la maison. Celui-ci a dit quelle était en état de choc, couverte de sang et de poussière.
Les organisations médicales internationales ont fait leur propre évaluation de la situation à Gaza ces derniers jours. LOrganisation mondiale de la santé devrait émettre un rapport dans les jours à venir.
Une équipe de douze médecins israéliens arabes, membres de Médecins pour les droits humains, est rentrée de Gaza dimanche. Les médecins ont prévenu que le système de santé à Gaza avait atteint ses limites et que les patients blessés risquaient de mourir.
Selon Riyad Haddad, chirurgien au centre médical Carmel de Haïfa : "laide médicale est abondante, mais les soins que les médecins peuvent prodiguer sont extrêmement limités du fait de lisolement de Gaza qui a été coupé du monde pendant de longs mois".
Il a dit que les techniciens nétaient pas formés à lutilisation dun équipement hospitalier moderne,que les médecins navaient pas assisté à des séminaires médicaux sur les derniers progrès dans leur domaine, et quil y avait une grave pénurie de personnel infirmier formé.
Il a aussi dit que Gaza navait pas les psychologues nécessaires pour répondre à lampleur des traumatismes mentaux infligés à la population.
Sur les milliers de blesses, plus de six cents auraient une infirmité permanente. "Gaza a le plus grand besoin de centres de revalidation pour traiter un si grand nombre de personnes handicapées".
Le Dr Haddad a dit que beaucoup de médecins gazaouis lui avaient signalé des blessures inhabituelles et difficiles à soigner, infligées par les armes expérimentales quIsraël avait utilisées pendant son offensive.
Il a également mis en garde contre les obus non explosés qui avaient déjà tué des enfants jouant avec des munitions trainant dans les gravats. Le week-end dernier le Comité international de la Croix-Rouge a dit que les engins non explosés posaient un « nouveau danger majeur » pour la population civile.
Gaza risque aussi de connaître de grandes épidémies comme le choléra qui augmenteraient encore le nombre de décès. Le Dr Haddad a dit "Bien que la plupart des corps aient été dégagés des gravats, vous pouvez voir et sentir des animaux morts partout : des moutons des chèvres des chats et des chiens".
* Jonathan Cook est écrivain et journaliste. Ses derniers livres : Israel and the Clash of Civilisations : Iraq, Iran and the Plan to Remake the Middle East (Pluto Press) et Disappearing Palestine : Israels Experiments in Human Despair (Zed Books). Son site : http://www.jkcook.net, son mel : jcook@thenational.ae.
Jonathan Cook
Quatre jours de suite, une ambulance a conduit Amira Ghirim, 15 ans, de lhôpital Shifa jusquà la frontière à Rafah. On espérait que la fillette serait admise en Egypte pour aller en France se faire opérer durgence.
Amira a eu le bras et la cuisse gauches écrasés et les organes internes blessés par la chute de gravats quand un obus a touché sa maison dans le quartier de Tel al Hawa, à Gaza Ville, vers la fin de loffensive israélienne. Lassaut qui a tué son père, son frère et sa soeur la laissée orpheline.
Sa tante, Mona Ghirim, raconte toutefois que malgré lurgence de son opération, Amira sest fait renvoyer chaque fois de la frontière. "Tous les matins quand nous arrivions au passage, les soldats égyptiens nous insultaient et nous disaient de partir".
Mme Ghirim a dit que létat dAmira sétait détérioré à cause des heures quelle avait passées hors de lhôpital. Hier, en entendant que la frontière resterait fermée, elles ont décidé dabandonner le voyage. "Amira est très malade et ces déplacements inutiles ne sont pas bons pour elle".
Amira est lune des quatre enfants auxquels une équipe de docteurs en France à offert une opération qui pourrait leur sauver la vie. Toutefois, Amira et les autres enfants sont victimes dune bataille bureaucratique opposant lAutorité palestinienne, le Hamas et lÉgypte.
Mohammed Salem, chef du groupe médical Pal Med basé en France, était parmi les médecins qui accompagnaient les enfants jusquau passage vendredi dernier. Il a dit que les médecins avaient pu passer, mais que les ambulances transportant les enfants étaient restées bloquées. Quand les médecins ont essayé de retourner à Gaza, ils nont pas été autorisés à passer.
"Nous ne savons pas pourquoi les enfants ont été refoulés" dit-il. " Nous avions tous les papiers et les documents nécessaires. On nous avait dit quune fois que nous aurions traversé le passage de Rafah, lambulance transportant les enfants serait autorisée à nous suivre".
