Les excès du ramadan

Espiegle69

Evil Halouf
Alors que le mois du jeûne touche à sa fin, l'éditoiraliste d'Al-Ahram Weekly dénonce le coût financier et l’improductivité qui caractérisent désormais cette période, en principe dédiée à la piété et non aux festivités et dépenses ostentatoires.

Pendant des années, je me suis intéressé à l'idée de "création de richesse" comme étant le meilleur moyen de combattre bien des fléaux de notre société et de sortir de la spirale de la pauvreté et du sous-développement. Néanmoins, mon optimisme sur cette question a été quelque peu refroidi par un déplorable aspect du système. Les sociétés pauvres ont, en effet, tendance à gâcher ou à dilapider les richesses.

Pendant le mois du ramadan, nous avons pris l'habitude de jeter l'argent par les fenêtres dans des dépenses exorbitantes ou malavisées. Nous célébrons ce mois sacré comme une sorte de coutume folklorique et non comme un rite religieux.

Prenons l'exemple de la consommation de nourriture. En Egypte, les dépenses alimentaires pendant le ramadan se situent bien au-dessus de la moyenne des autres mois, ce qui pose de graves problèmes aux ministres chargés de réguler l'approvisionnement selon la demande.

D'après une récente étude du National Centre for Social and Criminal Research (NCSCR), 83 % des ménages égyptiens modifient leurs habitudes de consommation pendant le ramadan et augmentent leurs dépenses alimentaires de 50 % à 100 %. Alors que les consommateurs égyptiens dépensent près de 200 milliards de livres [environ 24,5 milliards d'euros] par an, pendant le mois du ramadan, ce sont près de 30 milliards de livres [3,6 milliards d'euros] – soit 1 milliard de livres par jour – qui sont engloutis essentiellement dans des dépenses alimentaires en cette période de jeûne.

L'étude du NCSCR révèle que, pendant cette période, le budget des Egyptiens augmente de 66,5 % pour les viandes et volailles, de 63 % pour les friandises et de 25 % pour les noix et les amuse-gueules. Le nombre de dîners et banquets s'accroît également de 23 %. L'étude montre, en outre, qu'en moyenne au moins 60 % de la nourriture présentée à un dîner finit à la poubelle et plus de 75 % après les banquets.

Il y a aussi les rapports médicaux qui montrent que l'état de santé général des Egyptiens décline pendant le ramadan. Bien qu'il n'y ait que deux repas par nuit pendant cette période, l'iftar le soir et le sohour avant le lever du soleil, les autorités médicales constatent une augmentation des problèmes diabétiques et cardiovasculaires liés à la surconsommation de sucres et de graisses.

Certaines études statistiques révèlent également une hausse de la consommation de médicaments délivrés sans ordonnance pour le traitement des troubles digestifs allant de l'ulcère à la colite. En conclusion, la surconsommation pendant le mois du ramadan grève le budget des ménages, affaiblit l'économie nationale (avec l'augmentation des importations, notamment de fruits secs et de noix en provenance de Turquie, de Syrie et d'Inde), vide les livrets d'épargne des Egyptiens et a un effet nocif sur leur santé.

Pour ne rien arranger, cette année, le ramadan coïncide avec la rentrée des classes, pressurant un peu plus le budget des ménages, notamment ceux à faibles revenus. Bon nombre d'entre eux sont assurés de se retrouver endettés à la fin du mois, essentiellement à cause de dépenses inconsidérées.

Le travail apparaît comme un élément tellement secondaire pendant le ramadan, du moins dans plusieurs agences et services gouvernementaux, que l'on pourrait croire que toute une catégorie de fonctionnaires – tous niveaux confondus – considère le ramadan comme un mois de léthargie autorisée. Les employés arrivent en retard et/ou partent tôt pour des raisons de fatigue liée au jeûne, et quiconque a l'impudence de le leur reprocher se voit répondre un "ne gâche pas mon jeûne !" menaçant.

Le paysan, l'ingénieur ou le médecin qui savent être efficaces et consciencieux dans leur travail valent bien plus que l'homme qui prie, jeûne et récite le Coran sans en appliquer les principes. C'est précisément le message qu'a voulu faire passer le mufti d'Al-Azhar, le cheikh Mohamed Hussein Tantawi, en disant que les fonctionnaires ne devaient pas se servir du jeûne, de la prière ou de la lecture du Coran comme de prétextes pour ne pas travailler et porter préjudice au bien-être de la population.




Source : Courrier international.
 
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