Les Etats-Unis incluent lusage de la bombe atomique dans la doctrine de la guerre préventive
mercredi 5 novembre 2008 - 23h:32
Alex Lantier - WSWS
Dans un discours remarquable sur la politique nucléaire prononcé le 28 octobre devant le Carnegie Endowment for International Peace (CEIP), le secrétaire dEtat à la Défense, Robert Gates, a dressé un sombre tableau de la situation internationale et a argumenté en faveur dune extension de la doctrine de la guerre préventive formulée par ladministration Bush à lutilisation de frappes nucléaires.
On dit un peu partout que, dans léventualité dune victoire du démocrate Barack Obama à lélection présidentielle, celui-ci garderait Gates comme ministre de la Défense. Le discours prononcé par Gates dans ces derniers jours de la présidence Bush a ainsi le caractère dune déclaration politique de la part de la prochaine administration.
Gates a commencé son discours en établissant des parallèles nombreux et de mauvais augure entre la situation mondiale actuelle et celle qui régnait lors de la fondation de lInstitut Carnegie en 1910, quatre ans avant le début de la Première Guerre mondiale. A lépoque, a-t-il remarqué, Wall Street se trouvait dans la panique boursière de 1910-1911 et était confronté à une crise du crédit, les Etats-Unis venaient de réprimer une insurrection aux Philippines qui avait coûté la vie à 4200 Américains, un bilan comparable à celui des combats en Iraq, et « lEurope, sarmant jusquaux dents, formait une suite dalliances aux implications évidentes pour ceux qui voulaient bien les voir. »
Gates avança largument que les illusions pacifistes promues par le fondateur du CEIP, Andrew Carnegie, un magnat de lacier du tournant du siècle, très notoire dans le mouvement ouvrier pour la répression brutale de la grève de Homestead contre sa société (1892), ne devaient pas empêcher les Etats-Unis de préparer une guerre plus générale.
Il remarqua : « En août 1913, Carnegie dit que "la seule mesure requise aujourdhui pour le maintien de la paix mondiale est un accord entre trois ou quatre des puissances civilisées... engagées à coopérer contre ceux qui dérangent la paix mondiale". » Gates dit que, dans une lettre adressée quatre ans plus tard au président Woodrow Wilson, élu en 1916 sur la base dun programme de maintien des Etats-Unis hors de la guerre mondiale, « le même Andrew Carnegie encourageait le président dans les termes les plus fermes à déclarer la guerre, parce que, écrivait-il, "il ny a quune seule manière directe de régler les choses" ».
Puis, se tournant vers la politique nucléaire, Gates dit : « tant que dautres pays ont des armes nucléaires, nous devons garder une certaine quantité de ces armes nous-mêmes, afin de dissuader les adversaires potentiels et de rassurer plus dune vingtaine dalliés et de partenaires qui dépendent de notre parapluie nucléaire pour leur sécurité, rendant inutile quils développent leur propre arme [nucléaire] ».
Ce commentaire donne une idée du caractère tendu et instable des relations internationales et de la paranoïa des responsables américains. Les inquiétudes de Gates quant à une prolifération darmes nucléaires ne sarrêtent pas aux programmes existants qui sont le fait d« adversaires potentiels » et parmi lesquels Gates inclut « les Etats voyous comme la Corée du Nord, lIran ou les programmes stratégiques de modernisation russes ou chinois ». Ses craintes sétendent à la politique nucléaire de tous les Etats, y compris celle dEtats clients des Etats-Unis.
Gates revint sur ce point par la suite : « Il est impossible de prédire lavenir [...] nos adversaires et dautres nations rechercheront toujours les avantages quils pourront obtenir quels quils soient. Sachant cela, nous devons nous préparer à des situations imprévues que nous naurons même pas prises en considération. »
La liste donnée des Etats amis de Washington qui ont choisi de ne pas développer la bombe atomique est significative : la Corée du Sud, lArgentine, lAfrique du Sud et la Libye. Deux des pays les plus évidents dans cette catégorie, les ex-ennemis de la Deuxième Guerre mondiale, le Japon et lAllemagne, ny figuraient pas. Gates na pas expliqué quelles considérations politiques lavaient conduit à les omettre.