Il semblerait que le Ministère de la santé de Ramallah ait brusquement changé de politique et que, la veille de la tentative de départ des quatre enfants, il ait annoncé quil ny avait plus de raison de faire soigner dautres enfants à létranger.
Pendant lattaque israélienne de vingt-deux jours contre Gaza, près de 1300 palestiniens ont été tués et quelque 5300 ont été blessés.
Dans les jours qui ont suivi la déclaration de cessez-le-feu par Israël, le 18 janvier, des centaines de Gazaouis grièvement blessés ont été transférés en Égypte par le passage de Rafah. Beaucoup sont soignés dans les hôpitaux égyptiens et dautres ont été envoyés à létranger.
Mais pour ces quatre cas, il semble que les autorités égyptiennes aient préféré se plier aux souhaits du Ministère palestinien de la santé par crainte de frictions diplomatiques.
Sur les quatre enfants, Hazem Abu Odeh, 12 ans et Iman Khadum, 9 ans doivent être opérés pour arrêter une hémorragie dans leurs reins.
Le quatrième, Alla Abu Dagan, 16 ans, souffre de fractures et de blessures multiples dans le ventre causées par lexplosion dun obus.
Parlant sous couvert de lanonymat, une source diplomatique a dit quAmira et les autres enfants ont probablement été pris dans une dispute politique causée par la division entre lAutorité palestinienne, contrôlée par le Fatah en Cisjordanie, et le gouvernement du Hamas à Gaza
"LAP veut montrer que son autorité sétend à Gaza également. Elle utilise le contrôle quelle exerce sur laide médicale internationale à Gaza pour montrer qui est le chef et qui est aux commandes » selon la source.
Le Ministère palestinien de la santé sest refusé à tout commentaire.
Mme Ghirim a dit que sa nièce avait subi un traumatisme terrible." Après le bombardement de la maison, elle a rampé hors du bâtiment pour demander de laide, mais la rue était déserte. Elle a couché en plein air et toute la nuit elle a entendu les voix des soldats qui parlaient en hébreu.
Le lendemain matin, elle a rampé sur cinq cents mètres jusquà une autre maison pour se cacher. Elle est restée là jusquau retour du propriétaire de la maison. Celui-ci a dit quelle était en état de choc, couverte de sang et de poussière.
Les organisations médicales internationales ont fait leur propre évaluation de la situation à Gaza ces derniers jours. LOrganisation mondiale de la santé devrait émettre un rapport dans les jours à venir.
Une équipe de douze médecins israéliens arabes, membres de Médecins pour les droits humains, est rentrée de Gaza dimanche. Les médecins ont prévenu que le système de santé à Gaza avait atteint ses limites et que les patients blessés risquaient de mourir.
Selon Riyad Haddad, chirurgien au centre médical Carmel de Haïfa : "laide médicale est abondante, mais les soins que les médecins peuvent prodiguer sont extrêmement limités du fait de lisolement de Gaza qui a été coupé du monde pendant de longs mois".
Il a dit que les techniciens nétaient pas formés à lutilisation dun équipement hospitalier moderne,que les médecins navaient pas assisté à des séminaires médicaux sur les derniers progrès dans leur domaine, et quil y avait une grave pénurie de personnel infirmier formé.
Il a aussi dit que Gaza navait pas les psychologues nécessaires pour répondre à lampleur des traumatismes mentaux infligés à la population.
Sur les milliers de blesses, plus de six cents auraient une infirmité permanente. "Gaza a le plus grand besoin de centres de revalidation pour traiter un si grand nombre de personnes handicapées".
Le Dr Haddad a dit que beaucoup de médecins gazaouis lui avaient signalé des blessures inhabituelles et difficiles à soigner, infligées par les armes expérimentales quIsraël avait utilisées pendant son offensive.
Il a également mis en garde contre les obus non explosés qui avaient déjà tué des enfants jouant avec des munitions trainant dans les gravats. Le week-end dernier le Comité international de la Croix-Rouge a dit que les engins non explosés posaient un « nouveau danger majeur » pour la population civile.
Gaza risque aussi de connaître de grandes épidémies comme le choléra qui augmenteraient encore le nombre de décès. Le Dr Haddad a dit "Bien que la plupart des corps aient été dégagés des gravats, vous pouvez voir et sentir des animaux morts partout : des moutons des chèvres des chats et des chiens".
* Jonathan Cook est écrivain et journaliste. Ses derniers livres : Israel and the Clash of Civilisations : Iraq, Iran and the Plan to Remake the Middle East (Pluto Press) et Disappearing Palestine : Israels Experiments in Human Despair (Zed Books). Son site : http://www.jkcook.net, son mel : jcook@thenational.ae.