Puis, Gates proféra cette menace étonnante : « Tant que dautres Etats possèdent ou bien cherchent à posséder des armes nucléaires et peuvent nous menacer nous, nos alliés et nos amis, de façon potentielle, nous devons avoir une capacité dissuasive qui montre clairement que mettre les Etats-Unis au défi dans le domaine nucléaire ou à laide dautres armes de destruction massive, peut avoir pour conséquence une riposte massive et catastrophique. »
Selon Gates, les Etats-Unis doivent être capables de menacer de façon crédible dun holocauste atomique tout Etat qui « défie » les Etats-Unis dans le domaine nucléaire ou avec dautres « armes de destruction massive ». Selon ses propres paroles, un tel défi ne signifie pas quune nation attaque les Etats-Unis. Cela ne demande même pas quune nation possède larme atomique ou dautres armes de destruction massive. Il suffit simplement quune nation « cherche » à obtenir de telles armes pour quelle devienne la cible potentielle dune « réponse massive et catastrophique » de la part des Etats-Unis.
Les implications dune telle doctrine sont immenses non seulement pour ce qui est des programmes nucléaires militaires américains, mais pour lensemble de la politique étrangère américaine. Elle stipule que toute nation dans le monde doit croire quune tentative de développer larme atomique entraînera une attaque nucléaire américaine. Ainsi, les Etats-Unis seraient, pourrait-on argumenter, obligés dattaquer à larme nucléaire les pays quils accusent de développer une bombe atomique, comme lIran et la Corée du Nord, sinon le reste du monde en conclurait que les Etats-Unis ne mettront pas leurs menaces à exécution.
Gates complète la doctrine de la guerre préventive de Bush, annoncée avant linvasion non provoquée de lIrak et sappuyant sur le mensonge à propos de lexistence de prétendues armes de destruction massive, avec la clause quune attaque préventive américaine peut impliquer le recours à grande échelle de la bombe atomique.
Il appela dans son discours à une augmentation appréciable des dépenses allouées aux armes nucléaires, ainsi quà la reprise des essais nucléaires. « Il nest absolument pas possible de maintenir une dissuasion crédible en réduisant en même temps le nombre darmes dans nos réserves sans soit recourir aux essais nucléaires pour notre stock soit poursuivre un programme de modernisation », a-t-il déclaré.
Parlant de pronostic « sombre » pour ce qui était de surmonter les problèmes techniques et de personnel des programmes stratégiques nucléaires américains, Gates expliqua que sa politique comprenait les armes américaines les plus volumineuses et les plus puissantes : « Le programme que nous proposons ne concerne pas les nouvelles capacités, les bombes-valise, les bombes anti bunker ou les bombes atomiques tactiques [...]. Il sagit de la crédibilité future de notre dissuasion nucléaire. »
Gates a aussi répondu à des inquiétudes sur la structure de commandement des forces nucléaires de laviation américaine, causées par le limogeage le 5 juin de plusieurs hauts responsables de larmée de lair. Ceci se produisit après quon ait découvert le transport à Taïwan de pièces composantes dogives nucléaires américaines. Le World Socialist Web Site avait à lépoque soulevé la question de savoir si cela faisait partie dune politique extérieure officieuse de sections de larmée américaine. La presse bourgeoise avait cependant accepté les explications officielles selon lesquelles il sétait agi dune simple négligence technique.
Les explications données par Gates ne se sont pas concentrées sur un règlement du problème technique des protocoles de transport de larmée de lair, mais bien plutôt sur un contrôle de la politique de celle-ci. Il annonça des mesures destinées à centraliser « la politique et la supervision nucléaire », ce qui comprend un nouveau quartier général de larmée de lair et un centre pour armes nucléaires à la base aérienne de Kirkland (Nouveau-Mexique) qui aura pour tâche de « déblayer des chaînes de commandement ambiguës qui ont été la cause de problèmes dans le passé ».
http://www.info-palestine.net/article.php3?id_article=5322
mercredi 5 novembre 2008 - 23h:32
Alex Lantier - WSWS
Dans un discours remarquable sur la politique nucléaire prononcé le 28 octobre devant le Carnegie Endowment for International Peace (CEIP), le secrétaire dEtat à la Défense, Robert Gates, a dressé un sombre tableau de la situation internationale et a argumenté en faveur dune extension de la doctrine de la guerre préventive formulée par ladministration Bush à lutilisation de frappes nucléaires.
On dit un peu partout que, dans léventualité dune victoire du démocrate Barack Obama à lélection présidentielle, celui-ci garderait Gates comme ministre de la Défense. Le discours prononcé par Gates dans ces derniers jours de la présidence Bush a ainsi le caractère dune déclaration politique de la part de la prochaine administration.
Gates a commencé son discours en établissant des parallèles nombreux et de mauvais augure entre la situation mondiale actuelle et celle qui régnait lors de la fondation de lInstitut Carnegie en 1910, quatre ans avant le début de la Première Guerre mondiale. A lépoque, a-t-il remarqué, Wall Street se trouvait dans la panique boursière de 1910-1911 et était confronté à une crise du crédit, les Etats-Unis venaient de réprimer une insurrection aux Philippines qui avait coûté la vie à 4200 Américains, un bilan comparable à celui des combats en Iraq, et « lEurope, sarmant jusquaux dents, formait une suite dalliances aux implications évidentes pour ceux qui voulaient bien les voir. »
Gates avança largument que les illusions pacifistes promues par le fondateur du CEIP, Andrew Carnegie, un magnat de lacier du tournant du siècle, très notoire dans le mouvement ouvrier pour la répression brutale de la grève de Homestead contre sa société (1892), ne devaient pas empêcher les Etats-Unis de préparer une guerre plus générale.
Il remarqua : « En août 1913, Carnegie dit que "la seule mesure requise aujourdhui pour le maintien de la paix mondiale est un accord entre trois ou quatre des puissances civilisées... engagées à coopérer contre ceux qui dérangent la paix mondiale". » Gates dit que, dans une lettre adressée quatre ans plus tard au président Woodrow Wilson, élu en 1916 sur la base dun programme de maintien des Etats-Unis hors de la guerre mondiale, « le même Andrew Carnegie encourageait le président dans les termes les plus fermes à déclarer la guerre, parce que, écrivait-il, "il ny a quune seule manière directe de régler les choses" ».
Puis, se tournant vers la politique nucléaire, Gates dit : « tant que dautres pays ont des armes nucléaires, nous devons garder une certaine quantité de ces armes nous-mêmes, afin de dissuader les adversaires potentiels et de rassurer plus dune vingtaine dalliés et de partenaires qui dépendent de notre parapluie nucléaire pour leur sécurité, rendant inutile quils développent leur propre arme [nucléaire] ».
Ce commentaire donne une idée du caractère tendu et instable des relations internationales et de la paranoïa des responsables américains. Les inquiétudes de Gates quant à une prolifération darmes nucléaires ne sarrêtent pas aux programmes existants qui sont le fait d« adversaires potentiels » et parmi lesquels Gates inclut « les Etats voyous comme la Corée du Nord, lIran ou les programmes stratégiques de modernisation russes ou chinois ». Ses craintes sétendent à la politique nucléaire de tous les Etats, y compris celle dEtats clients des Etats-Unis.
Gates revint sur ce point par la suite : « Il est impossible de prédire lavenir [...] nos adversaires et dautres nations rechercheront toujours les avantages quils pourront obtenir quels quils soient. Sachant cela, nous devons nous préparer à des situations imprévues que nous naurons même pas prises en considération. »
La liste donnée des Etats amis de Washington qui ont choisi de ne pas développer la bombe atomique est significative : la Corée du Sud, lArgentine, lAfrique du Sud et la Libye. Deux des pays les plus évidents dans cette catégorie, les ex-ennemis de la Deuxième Guerre mondiale, le Japon et lAllemagne, ny figuraient pas. Gates na pas expliqué quelles considérations politiques lavaient conduit à les omettre.
Puis, Gates proféra cette menace étonnante : « Tant que dautres Etats possèdent ou bien cherchent à posséder des armes nucléaires et peuvent nous menacer nous, nos alliés et nos amis, de façon potentielle, nous devons avoir une capacité dissuasive qui montre clairement que mettre les Etats-Unis au défi dans le domaine nucléaire ou à laide dautres armes de destruction massive, peut avoir pour conséquence une riposte massive et catastrophique. »
Selon Gates, les Etats-Unis doivent être capables de menacer de façon crédible dun holocauste atomique tout Etat qui « défie » les Etats-Unis dans le domaine nucléaire ou avec dautres « armes de destruction massive ». Selon ses propres paroles, un tel défi ne signifie pas quune nation attaque les Etats-Unis. Cela ne demande même pas quune nation possède larme atomique ou dautres armes de destruction massive. Il suffit simplement quune nation « cherche » à obtenir de telles armes pour quelle devienne la cible potentielle dune « réponse massive et catastrophique » de la part des Etats-Unis.
Les implications dune telle doctrine sont immenses non seulement pour ce qui est des programmes nucléaires militaires américains, mais pour lensemble de la politique étrangère américaine. Elle stipule que toute nation dans le monde doit croire quune tentative de développer larme atomique entraînera une attaque nucléaire américaine. Ainsi, les Etats-Unis seraient, pourrait-on argumenter, obligés dattaquer à larme nucléaire les pays quils accusent de développer une bombe atomique, comme lIran et la Corée du Nord, sinon le reste du monde en conclurait que les Etats-Unis ne mettront pas leurs menaces à exécution.
Gates complète la doctrine de la guerre préventive de Bush, annoncée avant linvasion non provoquée de lIrak et sappuyant sur le mensonge à propos de lexistence de prétendues armes de destruction massive, avec la clause quune attaque préventive américaine peut impliquer le recours à grande échelle de la bombe atomique.
Il appela dans son discours à une augmentation appréciable des dépenses allouées aux armes nucléaires, ainsi quà la reprise des essais nucléaires. « Il nest absolument pas possible de maintenir une dissuasion crédible en réduisant en même temps le nombre darmes dans nos réserves sans soit recourir aux essais nucléaires pour notre stock soit poursuivre un programme de modernisation », a-t-il déclaré.
Parlant de pronostic « sombre » pour ce qui était de surmonter les problèmes techniques et de personnel des programmes stratégiques nucléaires américains, Gates expliqua que sa politique comprenait les armes américaines les plus volumineuses et les plus puissantes : « Le programme que nous proposons ne concerne pas les nouvelles capacités, les bombes-valise, les bombes anti bunker ou les bombes atomiques tactiques [...]. Il sagit de la crédibilité future de notre dissuasion nucléaire. »
Gates a aussi répondu à des inquiétudes sur la structure de commandement des forces nucléaires de laviation américaine, causées par le limogeage le 5 juin de plusieurs hauts responsables de larmée de lair. Ceci se produisit après quon ait découvert le transport à Taïwan de pièces composantes dogives nucléaires américaines. Le World Socialist Web Site avait à lépoque soulevé la question de savoir si cela faisait partie dune politique extérieure officieuse de sections de larmée américaine. La presse bourgeoise avait cependant accepté les explications officielles selon lesquelles il sétait agi dune simple négligence technique.
Les explications données par Gates ne se sont pas concentrées sur un règlement du problème technique des protocoles de transport de larmée de lair, mais bien plutôt sur un contrôle de la politique de celle-ci. Il annonça des mesures destinées à centraliser « la politique et la supervision nucléaire », ce qui comprend un nouveau quartier général de larmée de lair et un centre pour armes nucléaires à la base aérienne de Kirkland (Nouveau-Mexique) qui aura pour tâche de « déblayer des chaînes de commandement ambiguës qui ont été la cause de problèmes dans le passé ».
http://www.info-palestine.net/article.php3?id_article=5322